Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

24 août 2019

À la fenêtre

l'inventaire des fétiches, christian cottet-emard, éditions orage lagune express, 1988, proses courtes, blog littéraire de christian cottet-emard, passage, raccourci, pavés, murailles, murs, jardins, maisons, ville, traboules, boyaux, souterrains, grilles, potagers, escalier, lézard, courge, réseau, dictée, dédale, tuile, ferraille, vélo, chélidoine, laitue des murs, herbes folles, maison vide, habiter, baraque, rose, pivoine, ruine, jardin abandonné,fenêtre,croisée,balcon,rebord,rue,passants,toits,cheminées,champs,enfance,gare,wagons,inquiétude,contemplation,forêts,lever de lune,poirier

Sommes-nous encore les plus nombreux à être riches d'une fenêtre ? Je ne parle pas de ces hublots avares et myopes où l’on ne peut même pas s’accouder mais d’une vraie fenêtre avec une croisée, des volets et un rebord ou un balcon.

 

Derrière la fenêtre, il faut aussi quelque chose, une rue avec des passants, des toits avec leurs cheminées, des champs qui font le gros dos ou un arbre beau parleur sous la brise.

 

Je me souviens d’une fenêtre ouvrant sur un jardin où s’est épanouie mon enfance. Un gros poirier approchait tout près ses branches. Derrière, on distinguait des morceaux d’une petite gare. Depuis le balcon, rien à craindre des wagons pressés et du fracas de leurs tôles. Tout ce qui se passe à la fenêtre est une histoire aux limites bien définies.

 

L’oiseau mort de l’hiver, les pas dans la nuit, le souffle des forêts et le lever de lune restent des contes d’inquiétude et de contemplation dont la fenêtre est le théâtre. Si on laisse déborder le spectacle de la scène, on prend le risque d’en devenir l’un des acteurs et de ne plus rien voir.

 

Extrait de mon recueil L'inventaire des fétiches, © Éditions Orage-Lagune-Express, 1988.

Photo Christian Cottet-Emard

 

21 août 2019

Habiter

l'inventaire des fétiches,christian cottet-emard,éditions orage lagune express,1988,proses courtes,blog littéraire de christian cottet-emard,passage,raccourci,pavés,murailles,murs,jardins,maisons,ville,traboules,boyaux,souterrains,grilles,potagers,escalier,lézard,courge,réseau,dictée,dédale,tuile,ferraille,vélo,chélidoine,laitue des murs,herbes folles,maison vide,habiter,baraque,rose,pivoine,ruine,jardin abandonné

Les habitants de cette oisive demeure ne cultivent plus leur jardin.

La campagne qui s’impatiente autour de la maison s’enhardit et maraude dans le potager rendu à sa paresse.

Les animaux domestiques ont délaissé depuis longtemps ce lieu à part un chat ou deux qui nous ressemblent quand nous dormons.

Les roses et les pivoines reprennent leur couleur d’aube.

Chaque jour de contemplation habitue notre pas à plus d’indolence.

Pour habiter la maison vide, il suffit de longer ses murs une ou deux fois, de temps à autres.

Dans le petit soleil, nous y croquons le pain du jour sous l’influence de l’enfant vagabond qui se souvient de nos cabanes du temps jadis.

Les nuits d’orage, il regagne les forêts du sommeil, comme une bête aux yeux tragiques.

Le passant qu’il redevient le lendemain prend le chemin le plus court alors que sa pensée emprunte le plus nécessaire.

Voilà pourquoi on rechigne à démolir cette vieille baraque.

 

Extrait de mon recueil L'inventaire des fétiches, © Éditions Orage-Lagune-Express, 1988.

Photo Christian Cottet-Emard

 

 

12 août 2019

Passages

 l'inventaire des fétiches, christian cottet-emard, éditions orage lagune express, 1988, proses courtes, blog littéraire de christian cottet-emard,passage,raccourci,pavés,murailles,murs,jardins,maisons,ville,traboules,boyaux,souterrains,grilles,potagers,escalier,lézard,courge,réseau,dictée,dédale,tuile,ferraille,vélo,chélidoine,laitue des murs,christian cottet-emard,herbes folles

Le marcheur est le seul à s’entendre avec le temps. En retour, celui-ci le comble de bonheurs insignes en lui ouvrant des chemins qui lui ressemblent, des raccourcis pierreux et malaisés entre des maisons et des jardins ou des méandres de pavés luisants le long de sévères murailles.

 

Allié au temps pour la conquête d’un vieil escalier ou d’une traboule, le passant (qui se hâte toujours dans les dictées) s’approprie un espace relié à tout un réseau clandestin de ruelles, de boyaux et de voûtes, dédale nécessaire où des grilles s’entrouvrent sur de petits potagers qui couvent des graines de courge et des lézards endormis.

 

Toléré pendant des années, le passage peut devenir un droit inaliénable et aucune pancarte n’empêchera l’accès à un raccourci dont le bénéfice s’annule souvent avec la gymnastique requise pour enjamber le clos branlant, escalader le mauvais mur de tuile, éviter la ferraille rouillée d’un vélo abandonné pour toujours et se jouer des herbes folles.

 

Ces difficultés n’existent pas devant l’ivresse de passer ailleurs que les autres, de disparaître brusquement pour refaire surface d’un bond, comme après une fugue.

 

Ébouriffé de chélidoine et de laitue des murs, le sentier citadin de nos esquives accède à la noblesse des ruines. De lieu commun il devient un lieu-dit, un lieu d’être où résonne le poème d’un pas nonchalant.

 

Extrait de mon recueil de proses courtes L'inventaire des fétiches, © Éditions Orage-Lagune-Express, 1988.

Photo Christian Cottet-Emard