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12 novembre 2009

Roland Tixier aux Xanthines

Dans le cadre des Vendredi apéro des Xanthines,

Vendredi 13 novembre à 18 heures,

Roland Tixier lira des extraits de son dernier recueil : Simples choses, un ensemble de 180 haïkus urbains, publié aux éditions Le Pont du Change.

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Les Xanthines, café associatif du commerce équitable

33 rue de Condé, 69002 Lyon

métro Perrache ou Ampère

Entrée gratuite sur consommation équitable.

09 novembre 2009

Ma nuit du mur

IMG_0439.JPGOn a dû vous poser la question : « Et toi, que faisais-tu ce 9 novembre 1989 ? »
La chute du mur de Berlin fut pour moi un non événement parce que je vivais ce jour-là ou plutôt cette nuit-là un des plus importants épisodes de ma vie, la naissance de ma fille.

Il faut dire qu’à cette époque, j’avais le nez dans le guidon car cela faisait déjà trois ans que la hiérarchie du quotidien régional pour lequel je travaillais songeait à se débarrasser de moi. La pression qui m’était infligée augmentait à la mesure des espoirs qu’on fondait sur ma démission, cadeau que je n’étais pas disposé à offrir à mon employeur. Jusqu’en 1992, date à laquelle je négociai financièrement mon départ, les coups tordus tombèrent si dru que, transposée de nos jours, la situation m’eût logiquement conduit à entamer une procédure pour harcèlement. Hélas, personne ne parlait en ces années de ce qui était déjà une stratégie patronale programmée depuis le début des années 1980 dans les entreprises. Alors, dans ces conditions, le mur de Berlin...

De toute façon, mes chefs (petits, très petits chefs en vérité) se souciaient ce 9 novembre 1989 d’une actualité autrement importante à leurs yeux que la chute du mur de Berlin.

Figurez-vous que dans une localité située à une quarantaine de kilomètres de mon agence locale, un engin de travaux, une pelle mécanique, s’était retrouvée précipitée au fond du trou qu’elle venait de creuser. Il n’était pas plus question de laisser une information d’une telle importance aux concurrents que de confier ce scoop à un simple pigiste ou correspondant local dont le seul effort eût consisté à donner un petit coup d’autofocus en direction de l’infortunée pelle mécanique. Je fus donc d’autorité investi de l’urgentissime mission d’aller photographier la catastrophe (40 kilomètres) et d’apporter le rouleau à la rédaction départementale (70 kilomètres) afin qu’un tireur de labo apposât sur le négatif ses empreintes digitales au motif qu’il avait préalablement casse-croûté au saucisson (à chacun ses petites faiblesses). Entre temps, je me débrouillai pour suivre au plus près la seule actualité qui m’importait ce soir-là, celle qui réclamait normalement ma présence à la maternité située à 15 kilomètres de chez moi mais hélas à 4O kilomètres de la rédaction départementale où j’envoyai valdinguer la précieuse pellicule. Telle était l’ambiance de travail en cette dynamique équipe dont certains membres me reprochaient de sécher avec constance les joyeuses sorties de l’Amicale des Journalistes.

Ce 9 novembre 1989, alors que la naissance de ma fille était annoncée pour la nuit, ma hiérarchie m’avait infligé au minimum 150 kilomètres de petites routes pour publier la photo d’une pelleteuse au fond d’un trou. Je fus malgré tout, heureusement, au rendez-vous avec ma fille qui naquit vers 3h ce 10 novembre où j’étais programmé en congé sur le planning, ce qui me permit de reléguer à sa juste place, c’est-à-dire dans le néant, la piteuse réalité de mon travail dans un torchon.

Alors, vous pensez bien, le mur de Berlin, c’était le cadet de mes soucis cette nuit-là.

Quant aux conséquences de sa disparition, il en est bien sûr d’heureuses mais ce n’est pas une raison pour oublier que depuis, les bandits et les hommes d’affaire (qui sont souvent les mêmes) n’ont jamais circulé avec autant d’aisance que dans le merveilleux espace de liberté dont vous et moi profitons désormais, une fois de temps en temps pendant les vacances quand nous avons les moyens et le loisir d’en prendre.

Fin de la commémoration.

Photo : de toute façon, les murs, ça finit un jour ou l'autre comme ça...

Tombeau du jeune homme qui écrivait des poèmes dans le style de Charles Baudelaire

IMG_0224colorinvert.jpegÀ la fin des années 1970, E.C passa le bac en candidat libre et eut le culot de présenter à l’épreuve de français ses propres poèmes écrits dans le style de Charles Baudelaire parce que pour E.C personne n’arrivait à la cheville de Charles Baudelaire

E.C avait réussi à ressembler au portrait de Charles Baudelaire reproduit dans le Lagarde & Michard et il s’était débrouillé pour imprimer à ses frais un recueil de ses poèmes écrits dans le style de Charles Baudelaire avec des illustrations évoquant les bandes dessinées

Tu ne fus pas trop retourné en apprenant le suicide de E.C  car tu ne le connaissais pas tellement tu le voyais depuis ta fenêtre rentrer chez lui parfois avec sa jolie copine bouclée non tu ne fus guère ému car tu étais à cet âge où l’on se sent encore peu concerné par les triomphes de la mort

Rien n’avait donc pu le retenir au bord du gouffre quel culot ni sa jolie copine bouclée ni son recueil de poèmes dans le style de Charles Baudelaire

Tu te demandes aujourd’hui s’il reste quelque part un ou deux exemplaires de ce recueil où tu pourrais lire entre les lignes le meilleur de ce que fut E.C un jeune homme du siècle dernier qui écrivait des poèmes dans le style de Charles Baudelaire

 

© Éditions Orage-Lagune-Express, 2009.

Photo M-C.C