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23 août 2006

La double vie des écrivains

Le bonhomme fendu en deux avec sa moitié de costume-cravate et sa moitié de combinaison imprimée de mots, en couverture de Télérama, c’est moi, c’est nous, du club très ouvert de cette écrasante majorité d’écrivains qui exercent une autre activité professionnelle pour faire bouillir la marmite.
Son drôle de vêtement annonce l’enquête que le n° 2954 de Télérama intitule La double vie des écrivains, avec des propos recueillis par Nathalie Crom. Ces six pages s’appuient sur une étude du sociologue Bernard Lahire. En 2004 et 2005, 503 écrivains nés ou vivant et travaillant en région Rhône-Alpes ont été interrogés par le biais d’un questionnaire. Des entretiens ont été réalisés avec 40 d’entre eux.
J’avais moi aussi, à cette époque, reçu le questionnaire, mais sur un mouvement d’humeur, j’avais renoncé à y répondre. Pourquoi ? Parce que je dois avouer que je vis très mal cette fameuse double vie. Je ne m’aime pas du tout en bonhomme fendu en deux et c’est pourtant (hélas) cette image qui symbolise le mieux ma condition. Or, quand je me regarde dans la glace, je ne vois ni un éducateur, ni un libraire, ni un journaliste, toutes professions (j’en passe et des meilleures) que j’ai pourtant exercées dans d’autres doubles vies. Je ne vois qu’un type qui écrit des histoires et qui a la chance de pouvoir les publier. Tant qu’à faire, je trouverais plus commode d’en vivre avec un statut social bien défini. “Les intermittents du spectacle ont un statut, pas les écrivains” fait très justement remarquer Bernard Lahire.
Lorsque, dans un dîner, j’avance cet argument à quelqu’un qui me vante la belle liberté de création dont je bénéficie précisément grâce à l’absence de tout statut dans mon activité littéraire, j’avale de travers parce que j’ai du mal à digérer les notions de liberté et de création, deux mots que j’emploie toujours avec circonspection.
En tous cas, l’annonce de la parution en librairie le 31 août prochain de “La Condition littéraire, la double vie des écrivains” de Bernard Lahire aux éditions La Découverte (624 pages, 25 euros) me rappelle ce que j’écrivais dans mon feuilleton “Tu écris toujours” le 3 juin 2006 :
“Je mène une double vie, celle de monsieur tout-le-monde qui vend de son temps pour survivre dans la société marchande où seule une infime partie de moi est présente, et l’autre, celle de ma véritable présence au monde, où je pèse de tout mon poids d’os, de chair, de joie, de rêve éveillé, rythmée non seulement par l’écriture mais encore par la musique et la promenade.”

Commentaires

Comme je dis parfois : notre condition d'écrivains est pire que celle des intermittents du spectacle, nous sommes les zéro-mittents du spectacle !

Écrit par : Nuel | 24 août 2006

Moi ce sont les mots societe et marchande qui me font avaler de travers, comme si cela suffisait a decrie les maux de notre temps. Nous ne vivons pas dans une telle societe, pas plus qu anvant, le capitalisme n est pas un adversaire.
Enfin..
Sinon je n ai pas le meme probleme avec les mots liberte et creation, et une double vie apporte enormement, en permettant a l ecriture de rester plongee dans la vie, et en l empechant de tomber dans la litterature....

Écrit par : Den | 25 août 2006

"Sinon je n ai pas le meme probleme avec les mots liberte et creation, et une double vie apporte enormement, en permettant a l ecriture de rester plongee dans la vie, et en l empechant de tomber dans la litterature...."

J'approuve à 100 pour 100.

D'autre part, même si je déplore le manque de "statut" des écrivains, j'estime que ceux qui ont la chance d'être publié devrait reconnaître l'abnégation, et la générosité des éditeurs (je pense aux petits) qui font tout pour souvent pas un rond (engageant leurs deniers personnels et plongeant pour leurs auteurs dans la faillite la plupart du temps).
Enfin, les écrivains sont en partie responsables de cette situation. Ne me lynchez pas, je m'explique: je me bats à mon petit niveau pour que le travail d'écriture soit rémunéré. Je refuse d'organiser des cafés littéraires si l'auteur que je présente n'est pas payé au même titre que moi. Trop souvent, les écrivains en manque crucial de reconnaissance, accepte des rencontres gratuites, trop contents d'être invités pour parler de son oeuvre. Et le serpent se mord la queue...

Écrit par : Pascale | 26 août 2006

Hello Pascale
Je le maintiens, la double vie, c'est l'éparpillement. Quant à cette "plongée dans la vie" dont parle Den, franchement, je ne vois pas de quoi il parle. Jamais je ne suis autant dans la vie et dans le monde que lorsque que je suis dans l'écriture avec ses phases de disponibilité (rêverie, promenade...) et ses phases de travail (rédaction, correction...).
Pour ma part, je n'attends pas de mes éditeurs qu'ils fassent preuve d'abnégation et de générosité à mon égard. Avec ceux qui m'ont publié, à une exception près, les rapports ont toujours été francs et amicaux.
Enfin, il est vrai que les écrivains font souvent leur propre malheur en acceptant n'importe quoi. S'ils veulent progresser dans l'obtention d'un statut, ils doivent tenter de ne pas brader leur talent. Pour cela, l'agent littéraire est précieux. Mais il faut pouvoir se le payer.

Écrit par : Christian Cottet-Emard | 26 août 2006

La générosité des éditeurs n'exclue surtout pas la franchise et l'amitié, au contraire, c'est le ciment.
Je ne me considère pas comme un agent littéraire et me fais payer par ceux qui font appel à moi, jamais par les écrivains que je choisis (jamais l'inverse).
Pardon pour toutes les fautes dans mon précédent message, j'avais une ratatouille sur le feu qui débordait...

Écrit par : Pascale | 26 août 2006

Excellente pensée que cette dernière citation qui retranscrit bien le dilemme entre être etne pas être en ce bas monde ;)

Écrit par : bregman | 26 août 2006

Si la ratatouille n'existait pas, le monde serait moins beau.
(Je parle sérieusement.)

Écrit par : Christian Cottet-Emard | 26 août 2006

j'adore la ratatouille, un de mes pêchés mignons... et j'ai bien fait d'aller la surveiller, elle était excellente!

Je suis, bregman :-), don't worry.

Écrit par : Pascale | 27 août 2006

Les commentaires sont fermés.