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24 mai 2023

Images d'archives ou le passé immédiat

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Jean-Jacques Nuel, Images d’archives, poésie, éditions du Petit Pavé, collection Le Semainier. 88 pages, 12 €. Avril 2023. Illustration de couverture : Nicole Vidal-Nuel.

Dans ses romans, ses nouvelles ou sa poésie (toujours narrative et dépouillée), Jean-Jacques Nuel est un des écrivains d’aujourd’hui qui racontent le mieux leur époque, celle de la modernité désenchantée. 

La modernité c’est ce que le temps engloutit le plus vite. D’ailleurs, on devrait dire « les modernités » car chaque époque a la sienne, symbolisée par des paysages, des objets et des lieux façonnés, fabriqués et construits par l’homme. Celle de la seconde moitié du vingtième siècle et de la première moitié du vingt-et-unième n’échappe pas à la règle avec les horizons fuyants des autoroutes et la répétition de leurs aires de repos, la prolifération des centres commerciaux et des gares anonymes, ces lieux intermédiaires où l’antihéros nuelien errant dans les entrelacs du temps et de l’espace tente de se réconforter d’un café amer et d’un sandwich à proximité d’un énième Point Relay. Notre rapport à la modernité produit des images et celles-ci s’inscrivent en notre mémoire non pas dans le présent mais dans un passé immédiat, ce qui les fixe en « images d’archives » ainsi qu’elle sont désignées lorsque nous allons les chercher dans les bases de données pour les utiliser à notre guise.

Images d’archives, Jean-Jacques Nuel ne pouvait pas trouver meilleur titre à ce recueil pour accorder le rythme lent d’une récurrente mais sobre mélancolie à celui de l’incessante accélération d’un monde voué à toujours plus d’impermanence, celui que les baby boomers ont inauguré vaille que vaille, pour le meilleur et pour le pire.

Extrait :

debout peu avant minuit devant une table haute
de la station d’autoroute
tu buvais un café
légèrement amer
contemplant un gobelet de carton
blanc marqué de rouge
à lèvres laissé là par une passagère
de la nuit
la lumière était artificielle
et les êtres en décalage
horaire   

20 mai 2022

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03 août 2021

Meurtre et enquête à l’ombre de l’abbaye

Avril à Cluny, de Jean-Jacques Nuel. Éditions Héraclite. 158 p. 16 €.

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Le privé Brice Noval est de retour dans Avril à Cluny, le dernier polar de Jean-Jacques Nuel. Dans ses deux précédentes enquêtes, La Malédiction de l’Hôtel-Dieu et Terminus Perrache (éditions Germes de barbarie), Noval se creusait les méninges dans les rues de Lyon mais l’âge venant en même temps qu’une certaine lassitude pour la ville aux trois fleuves (le Rhône, la Saône et le Beaujolais), le voici bien décidé à profiter de la retraite dans un village près de Cluny. Seulement voilà, si le village est tranquille, Cluny, malgré ses cinq petits milliers d’habitants, l’est beaucoup moins après le meurtre d’un libraire.

Pour contrarier encore les projets de l’enquêteur désireux de se ranger des voitures, l’ombre menaçante d’un moine erre la nuit dans les rues de la ville aux mille ans d’histoire. Ambiance !

Toujours sensible au charme féminin, Noval laisse son agent immobilier, une jeune femme qui ne se satisfait pas des conclusions de l’enquête officielle, le persuader de mener la sienne, pour le plus grand bonheur du lecteur aussitôt entraîné dans la pénombre et le clair-obscur de cette province qui ne dort que d’un œil mais où les éternelles turpitudes humaines ne s’en déchaînent pas moins. Brice Noval manquera de peu d’en faire les frais mais on verra dans la pirouette humoristique finale d’un ingénieux double épilogue qu’il a fait le boulot.

Au passage, la lecture de ce polar rondement mené nous évoque en brèves notations, sans s’égarer dans trop de développements historiques, les épisodes les plus marquants de l’immense rayonnement puis du déclin du site de Cluny qui fut, par son abbaye et son église, la plus grande de la chrétienté avant la reconstruction de Saint-Pierre de Rome, un phare spirituel de l’Occident.

Ainsi que le fait remarquer l’enquêteur Brice Noval, « si l’on y réfléchit bien, la fin de l’église abbatiale est moins le fait des révolutionnaires que des bourgeois. Ce sont des spéculateurs qui ont voulu optimiser leur profit. Des bourgeois qui se sont enrichis dans cette opération, au mépris de l’art, de l’architecture et de l’Histoire. » À méditer aujourd’hui...

Publié avec grand soin par les éditions Héraclite dans leur collection Terres de Bourgogne, Avril à Cluny nous donne le rythme de l’enquête policière, l’atmosphère romanesque et les rapides escapades dans le temps historique, tout cela concentré en 158 pages. Pas le temps de s’ennuyer !

Christian Cottet-Emard