17 avril 2006
Mes publications récentes dans la presse
Une nouvelle :
Des amis avec un gros chien noir (Extrait)
... Plus loin, Earl Lediable longea un long mur de béton où était inscrit en immenses lettres noires “AUTO-DÉMOLITION”. Bientôt, la ligne droite de l’avenue se dispersa dans l’horizon du fleuve dont les quais suivaient le méandre. Frôlé par les ramures d’un vieux saule attaqué par mousses et lichens, Earl Lediable accéléra le pas. Une odeur chimique qui semblait provenir du fleuve le convainquit d’interrompre sa promenade...
Un texte :
Sollers sur les Zattere (Extrait)
... En cette fin d'automne, le moment était venu de faire mes adieux à Sollers...
(À lire dans la revue La Presse Littéraire n°5, actuellement en kiosque.)
19:50 | Lien permanent | Commentaires (7)
07 avril 2006
L'homme qui sent la patate
À la lecture du chapitre 26 de mon livre Le Grand variable (éditions Editinter), des lecteurs me demandent régulièrement comment j'ai imaginé l'épisode de l'usine. Eh bien je n'ai rien imaginé du tout. Je me suis juste contenté de relater l'un des moments (pénibles) qui ont constitué ma brève expérience de l'usine où, à l'âge de seize ans, j'ai sacrifié un mois de vacances. Pourquoi ? Pour me payer des vacances, pardi !
Le Grand variable (26)
Le jour de mon entrée à l'usine, je suis pris en charge par l'homme qui sent la patate. Petit, rondouillard, toujours suant, cet homme a pour mission de m'apprendre le maniement de la machine à lier des boîtes en carton pliées à plat.
Il sent les pommes de terre car il en consomme de si grandes quantités que sa transpiration a fini par s'imprégner de leur odeur.
- On empile dix boîtes bien à plat les unes sur les autres à cet endroit de la machine et on presse le bouton, explique l'homme qui sent la patate.
Un poids en bois descend et comprime les boîtes.
- A ce moment-là, il faut appuyer sur la pédale de la machine pour que le lien en plastique entoure les boîtes, poursuit-il d'un ton docte.
Et d'insister :
- D'abord le bouton, ensuite la pédale. A toi maintenant.
Mais voilà. J'appuie sur la pédale avant de presser le bouton, non pas parce que je suis incapable de comprendre la consigne, mais parce que je suis troublé par l'idée d'avoir à coordonner ces gestes toute la matinée, toute la journée, toute la semaine, tout le mois, toute l'année, toute la vie...
- Non, non, dit l'homme qui sent la patate. D'abord le bouton, ensuite la pédale. Sinon, regarde, le lien entoure les boîtes sans les comprimer et après, elles ne tiennent plus sur les palettes.
L'homme qui sent la patate est contrarié car il lui faut maintenant s'occuper de retendre le lien en plastique après ma fausse manoeuvre. Mais il essaye de n'en rien laisser paraître car il faut être patient avec les nouveaux.
- Voilà. Recommence quand je te le dirai. Et n'oublie pas : le bouton puis la pédale...
Au moment où il se penche au-dessus de la machine pour vérifier si le lien est bien tendu, l'homme qui sent la patate grommelle quelque chose et j'interprète ce grognement comme le signal. Le bouton puis la pédale...
Et voilà l'homme qui sent la patate empêtré dans le lien en plastique car la machine, bien que de conception ingénieuse, ne fait pas la différence entre une pile de boîtes en carton et un homme. Dès l'instant qu'on presse le bouton et qu'on appuie sur la pédale, elle lie tout ce qui passe à sa portée. Et cette machine n'a aucune raison de faire une exception au bénéfice d'un homme, qu'il sente ou non la patate.
01:25 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (5)