14 février 2007
Spécialités au feu de bois
Tu venais manger dans cette auberge perdue dans la forêt dès le milieu des années soixante « cet enfant a un appétit d'ogre »
Et voilà que l’an deux mille est déjà dépassé de sept ans le menu « spécialités au feu de bois » n’a presque pas changé et rien n’a changé non plus dehors
Ce lieu est une perle de ton collier de paysages sensés
Jusqu’à aujourd’hui tu n’as manqué aucun épisode du feuilleton du papier peint et des tentures murales
Une année mythologique ta grand-mère était revenue du centre-ville avec son permis de conduire et t’avait payé le petit déjeuner à l’auberge du lac (pain grillé maison et beurre des fermes voisines)
En ces autres temps la tenture murale était écossaise et un orage grondait comme un farceur caché dans les bois
Tu trouvais prodigieux ce matin si sombre que la serveuse avait dû éclairer en apportant le café et le lait quel farceur cet orage qui courait les bois et la tourbière qui faisait des ronds dans le lac et qui versait des gouttes de nuit dans le bol du jour
Ce soir comme tant d’autres soirs le patron fait cuire la viande et le saucisson au vin dans la cheminée tu trouvais cet homme immense au milieu des années soixante à cause de la danse indienne de son ombre autour de l’odorant feu de bois
Et ce même homme de taille tout à fait normale vient aujourd’hui à ta table te dire bonsoir monsieur saluer d’autres habitués puis repart surveiller la cuisson au feu de bois pendant que son ombre continue sa danse indienne du milieu des années soixante
C’est encore un beau soir pour dîner dans cette auberge un de ces soirs à voir rappliquer le lac et la forêt dans la salle pour saluer quelques habitués si heureux que le menu n’ait pas changé
Et rien ni personne hormis l’archange de l’Apocalypse à l’heure d’enrouler le décor ne peut y changer quelque chose pas même au menu « spécialités au feu de bois »
Copyright : Orage-Lagune-Express, 2007.
Photo MCC.
14:29 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Brouillon de poème, réflexions littéraires, lac, forêt, spécialités au feu de bois