11 novembre 2025
Jean-Jacque Nuel, maître du court

Contresens (180 courts métrages), Jean-Jacques Nuel, éditions du Petit Pavé. 150 p. 15 €. 2025.
Romancier, chroniqueur, poète, éditeur, Jean-Jacques Nuel est aussi connu pour son excellence dans le texte court. Il a longtemps dispersé ces petits bijoux d’humour noir, d’ironie, d’absurde, d’impertinence « à froid » mais aussi de sobre mélancolie dans des revues et magazines ainsi que dans les catalogues de nombreuses maisons d’édition.
C’est avec délice que nous retrouvons sous le titre Contresens les pépites de cette veine littéraire rassemblées dans un fort volume des éditions du Petit Pavé élégamment illustré par Dominique Laronde. L’ensemble n’est pas sous-titré 180 courts métrages par hasard. L’écriture au cordeau, comme toujours chez Nuel, fait de ces billets caustiques autant de vignettes en harmonie avec les dessins en ligne claire de Laronde.
Ainsi s’anime sous nous yeux un monde dont les personnages, les paysages et les situations sont souvent poussés aux extrêmes de l’absurdité et du déterminisme, mais cet univers parfois aussi drôle que féroce est pourtant bien le nôtre. Il en émane même une étrange poésie où rôde parfois, dans les méandres du si particulier théâtre nuelien, l’ombre furtive d’un Dino Buzzati.
Christian Cottet-Emard
01:51 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-jacques nuel, contresens, courts métrages, proses courtes, vignette, billets, éditions du petit pavé, illustrations, dominique laronde, littérature, blog littéraire de christian cottet-emard
24 mai 2023
Images d'archives ou le passé immédiat

Jean-Jacques Nuel, Images d’archives, poésie, éditions du Petit Pavé, collection Le Semainier. 88 pages, 12 €. Avril 2023. Illustration de couverture : Nicole Vidal-Nuel.
Dans ses romans, ses nouvelles ou sa poésie (toujours narrative et dépouillée), Jean-Jacques Nuel est un des écrivains d’aujourd’hui qui racontent le mieux leur époque, celle de la modernité désenchantée.
La modernité c’est ce que le temps engloutit le plus vite. D’ailleurs, on devrait dire « les modernités » car chaque époque a la sienne, symbolisée par des paysages, des objets et des lieux façonnés, fabriqués et construits par l’homme. Celle de la seconde moitié du vingtième siècle et de la première moitié du vingt-et-unième n’échappe pas à la règle avec les horizons fuyants des autoroutes et la répétition de leurs aires de repos, la prolifération des centres commerciaux et des gares anonymes, ces lieux intermédiaires où l’antihéros nuelien errant dans les entrelacs du temps et de l’espace tente de se réconforter d’un café amer et d’un sandwich à proximité d’un énième Point Relay. Notre rapport à la modernité produit des images et celles-ci s’inscrivent en notre mémoire non pas dans le présent mais dans un passé immédiat, ce qui les fixe en « images d’archives » ainsi qu’elle sont désignées lorsque nous allons les chercher dans les bases de données pour les utiliser à notre guise.
Images d’archives, Jean-Jacques Nuel ne pouvait pas trouver meilleur titre à ce recueil pour accorder le rythme lent d’une récurrente mais sobre mélancolie à celui de l’incessante accélération d’un monde voué à toujours plus d’impermanence, celui que les baby boomers ont inauguré vaille que vaille, pour le meilleur et pour le pire.
Extrait :
debout peu avant minuit devant une table haute
de la station d’autoroute
tu buvais un café
légèrement amer
contemplant un gobelet de carton
blanc marqué de rouge
à lèvres laissé là par une passagère
de la nuit
la lumière était artificielle
et les êtres en décalage
horaire
03:01 Publié dans Lectures, Service de presse | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : images d'archives, jean-jacques nuel, éditions du petit pavé, collection le semainier, jean hourlier, poésie, littérature, blog littéraire de christian cottet-emard, lecture, critique, note de lecture, modernité, baby boomers, lyon, cluny, autoroute, gare, café, sandwich, nicole vidal-nuel, illustration




























