21 décembre 2008
L’énigme de l’arrivée
Si tu devais partir je ne sais où sans tes livres dans un endroit absurde de la Terre ou du Ciel où plus rien ne serait habituel et familier
Si tu ne pouvais rien emporter de ce qui te donne un peu de poids en ce monde
S’il te fallait choisir vite et à jamais
Tu pourrais prendre le galet de rivière peint pour toi par ta fille à l’école maternelle
Le nœud d’épicéa jeté sur le talus par le bûcheron
La petite pomme de pin et celle du mélèze
Le marron d’Inde tout fripé mais qui luisait tant quand tu l’as ramassé
Le fruit fermé à double tour d’un arbre inconnu
Le bouton de pivoine séché
Ainsi à l'arrivée te resterait-il cela à contempler et qui te parlerait encore de l’étonnement d’avoir vécu
© Éditions Orage-Lagune-Express, 2008.
Note : le titre de ce texte est emprunté au peintre Giorgio de Chirico en référence à son tableau L'Énigme de l'arrivée et de l'après-midi. 1912.
15:38 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poésie, galet, pin, mélèze, épicéa, marron d'inde, pivoine
17 novembre 2008
Salut la lune
Je déambule
Sous la lanterne
Et te reluque
Ludiquement
Toi tu luis
Comme un Louis d’or
Pâle luciole
De l’infini
Et tu lambines
Dans l’air laiteux
Luminescent
Belle allumeuse
Des noctambules
Des vers luisants
Des noctuelles

Rêveur lunaire
Sous ta tutelle
J’ai des lubies
De funambule
L’âme lointaine
Comme un vélo
Vélo véloce
Qui virevolte
Et évolue
Par les étoiles
De lunaisons
En lunaisons
Au loin hulule
Une hulotte
Qui roule un œil
Qui en dit long
La nuit se lovent
Des somnambules
Qui dissimulent
Dans les lucarnes
De la grand-ville
Les lupercales
Crépusculaires
Que voit la lune
Les soirs où flânent
Les lunatiques
Qui hallucinent
En oubliant
L’aube nubile ?
(Écrit vers 1977 ou 1978, publié en 1979 dans mon premier recueil intitulé Demi-songes. À cette époque, je m’amusais à griffonner ce genre de bluettes en écoutant les gnossiennes d’Érik Satie dans la version pour moi indépassable du pianiste Aldo Ciccolini. Allez, ce n’était qu’une minute de nostalgie...)
Dessin de Frédéric Guénot paru dans la revue Salmigondis n°9 en illustration d’un épisode de mon Grand variable où il est aussi question de la lune. On ne se refait pas...
00:49 Publié dans Et à part ça ? | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : lune, poésie, rêve, nuit, lanterne, lunaison, noctambule
08 octobre 2008
Le fleuve ses berges désertes herbues une péniche qui va passer une écluse plus loin
Elle a déjà traversé bien des villes mais son vrai voyage est dans la campagne
Le fleuve est calme puisqu’il peut accueillir les péniches
Quand il devient dangereux et qu’on ne peut dompter ses colères le fleuve est abandonné à son chaos
Les péniches glissent alors sur des canaux faussent ainsi compagnie à l’ire des eaux
Que tu regardes la péniche du bord du fleuve ou du canal cela n’a pas d’importance elle glisse elle crée le paysage qu’elle frôle de sa lourde silhouette
Sans elle pas de chemin de halage pas d’écluse pas de plan incliné pas de pont tournant ou basculant pas de passerelle d’eau
Le fleuve lui-même se transforme avant son sillage
Pour mieux dire le lent cheminement de la péniche tu devrais employer des termes moins vagues te documenter sur le jargon des mariniers cela ferait plus vrai
Mais tu n’as rien à voir avec cette sorte de vérité car tu n’es qu’un passant sans autre qualité que celle de ton regard
Tes yeux se contentent de cette seule réalité qu’est la péniche sur le fleuve ou sur le canal et ton rêve en fait déjà toute une histoire
Tu étais là au moment de la péniche c’est tout et tu peux en nourrir ta pensée jusqu’à la fin de ta vie
Un jour quelque chose en rapport avec la vie quotidienne déborde
L’histoire la petite l’intime va s’écrire dans les marges le regard s’attarde sur des changements de perspective
Tout ce qui arrive reste vrai mais dans le désordre
C’est à ce moment qu’on a le plus de chance de consacrer du temps au passage de la péniche
Beaucoup plus lent un nouveau rythme s’instaure avec grâce
Devant cette angoissante et merveilleuse beauté de l’instant reconstruit il faut passer lentement si l’on veut mais sans s’arrêter trop longtemps
Ce temps étrange de la péniche tu ne sais pourquoi s’impose à toi
Il ne te serait sans doute guère utile de le savoir seule t’importe la conscience de cet étonnement
Que vient faire cet horizon fluvial dans ton rêve ?
© Éditions Orage-Lagune-Express pour la version 2008 de cet extrait.
Dessin de Frédéric Guenot.
00:58 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : fleuve, péniche, poésie, écluse, halage, mariniers, cottet-emard



























