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05 janvier 2011

Escape-landscape

Dans une petite ville de province sans autre intérêt que celui qu’on veut bien lui prêter, on détruisit un jour un square minuscule pour construire une gare routière. Des arbres maigrichons mais gracieux furent empilés avec de vieux bancs publics dans la benne d’un camion.

squaregare.JPG

Un poète à qui l’idée d’écrire un poème ne serait pas venue mais qui savait très bien prendre des photographies avait réuni dans un album, peu avant la destruction, des images du square.

Je relate ceci, croyez-moi, sans la nostalgie poisseuse en vogue ces derniers temps. Non. C’est juste une histoire de lumières pâles dans le soir bleu et de quelques piétons un peu plus attentifs que d’autres aux paysages qu’ils frôlent de leur pas le plus banal. Juste une histoire de paysage remplacé par un autre paysage où se croisent sans se voir des passants, un poète-photographe et encore d’autres passants.

Adulte, je traverse parfois l’étendue de la gare routière. Enfant, adolescent, je coupais souvent par le petit square et, entre ces deux époques (ou entre ces deux lieux), il y a quelque chose  que je ne peux pas décrire mais qui existe pourtant avec force. Quelque chose qui pourrait peut-être se nommer en langue étrangère dans mon esprit lorsque je tourne les pages de l’album photographique. Quelque chose qui pourrait se traduire par « escape-landscape » et qui chante en moi.

(Extrait de : Le Grand variable, éditions Editinter, 2002, épuisé.)

Photo : Oyonnax, le petit square disparu, place de la gare, 1973.

Commentaires

Il est vrai que cette ville aura perdu tous les endroits qui, conservés et entretenus dans leur jus de la première moitié du XXème siècle aurait pu lui donner une âme. Mais l'impressionnante niaiserie en matière d'architecture (et pas que) de tous les décideurs qui se sont succédés en a voulu autrement. C'est absurde que ce soit toujours les balourds qui décident, mais il faut dire que les gens, qui ont cette faculté de consacrer leur temps de vie à s'accaparer le pouvoir, ne scintillent généralement pas par leur délicatesse et leur sagacité... Ils ont plutôt le quotient intellectuel d'une ménagère moyenne, ce qui n'est pas grave en soi si on a pas la volonté de dominer... Enfin... (faut quand même en tenir une cou-couche pour consacrer sa vie au pouvoir...)

Écrit par : jacki marechal | 06 janvier 2011

C'est vrai, le génie du lieu est souvent à la merci de n'importe qui.
Quant au pouvoir et à ses manifestations, il est symbolisé dans mon esprit par deux anecdotes du temps où j'étais dans la presse.
La première concerne un homme politique (aujourd'hui fini, heureusement) qui s'était un jour vanté d'avoir dérangé un collègue avant l'aube dans le seul but de se faire photographier alors qu'il montait dans un train pour Paris.
La seconde, c'est un petit chef qui avait un jour désigné une carte du département de l'Ain affichée dans son bureau en déclarant : « l'Ain, c'est moi. »

Écrit par : Christian Cottet-Emard | 07 janvier 2011

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