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31 octobre 2014

Carnet / Des lectures

Avec le retour de cette maudite heure d’hiver, se profile la fin de l’année. Si 2014 n’avait pas été sauvée en cette deuxième partie d’automne par mon séjour à Lisbonne et une très heureuse surprise d’ordre purement matériel, je n’en aurais vraiment rien gardé, à tel point que lorsque je fais le bilan de mes lectures ainsi que j’en ai l’habitude dans mes carnets, je pense surtout à des livres que j’ai lus en 2013 ! 

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Photo : mes nouveaux carnets. 

C’est sans doute pour cette raison que ce jeudi chez le libraire Montbarbon à Bourg-en-Bresse, mon regard s’est arrêté sur la belle couverture du récent recueil de nouvelles de Claire Keegan, À travers les champs bleus (éditions 10/18). Je ne sais pas ce qu’il me réserve mais je n’ai pas oublié son limpide Les trois lumières (éditions Sabine Wespieser) qui m’avait été conseillé. Cette découverte avait compensé ma malencontreuse lecture d’un autre ouvrage qu’on m’avait aussi conseillé, Le Jour du Roi d’Abdellah Taïa, un roman écrit à la paresseuse, presque entièrement dialogué, mais surtout complaisamment sordide (à mon goût évidemment) et totalement incompréhensible pour moi car radicalement étranger à ma sensibilité, à mes préoccupations et à ma perception du monde. 

2013 n’a pas été pour moi une grande année de lecture parce que j’étais dans de gros chantiers d’écriture et parce que j’ai laissé ces chantiers à l’abandon début 2014 avant de m’y remettre lors de cet affreux été pluvieux. Il m’a donc fallu rattraper le retard, ce qui ne m’a pas empêché, malgré un contexte psychologique désastreux, de tomber sur quelques pépites : La Fille de Debussy de Damien Luce (éditions Héloïse d’Ormesson), La Djouille de Jean Pérol (éditions de la Différence) — je rappelle au passage son superbe recueil de poèmes Libre livre (éditions Gallimard) — et sur de très bons ouvrages : Chasseur de primes de Joël Bastard (éditions La Passe du vent), dont j’avais aussi beaucoup aimé Le Sentiment du lièvre (éditions Gallimard), Un beau soir l’avenir de Didier Pobel (éditions La Passe du vent),  Le Parapluie rouge d’Anna de Sandre (éditions Atelier in 8) et C'est gentil d'être passé d'Hélène Dassavray (éditions Le Pédalo ivre). Je me suis tout récemment plongé dans À distance d’Henri Michaux (éditions Poésie/Gallimard) et dans les Poèmes français de Fernando Pessoa (éditions de la Différence). Je parlerai prochainement dans ces colonnes de ce recueil reçu en service de presse.

Quand je pense au nombre de livres publiés et disponibles en librairie, à leurs trois malheureux petits mois de vie en relatives « nouveautés » avant de rejoindre au mieux les rayons et au pire le pilon, je suis toujours troublé, non seulement en tant que lecteur mais plus encore en tant qu’auteur. 

Ce trouble récurrent ne va tout de même pas pour moi jusqu’à la décision dont vient de me faire part un ami proche, écrivain et poète, de ne plus communiquer en public sur son activité de création littéraire. Même si je peux comprendre ses raisons, je ne pense pas en revanche qu’à plus de cinquante ans on puisse devenir quelqu’un d’autre du jour au lendemain, même si on en a le désir. Comme on dit à la roulette, rien ne va plus !

 

18 août 2014

Carnet / Par la petite porte

Ces derniers jours au courrier, le nouveau roman de Jean Pérol, La Djouille (éditions de la Différence) dont deux phrases ont déjà fait mon miel à peine le livre commencé : « Les peuples ne savent jamais assez se méfier des inspirés qui veulent à tout prix leur bonheur » et « Tout ce qui est marchandage m’indispose. » J’en parlerai prochainement. 

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Reçu aussi un ancien numéro de la revue Brèves (actualité de la nouvelle) consacré à Béatrix Beck : « Écrire est une forme active de la lecture : on fournit des textes à soi-même, éventuellement aux autres. »

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À l’abbatiale de Nantua, pour être sûr d’être bien placé, je suis arrivé une heure à l’avance au concert avec des poèmes de Fernando Pessoa que je lis et relis sans me lasser depuis des années. J’aime entrer dans cette poésie au hasard, en feuilletant, et je me suis amusé de tomber, sous les voûtes d’une église, sur le poème de l’hétéronyme Alberto Caeiro dans Le Gardeur de troupeaux :

« Penser à Dieu c’est désobéir à Dieu

Car Dieu a voulu que nous ne le connaissions pas,

aussi à nous ne s’est-il pas montré... » (!)

Tout récemment, dans la même abbatiale, lors du concert de clôture du festival, j’aurais volontiers offert du chewing-gum à une inconnue, parfumée par Ail et Fines herbes de chez Popote, qui s’est assise sur le même banc que moi. Il y a quelques années, j’avais eu droit au goûter de trois grand-mères qui n’en finissaient pas de grignoter des biscuits secs avec un son d’écureuil qui a trouvé une pomme de pin géante. Pas facile de ne penser qu’à Mozart, Saint-Saëns et Debussy dans ces conditions.

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Chez moi, j’écoute en ce moment la musique chorale de William Walton (1902-1983), notamment The Twelve, le Te Deum du Couronnement (dans l’arrangement de Simon Preston avec une réduction pour orgue de Mark Blatchly), la Missa brevis et d’autres pièces que j’aime beaucoup, notamment le Magnificat and Nunc Dimitis, le Jubilate Deo et Antiphon.

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Le quinze août déjà passé, l’été est toujours aux abonnés absents. À mesure que je vois les gens revenir de leurs congés souvent réduits à une ou deux petites semaines, je pense à la future escapade à Lisbonne et au bonheur de partir quand tout le monde est rentré. 

Mon mode de vie a certes quelques inconvénients mais aussi beaucoup d’avantages. C’est ce que je me dis pour retrouver un moral qui m’avait déserté depuis de très longs mois et qui essaie de revenir par la petite porte. On ne peut pas avoir tout le temps ce que Fernando Pessoa avait appelé « le jour triomphal » de sa vie qui était, en ce qui le concernait, le 8 mars 1914 *. 

* Ce jour-là, quarante-neuf poèmes lui vinrent d’une traite avec leur titre (Le gardeur de troupeaux) et l’un des principaux hétéronymes (Alberto Caeiro).

Photos : détails de mes carnets, désordre sur mon bureau et gare de Lisbonne

04 janvier 2009

L’Abîme horizontal

abimehorizontal.jpgFrançois Montmaneix
L’Abîme horizontal
La Différence, 2008, 124 p.

L’ombre du grand Giono hante les pages de l’Abîme horizontal de François Montmaneix. Certes, bien d’autres passants considérables sont-ils invités dans ce recueil où se télescopent, ainsi que le veut la maturité des poètes, les éblouissements juvéniles et la lucidité, les fraîches colères et les instants d’accord avec le monde. Les compositeurs, Rameau, Schubert, Mahler, Richard Strauss, Mozart, Debussy, Chopin, Guillaume de Machaut, Monteverdi, côtoient les poètes, Valéry, Mallarmé, Michaux, Bonnefoy, Colette Kowalski, Hésiode, Eichendorff, Nerval, Clément Marot, Ronsard, Goethe, Malherbe. On rencontre aussi Galilée, Jérôme Bosch, Jean Villard, Brassens, Raymond Carver, Dürer. La nostalgie des bonheurs intenses affleure dans l’élégance des hommages rendus aux reines du chant, Kiri Te Kanawa, Élisabeth Schwarzkopf.
François Montmaneix vit depuis toujours dans la musique, le chant, les livres. À Lyon, il a poussé son engagement artistique au-delà des mots en dirigeant l’Auditorium Maurice Ravel et en créant deux centres d’art, L’Atrium et le Rectangle. On ne peut donc s’étonner des accents d’inventaire qui ponctuent parfois ce recueil mais cela ne pèse point et cet inventaire-là ne doit rien à Prévert.
Même si François Montmaneix a consenti à lâcher un peu la bride à son écriture, la parole est toujours tenue, voire retenue. Le poète agit ici comme le compositeur qui aurait à diriger sa propre musique. Il a l’œil et l’oreille partout, se méfie des emballements du lyrisme mais refuse la raideur et la solennité en leur appliquant leur classique antidote, l’humour, en touche légère. Mélomane éclairé, François Montmaneix est sans doute de ces poètes qui écrivent dans la nostalgie de la musique, ce qui lui permet de se tenir à distance, sans pour autant s’en exclure totalement, des courants les plus formalistes de la poésie de la fin du vingtième siècle.
L’Abîme horizontal est un recueil qui s’éloigne de ces courants. Le récit revient en force sans céder à la prose. Saisons et paysages, animaux et personnages rentrent dans la ronde du poème mais si cette ronde était une valse, ce serait celle de Ravel, parfois ironique, souvent sombre, inquiétante, tourmentée. L’arbre, figure récurrente dans l’œuvre de François Montmaneix, dispense toujours sa profusion de rêve et de vie, y compris « l’arbre d’octobre âprement fastueux » du poignant « Retour en ville » , mais c’est surtout « à la fourche du hêtre complice » — nous revenons ici à Giono — que le lecteur accédera au sens profond de ces poèmes nés, dirais-je pour paraphraser Jean Tardieu, d’une « poignée de jours en flammes ».

croquant59:60.JPG(J'ai publié cette note de lecture dans le n° 59/60 de la revue Le Croquant)