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31 août 2005

Ivre de poche

Demi-sommeil devant une émission littéraire télévisée. Le Cohiba s’est éteint, le ballon de Cognac, vide, heureusement, a roulé sous la table basse et l’on s’escrime encore sur Houellebecq dans la lucarne.
Je l’ai déjà écrit, je trouve Houellebecq intéressant mais je voudrais tout de même nuancer : intéressant en édition de poche. Je ne me souviens pas d’avoir lu de ma vie un best-seller autrement qu’en édition de poche (exception faite d’Éloge des femmes mûres de Stephen Vizinczey), c’est-à-dire avec un raisonnable décalage qui permet, outre de notables économies, une lecture normale. Extension du domaine de la lutte, Les Particules élémentaires et Plateforme, merci “J’ai lu”. La Poursuite du bonheur : merci “Librio”.
Entre le jour où j’ai appris en 2001 la nouvelle de la publication en France d’Éloge des femmes mûres de Stephen Vizinczey, ouvrage publié, je crois, pour la première fois en 1965) et l’heure où une publicité de l’éditeur (Anatolia / éditions du Rocher) s’est imprimée dans ma rétine, le livre en était déjà chez cet éditeur à sa quatorzième ou quinzième édition. À cette époque, en 2002, je me suis dit “tiens, je vais peut-être lire Éloge des femmes mûres”. En 2003, le livre en est arrivé à sa trente-neuvième édition et j’ai pensé : “ah oui, il faut que je lise Éloge des femmes mûres”. Finalement, lorsque je me suis décidé ce mois d’août, j’en ai trouvé un exemplaire imprimé en février 2005. Quarante-et-unième édition à la couverture barrée d’un bandeau arborant fièrement “plus de 3 millions de lecteurs dans le monde”... Et moi, et moi, et moi...
Éloge des femmes mûres ? Agréable, sans plus. Bien écrit. Un bon petit divertissement mais deux regrets cependant : pas d’édition de poche. Et pour cause. Deuxième regret : m’être décidé trop tôt et trop vite au lieu d’attendre la sortie en poche d’Éloge des femmes mûres qui finira bien par venir un jour.
Et Houellebecq dans tout ça ? Je lirai sûrement La Possibilité d’une île, mais en édition de poche, quitte à attendre que 3 millions de lecteurs en eussent épuisé les 41 éditions successives. C’est tout le mal que je lui souhaite mais cette fois-ci, je ne dérogerai pas.

Tu écris toujours ? (25)

Nous autres, auteurs, petits ou grands, bons ou mauvais, stylés ou non, ignares ou cultivés, prestigieux ou minables, riches ou pauvres, jeunes ou vieux, “à compte d’auteur ou à compte d’éditeur”, gauche-caviar ou droite-tête de veau, le pire du ridicule nous guette tous : l’esprit de sérieux.
Notre espérance de vie, nous en connaissons la moyenne, d’où nous venons et où nous allons, nous nous en doutons.
Que le soleil enflera comme une baudruche pour digérer la Terre dans une soupe rouge et que l'un des derniers organismes vivants encore capables de boire les ultimes gouttes de rosée avant la fin finale sera l’antédiluvien et modeste nostoc (appelé aussi "crachat de la lune" ou "crachat du diable"), les savants nous l’ont dit.
Alors, (désolé) mais nos petits bouquins...

P.S : pour en savoir plus sur le nostoc et autres curiosités, un livre de Pierre Gascar, Le Règne végétal (éditions Gallimard).

(À suivre)

30 août 2005

Tu écris toujours ? (24)

S'éditer soi-même, on le sait, peut réserver de mauvaises surprises dès la réception des livres commandés à l’imprimeur.
Lorsque je voulus tenter l’expérience, voici une bonne vingtaine d’année, cela me fit tout drôle de voir rappliquer dans ma cour un camion, lequel, au terme d’une manoeuvre délicate suivie d’un éternuement de frein, expulsa de sa cabine un costaud bougon brandissant un bon de livraison : “j’ai une palette au nom de Cottet-Emard, ouais, des bouquins.” Et le transporteur de s’esclaffer : “ben vous, quand vous lisez, vous faites pas semblant ! On la met où, la palette ? Là ? Dehors ou dans le garage ?”
J’ai signé le bon et j’ai dit que j’allais me débrouiller avec les cartons. Le costaud et son camion se sont évaporés dans un nuage de gaz. J’ai regardé la palette et j’ai compris que l’arrivée de 1500 exemplaires d’un livre qui débaroulent à domicile à l’heure du petit déjeuner pouvait susciter une saine remise en question de certaines vues de l’esprit.
J’ai eu de la chance, la palette était bien cerclée. Il faut qu’une palette soit bien cerclée, sinon, elle penche et elle peut tomber. Si l’on est à proximité, cela peut être dangereux. C’est à l’usine, où j’ai travaillé deux mois dans ma vie au grade de stagiaire-étudiant (aussi bizarre que devin-plombier) pour me faire un peu d’argent de poche, que j’ai appris qu’il fallait qu’une palette fût bien cerclée pour ne pas mettre en péril l’intégrité physique de tous les intermédiaires qui ont la lourde responsabilité de la manipuler. Et cela fait du monde. Les palettes, on ne m’a pas longtemps confié le soin de les empiler et encore moins de les cercler. À côté de celles des autres ouvriers, les miennes, elles avaient des airs de tour de Pise et si le monument n’a pas encore rompu avec son centre de gravité, on ne peut pas en dire autant de mes palettes. Mais bon, tout ça, c’est du passé et personne n’est mort.
Une palette d’un livre qu’on a écrit n’est pas une vision plaisante. Ah, si les blogs avaient existé au début des années 80 !

(À suivre)