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12 mai 2012

Pas revoir

 

valérie rouzeau,pas revoir,l'idée bleue,libération,culture,poésie,père,blog littéraire de christian cottet-emardValérie Rouzeau lit son recueil Pas revoir (L'idée bleue éditeur, réédité à La Table ronde, collection Petite Vermillon) ici sur le site Libération culture.valérie rouzeau,pas revoir,l'idée bleue,libération,culture,poésie,père,blog littéraire de christian cottet-emard

19 février 2007

L'éditeur et le poète

medium_dubost.jpgLettre d'un éditeur de poésie à un poète en quête d'éditeur, Louis Dubost, Ginkgo éditeur. 2006, 123 p., 7 euros.

(Cet article est paru dans la revue La Presse littéraire n°7, août, septembre, octobre 2006)

Certains savourent d’autres toussent. La Lettre d’un éditeur de poésie à un poète en quête d’éditeur de Louis Dubost, dès ses premières éditions, malmène l’ego de quelques candidats à la publication aux manières désinvoltes. Ce texte instructif et malicieux dont je m’étais procuré le mince livret publié chez Deleatur (2001) vient de reparaître chez Ginkgo, augmenté de réponses d’auteurs et de considérations sur le dur métier d’éditeur. Cela donne un petit livre encore plus savoureux aux couleurs d’un bonbon mais d’un bonbon qui pique. Amateurs de douceurs onctueuses s’abstenir ! 
En effet, à l’ironie somme toute assez bienveillante de Louis Dubost (lorsqu’on sait la goujaterie de certains plumitifs), viennent s’ajouter les rages, dépits et coups de sang de ceux qui s’exposent imprudemment en envoyant leurs oeuvres à l’aveuglette, c’est-à-dire sans prendre au moins le soin de se renseigner sur le catalogue et sur la sensibilité d’un éditeur de poésie recevant cinq cents manuscrits par an. Parmi ces velléitaires qui se rêvent ou se cauchemardent écrivains, certains ne sont pas le moins du monde gênés de déclarer qu’ils n’ont pas le temps de lire. Et Louis Dubost de leur répondre du tac au tac : Vous avez bien le temps d’écrire ! 
Cette petite déprime passagère dont l’éditeur des poètes d’aujourd’hui avoue s’offrir parfois le luxe en rêvassant au montant d’une commande d’un livre à dix euros par les seize mille pourvoyeurs de manuscrits, on la comprend, surtout à la lecture des instantanés que Louis Dubost appelle des clips, moments glanés sur les stands des foires aux livres et autres salons, notamment au Marché de la poésie parcouru par des porteurs de cartables et de saccoches plus gonflés de manuscrits inédits qu’affamés de livres exposés à la vente. En un geste révélateur de leur mentalité, ces chasseurs d’éditeur posent parfois sans vergogne leur bagage sur les livres présentés au public !   
Les poètes en quête d’éditeur ne sont heureusement pas tous des mufles. Beaux joueurs, quelques uns reconnaissent la vertu pédagogique de la Lettre dont cette nouvelle édition, illustrée par les petits personnages du dessinateur Pascal Jousselin (http://pjousselin.free.fr/), offre un point de vue imprenable sur l’étrange paysage éditorial d’aujourd’hui où tentent de survivre les artisans de la poésie. Un livre à se procurer d’urgence avant de laisser dégénérer une subite crise de vers en un envoi irréfléchi ou prématuré de manuscrit.

Christian Cottet-Emard

08 septembre 2006

Poésie odorante

Quand j’y repense, mon entrée dans le club des lecteurs réguliers de poésie contemporaine a finalement coïncidé avec la souscription de mon premier abonnement au Dé bleu, à l’aube des années 80. (Le Dé bleu s’appelle aujourd’hui L’idée bleue, dirigé par le poète Louis Dubost, auteur de la fameuse Lettre d’un éditeur de poésie à un poète en quête d’éditeur, éditions Ginkgo. Je présente en principe ce livre dans la prochaine livraison de la revue La Presse littéraire (n°7).
En vingt-six ans de lectures poétiques, de revues en recueils, de micro-éditeurs en prestigieuses enseignes, j’ai suivi mon chemin dans la forêt de mots, affiné mes choix, affirmé mes goûts et dégoûts. J’ai choisi, élu, critiqué, rejeté. J’ai rompu, j’ai renoué. Parallèlement, j’ai écrit et publié... De la poésie ? Il appartient à mes lecteurs d’en décider. La lecture des poètes du Dé bleu et de quelques autres maisons d’édition m’y aura aidé, sans que je les accable pour autant de manuscrits.
Ma découverte des éditions du Dé bleu fut d’abord olfactive. Une bonne odeur de ronéo, la même que celle des tracts syndicaux, s’exhalait de l’enveloppe décachetée de mon premier abonnement, où ne demandaient qu’à s’ouvrir, telles des corolles, les couvertures colorées des opuscules aux formats oblongs et carrés, ces derniers constituant la collection “Herbes folles” ! J’aime l’odeur de l’encre et j’ai toujours eu la manie de renifler l’intérieur des livres neufs. Pas les anciens, à cause des acariens. Les nouveautés du Dé bleu, qu’est-ce qu’elles sentaient bon le duplicateur ! Quant aux acariens qui auraient pu s’aventurer entre les pages des minces recueils, ils étaient sûrs de trépasser complètement sonnés par ces senteurs chimiques !
Blague à part, Louis Dubost publie de la poésie depuis une trentaine d’années. C’est en 1979 qu’un des auteurs du Dé bleu, Jean-Louis Jacquier-Roux, qui signa en 1981 à cette enseigne son recueil “Voir les anciens jouets de nos misères”, me présenta ce catalogue entièrement dévoué à la poésie en train de s’écrire. L’abonnement constitué de plusieurs séries de plaquettes agrafées était proposé à un prix modique, ce qui me permettait, avec mon budget d’étudiant, de continuer à pouvoir faire le plein de mon Ami 6 sans pour autant renoncer à lire de nombreux auteurs peu connus du grand public. Parmi eux, certains on fait leur chemin dans l’édition.
Pendant plusieurs années, à l’arrivée des nouveautés de la saison, j’ai guetté le passage du facteur qui pestait contre cette enveloppe ventrue mal digérée par la boîte aux lettres et qui contenait les opuscules parfumés, avec leur frappe stencil sur papier à “polycop”. Le rêve de publier au Dé bleu m’effleurait souvent mais je n’avais rien écrit !
Avec les années, les plaquettes ronéotypées laissèrent la place à des livres brochés de belle facture aux couvertures blanches souvent rehaussées d’illustrations en couleur. Je ne voyais rien à redire à cet embourgeoisement malgré une indéniable nostalgie des odorantes polycopies. Ma bibliothèque, que j’expurge régulièrement, aligne encore une trentaine de ces recueils. Par la suite, je me suis éloigné du style de poésie publié au Dé bleu, notamment de certaines formes d’écritures du quotidien dans lesquelles quelques poètes me semblaient ronronner. Ces auteurs revenant souvent dans les nouveautés, j’ai décroché, c’est-à-dire que je n’ai pas renouvelé mon abonnement mais cela ne signifie pas que j’ai cessé d’acheter les livres du Dé bleu. Je grappillais certains titres en librairie. Lorsque des revues m’accueillirent dans leurs comités de rédaction, je reçus même des ouvrages de la maison à “chroniquer”.
En 1996, Louis Dubost me fit une jolie surprise. Je reçus par la poste une mini-anthologie intitulée “Fine pluie mouche l’escargot” publiée dans sa collection jeunesse Le Farfadet bleu où je découvris l’extrait d’un de mes poèmes que l’éditeur avait trouvé dans une autre anthologie. “Extrait” est le mot juste. La preuve ? Attention, ça va très vite : “L’escargot dans la pluie a vidé sa coquille”. Depuis cette anthologie de l’escargot, je n’ai pas publié plus bref mais tout poète qui se respecte vous le dira, un vers publié chez Louis Dubost vaut mieux qu’un volume d’oeuvres complètes aux éditions Barbapapus (Barbapapus : éditeur à compte d’auteur abusif pour ceux qui prennent ce blog en cours).
L’édition de poésie est un jardin subtil, fragile, un seuil ombragé où l’on trinque d’un petit vin. Mon mode de vie isolé dans des contrées où la lecture est de plus en plus considérée comme une bizarrerie ne permet guère cette sociabilité pour ne pas dire, toutes proportions gardées, ces mondanités qui peuvent aboutir à la publication d’une brassée de poèmes ou d’une oeuvre en construction. À quelques exceptions près (publications en revues ou en recueils confidentiels), mes poèmes dorment dans mes archives et le sort a voulu que ce soit ma prose qui franchisse le mur des comités de lecture.