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11 novembre 2025

Jean-Jacque Nuel, maître du court

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Contresens (180 courts métrages), Jean-Jacques Nuel, éditions du Petit Pavé. 150 p. 15 €. 2025.

Romancier, chroniqueur, poète, éditeur, Jean-Jacques Nuel est aussi connu pour son excellence dans le texte court. Il a longtemps dispersé ces petits bijoux d’humour noir, d’ironie, d’absurde, d’impertinence « à froid » mais aussi de sobre mélancolie dans des revues et magazines ainsi que dans les catalogues de nombreuses maisons d’édition.

C’est avec délice que nous retrouvons sous le titre Contresens les pépites de cette veine littéraire rassemblées dans un fort volume des éditions du Petit Pavé élégamment illustré par Dominique Laronde. L’ensemble n’est pas sous-titré 180 courts métrages par hasard. L’écriture au cordeau, comme toujours chez Nuel, fait de ces billets caustiques autant de vignettes en harmonie avec les dessins en ligne claire de Laronde.

Ainsi s’anime sous nous yeux un monde dont les personnages, les paysages et les situations sont souvent poussés aux extrêmes de l’absurdité et du déterminisme, mais cet univers parfois aussi drôle que féroce est pourtant bien le nôtre. Il en émane même une étrange poésie où rôde parfois, dans les méandres du si particulier théâtre nuelien, l’ombre furtive d’un Dino Buzzati.

Christian Cottet-Emard

24 août 2019

À la fenêtre

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Sommes-nous encore les plus nombreux à être riches d'une fenêtre ? Je ne parle pas de ces hublots avares et myopes où l’on ne peut même pas s’accouder mais d’une vraie fenêtre avec une croisée, des volets et un rebord ou un balcon.

 

Derrière la fenêtre, il faut aussi quelque chose, une rue avec des passants, des toits avec leurs cheminées, des champs qui font le gros dos ou un arbre beau parleur sous la brise.

 

Je me souviens d’une fenêtre ouvrant sur un jardin où s’est épanouie mon enfance. Un gros poirier approchait tout près ses branches. Derrière, on distinguait des morceaux d’une petite gare. Depuis le balcon, rien à craindre des wagons pressés et du fracas de leurs tôles. Tout ce qui se passe à la fenêtre est une histoire aux limites bien définies.

 

L’oiseau mort de l’hiver, les pas dans la nuit, le souffle des forêts et le lever de lune restent des contes d’inquiétude et de contemplation dont la fenêtre est le théâtre. Si on laisse déborder le spectacle de la scène, on prend le risque d’en devenir l’un des acteurs et de ne plus rien voir.

 

Extrait de mon recueil L'inventaire des fétiches, © Éditions Orage-Lagune-Express, 1988.

Photo Christian Cottet-Emard

 

21 août 2019

Habiter

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Les habitants de cette oisive demeure ne cultivent plus leur jardin.

La campagne qui s’impatiente autour de la maison s’enhardit et maraude dans le potager rendu à sa paresse.

Les animaux domestiques ont délaissé depuis longtemps ce lieu à part un chat ou deux qui nous ressemblent quand nous dormons.

Les roses et les pivoines reprennent leur couleur d’aube.

Chaque jour de contemplation habitue notre pas à plus d’indolence.

Pour habiter la maison vide, il suffit de longer ses murs une ou deux fois, de temps à autres.

Dans le petit soleil, nous y croquons le pain du jour sous l’influence de l’enfant vagabond qui se souvient de nos cabanes du temps jadis.

Les nuits d’orage, il regagne les forêts du sommeil, comme une bête aux yeux tragiques.

Le passant qu’il redevient le lendemain prend le chemin le plus court alors que sa pensée emprunte le plus nécessaire.

Voilà pourquoi on rechigne à démolir cette vieille baraque.

 

Extrait de mon recueil L'inventaire des fétiches, © Éditions Orage-Lagune-Express, 1988.

Photo Christian Cottet-Emard