20 mai 2007
L'aile d'un oiseau sombre
Tu écoutais Rachmaninov tu traversais le parc public à un endroit précis des arbres et de la rivière
Tu trouvais un parfum à l’eau à la neige un goût à l’air
Maintenant aucun cigare n’est assez complexe et ton corps est épais comme le temps
On te dit Monsieur et tu dis Vous aux jeunes filles
La jeune traductrice te regarde avec curiosité boire tes vieux alcools à sa santé
Elle te trouve mystérieux de lui dire Vous
Elle voit une photo de toi à son âge sur l’étagère de la bibliothèque et l’ombre du temps passe dans ses yeux comme l’aile d’un oiseau sombre
© Orage-Lagune-Express 2007.
12:40 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : Brouillon de poème, poésie, littérature, temps, vieux alcools
30 avril 2007
Une autre pièce d'or
« Encore une fringante journée de printemps qui est sortie comme une autre pièce d'or de l'escarcelle de la nuit. »
(Hubert Nyssen)
22:00 Publié dans Alliés substantiels | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Hubert Nyssen, carnets, poésie, printemps, or
17 mars 2007
Deux petits livres qui piquent
Repris dans ma bibliothèque ces derniers jours, ces deux petits livres qui piquent. Le premier, « Je fume et alors ? » de Jean-Jacques Brochier (1990), est plus que jamais d'actualité. L'auteur doit aujourd'hui se retourner dans sa tombe car la menace d'une société d'ordre moral et d'hygiénisme gagne insidieusement du terrain, certes sans trop de bruits de bottes et avec ce sourire commercial proche du rictus, ce sourire obligatoire qui, en vérité, fait froid dans le dos. Ne nous y trompons point, les crispations sur le tabac, le vin et la bonne vieille cuisine consistante ne doivent pas leurrer sur la nature de l’offensive des pisse-vinaigre et des gobe-mouches. « Le tabac est une forme de quant-à-soi, ce que ne tolèrent ni les États ni les fanatiques du Contrat Social, surtout quand ils se transforment, si aisément, en chiens de berger du troupeau rousseauiste. L’humour de Diderot leur fera décidément toujours défaut. » écrivait le directeur du Magazine Littéraire. J’espère que son âme vole aujourd’hui en paix au milieu des volutes de brunes et de havanes.
L’autre pamphlet de cette collection « Iconoclastes » (Les Belles lettres éditeur), je l’ai extrait du rayonnage spécialement réservé à mes livres de et sur René Char. Car je suis un passionné de René Char, ce qui ne m’empêche nullement de goûter cette petite merveille de méchanceté qu’est « Contre René Char » de François Crouzet (1992). La méchanceté n’a guère d’intérêt lorsqu’elle est sans intelligence et sans esprit, or elle en est largement pourvue dans ce petit livre qui déboulonne la statue du commandeur en usant d’un humour féroce, citations à l’appui. J’oserais dire que François Crouzet s’est bidonné précisément là où Paul Veyne a bossé. Tous les admirateurs de Char le savent, le grand poète s’est parfois caricaturé lui-même mais ses moments de faiblesse ne pourront égratigner ses poèmes les plus merveilleux, les plus solaires, pas même cette charge désopilante. Alors pourquoi mettre l’accent sur ce livre ? Mais pour ne pas tomber dans la vénération et la pompe commémorative, lesquelles menacent plus la mémoire de René Char que la joyeuse insolence de François Crouzet. Quant à réunir ces deux pamphlets en une même note, cela peut paraître incohérent mais à y regarder de plus près, ils dénoncent tous les deux le même mal, l’alliance du consensus mou à l’esprit de sérieux au service d’une société aseptisée à la violence feutrée. Le genre de société qui veut nous protéger du tabac plus que du diesel et de la chimie, le genre de société qui statufie le poète résistant d’hier mais qui goûte peu ce qui résiste aujourd’hui et encore moins la poésie.
03:10 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : rené char, jean-jacques brochier, françois crouzet, tabac, fumée, volutes, poésie