11 mars 2011
Adieu Murakami !
Je n’ai jamais fait mystère de ma détestation du sport sous toutes ses formes et de ses prétendues valeurs, alors pourquoi ai-je fini par céder à la tentation d’acheter Autoportrait de l’auteur en coureur de fond d’Haruki Murakami (10/18) ? Sans doute parce que j’ai lu et apprécié, certes diversement, trois de ses ouvrages, tout d’abord son roman Les Amants du Spoutnik et deux épais recueils de nouvelles regroupées sous les titres L’Éléphant s’évapore et Saules aveugles, femmes endormies. Pour ce dernier recueil, c’est le titre magnifique et les belles couvertures de l’édition brochée et de l’édition 10/18 (j’ai choisi cette édition de poche) qui m’ont convaincu d’acquérir et de lire ces 500 pages dont il ne me reste qu’un vague souvenir pas désagréable.
Tel est le problème avec Murakami. On peut en lire des centaines et des centaines de pages en se demandant où il veut en venir sans pour autant se décider à renoncer. L’addiction à Murakami c’est comme la dépendance à la mayonnaise en tube. On se rend bien compte qu’on avale pas un produit de grande qualité mais on trouve ça bon quand même. Comme toutes les émulsions, ça descend un peu trop facilement et il faut en engloutir un bon paquet avec d’être écœuré.
Voilà qui est fait avec Autoportrait de l’auteur en coureur de fond. Cette lecture en plein épisode de surinfection bronchique (presque trois semaines dans le gaz) m’a fait le même effet que de croiser un de ces coureurs sur un chemin forestier. Vous êtes là à vous promener, à humer le bon air et à vous réconcilier avec le monde en contemplant la nature lorsqu’un de ces bipèdes auréolant ses polymères vous dépasse ou vous croise en s’ébrouant sur vous de sa sueur bien évidemment pas inodore. Le voir s’éloigner en bloquant votre respiration ne vous épargnera pas le détail des mucosités qu’il distribue généreusement en les soufflant avec art le long du chemin. Heureusement pour lui qu’on n’est pas en Chine à l’époque de la tuberculose lorsque cracher par terre en période d’épidémie pouvait se payer d’une balle dans la nuque. Vous me direz qu’au lieu d’évoquer Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, je ne fais que me vautrer dans mon dégoût du sport et je vous répondrai évidemment par l’affirmative mais que je suis aussi au cœur du sujet.
Comme tous les sportifs, Murakami nous décrit volontiers ses sueurs, ses humeurs, ses sécrétions tout en nous infligeant sur des dizaines de pages la morne comptabilité de ses kilomètres et du temps qu’il met à les parcourir. À plusieurs reprises, il n’oublie pas de nous confier doctement « je suis allé aux toilettes » , précision dans laquelle il ne faut point chercher le moindre atome de second, troisième ou quatrième degré car ce n’est pas parce que le sportif considère objectivement les productions de son organisme soumis à l’effort qu’il goûte pour autant l’humour pipi caca.
L’humour, justement, pas l’humour scatologique mais l’humour léger qu’on trouve dans d’autres livres de Murakami, Autoportrait de l’auteur en coureur de fond en est complètement dépourvu. C’est le livre sérieux, presque grave de l’obsession de la production, de la quantité. En inscrivant la course à pied comme métaphore de l’écriture, Murakami, croyant souligner les qualités d’endurance et de souffle qu’il faut effectivement à l’écrivain pour avancer sur le chemin de son œuvre, ne réussit qu’à nous révéler la vacuité de son projet de vie (toujours plus de kilomètres) et surtout la futilité de son projet littéraire (toujours plus de lignes).
Son succès considérable prive peut-être Murakami de l’esprit critique de ses éditeurs qui ne peuvent sans doute se payer le luxe de lui demander de veiller un peu à la qualité. Quel comité de lecture passerait à un écrivain débutant cette puissante réflexion sur l’âge : « une fois que vous avez passé un certain âge, les choses que vous étiez capable d’accomplir facilement ne sont plus aussi simples... » (page 102). Encore un cliché pour la route ? « Ce qui nous procure le sentiment d’être véritablement vivants – ou du moins, en partie –, c’est justement la souffrance, la souffrance que nous cherchons à dépasser. » On dirait du Charles Juliet dans ses mauvais jours.
Avec cet esprit de sérieux qui ne lui sied décidément pas, Murakami a commis une postface dans laquelle il confie page 215 : « même s’il ne s’agit pas d’un ouvrage très long, j’ai consacré beaucoup de temps à sa composition, beaucoup de temps à le retravailler soigneusement une fois qu’il a été achevé. » Et, cinq lignes plus loin, page 216 : « Je me suis beaucoup appliqué à la composition et à la rédaction de cet ouvrage » .
Adieu Murakami !
03:12 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : haruki murakami, autoportrait de l'auteur en coureur de fond, 1018, marathon, course à pied, sport, le blog littéraire de christian cottet-emard, littérature, japon, critique, mauvaise foi, humeur
05 octobre 2009
Récital d'orgue d'Yves Lafargue à Nantua : un romantisme très contrôlé
L’avantage avec l’orgue, en l’occurence l’instrument de Nantua, construit en 1845 par le facteur vosgien Nicolas-Antoine Lété, c’est que la découverte est au rendez-vous de tous les concerts. Chaque organiste apporte sa pierre à l’édifice en construction permanente qu’est l’interprétation. Par exemple, le public qui connaissait déjà celle de l’Offertoire opus 9 n°1 d’Alexandre-Pierre-François Boëly (1785-1858) grâce à l’un des disques enregistrés à cette même tribune par M-A. Leurent et E. Lebrun, a pu mesurer, avec celle d’Yves Lafargue, professeur d'orgue du Conservatoire de Lyon (CRR) et organiste titulaire de la basilique Notre-Dame de Fourvière, à quel point chaque organiste a sa propre vision d’une œuvre, sa personnalité unique. Dans ce répertoire, l'interprétation d'Yves Lafargue semble privilégier de belles couleurs sombres mais en se gardant de toute théâtralité. En somme, un romantisme très contrôlé.
Le programme proposé dimanche en l’abbatiale Saint-Michel par Yves Lafargue était parfaitement représentatif de l’esthétique dite de transition entre classicisme et romantisme attribuée à l’orgue de Nantua, non seulement avec la musique de Boëly dont quatre extraits des douze pièces opus 18 (andante con moto, allegro ma non troppo, canone all’ottava et fantaisie et fugue) sonnaient idéalement sur le Lété mais encore avec la cinquième sonate en ré majeur opus 65 de Felix Mendelssohn (1809-1847), la transcription pour orgue d’Yves Lafargue de l’allegretto de la septième symphonie de Beethoven (1770-1827) et, de Johann Sebastian Bach (1685-1750), le Contrepoint 14 de L’Art de la fugue BWV 1080, achevé par A.P.F Boëly.
Enfin, comme c’est presque de tradition à Nantua, Yves Lafargue n’oublia pas d’offrir au public quelques pages du très charmeur Louis-Alfred-James Lefébure-Wély (1817-1869) extraites de ses Meditationes religiosas (récit de hautbois, marche et andante) dont il donna en bis le chœur de voix humaines.
Ce concert organisé par l’Association des Amis de l’orgue de Nantua, l’Addim de l’Ain (label Patrimoine en Musique) et la Paroisse Saint-Michel, était présenté par Michel Jacquiot, organiste suppléant.
Enregistrements :
Pour qui veut prolonger le plaisir de ce récital et faire plus ample connaissance avec l’art d’Yves Lafargue, il existe des disques :
- Musique française pour Noël (enregistré sur le grand orgue de la salle de concerts de Sapporo sur l’île d’Hokkaido au Japon) avec des œuvres de Daquin, Balbastre, Boëly, Lefébure-Wély, Dupré, Messiaen. (Disque Jasrac).
- Yves Lafargue à l’orgue Ahrend de la Primatiale Saint-Jean, à Lyon (Disque Lyon-Cathédrale) : un DVD enregistré en 2007, Regards croisés sur le Mystère de Pâques (orgue, chant, vitraux, peintures, sculpures) avec des œuvres de J. S. Bach, C. Racquet, H. Scheidemann, J. Titelouze, J.-F. Dandrieu. Sur ce DVD et sur le CD correspondant, on trouve aussi une œuvre d’Yves Lafargue qui est également compositeur : Strophe (Ave maris stella). Lauréat du concours de composition de musique sacrée pour chœur mixte de la Ville de Moissac en 2000, il a interprété lui-même sa pièce Strophe à l’orgue de Sainte-Croix de Bordeaux, en finale du concours de composition pour orgue (2002) et a remporté le concours national de composition de la Messe du Jubilé 2005 de Notre-Dame du Puy.
* Prochain concert : samedi 5 décembre 2009 à 15h, abbatiale Saint-Michel de Nantua. Concert de Noël par Véronique Rougier, Olivier Leguay et les élèves de la classe d'orgue du Conservatoire à Rayonnement Départemental d'Oyonnax (CRD). Textes lus par le Père Le Bourgeois. Entrée libre. Organisation : Association des Amis de l'Orgue de Nantua, Paroisse Saint-Michel de Nantua, Conservatoire à Rayonnement Départemental d'Oyonnax. Renseignements : Office de Tourisme du Pays de Nantua-Haut Bugey : 04 74 75 00 05.
Photo : Yves Lafargue aux claviers de l'orgue Nicolas-Antoine Lété de Nantua.
23:12 Publié dans Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : yves lafargue, orgue, nantua, fourvière, lyon, sapporo concert hall, japon, saint-jean lyon primatiale, musique, récital, concert, blog littéraire christian
18 juillet 2009
Comme disait le poète Gabriel Legal, « pas la peine d'aller au Japon » ... *
... Si c'est pour avoir la même pollution sonore que chez nous, serais-je tenté d'ajouter. La preuve :
« Je conduisis jusqu’au port, tout en écoutant la radio. J’avais envie d’écouter de la musique classique, mais pas une seule station n’en diffusait au milieu de la nuit. Partout il n’y avait qu’une soupe rock japonaise, des chansons d’amour poisseuses... »
- Haruki Murakami -
(Extrait de sa nouvelle Le Sommeil dans le recueil L'Éléphant s'évapore, éditions 10/18.)
Note : * « Pas la peine d'aller au Japon » (éditions Librairie-Galerie Racine) est le titre d'un recueil de poèmes de Gabriel Le Gal.
17:01 Publié dans Alliés substantiels | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : gabriel le gal, haruki murakami, japon, blog littéraire de christian cottet-emard, littérature, nouvelle