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17 août 2007

Progression du chaos

Dans le désert du mois d’août, c’est-à-dire à l’époque où Oyonnax retrouve un semblant du calme d’antan, je pense au chaos.
Paradoxalement, cette pensée vient souvent me rôder dans la tête après un concert. Tel fut encore le cas dimanche soir en sortant de l’abbatiale Saint-Michel de Nantua où le dernier concert d’été du Festival du Haut-Bugey proposait à l’affiche le magnifique ensemble Akadêmia dirigé par Françoise Lasserre.
Avec le programme consacré à Monteverdi, avec la splendeur et la finesse de l’interprétation, on était pourtant loin du chaos, de surcroît dans le cadre harmonieux de l’abbatiale dont l’architecture millénaire porte le chant, la basse continue et le plus ténu des effleurements de corde jusque dans le moindre recoin des chapelles. Mais c’est en me laissant emporter par cette musique, en un de ces rares moments où l’on se souvient que la civilisation existe encore, que je mesure le degré de terrible vulnérabilité au chaos auquel m’expose mon époque. Mais sans doute dois-je préciser ma pensée et parler plutôt des manifestations du chaos. Oh, rien de spectaculaire, pas de visions d’Apocalypse mais peut-être quelque chose d’aussi redoutable : la banale laideur, la quotidienne et méthodique dégradation de notre environnement sonore, visuel, olfactif. Rugissements de motos, pétarades de cyclomoteurs bricolés exprès pour cela, voitures-boîtes de nuit, vulgarité brutale de l’architecture contemporaine, puanteur du diesel. Et pour oublier tout cela, pour essayer désespérément de s’en laver, deux petites heures d’une musique qui nous arrive des confins de la Renaissance aux débuts du Baroque, temps glorieux de l’Occident spirituel... Sans vouloir idéaliser ces époques lointaines bien dures pour le commun des mortels, comment échapper au vertige lorsqu’on mesure l’écart entre l’aristocratie de l’esprit qui favorisait l’épanouissement de cette musique et de tous les autres arts et la « médiocratie » de ce début du XXIème siècle où le vacarme de tous les moteurs, amplificateurs, radios et télés assiège en toute impunité les derniers jardins du recueillement et du rêve éveillé ?
Dimanche, point de moteur de moto déchirant le silence qui fait partie intégrante de la musique, seul l’angélus s’est invité dans le message poétique de Monteverdi. Une chance, car je ne compte plus le nombre de concerts au cours desquels l’épaisseur des murs des églises et des chapelles ne parvenait plus à garantir une protection suffisante contre l’insidieuse progression du chaos.

Commentaires

Bonjour Christian, vraiment intéressant votre blog, je suis allé picorer quelques articles au hasard, mais il faudra que je le parcours plus profondément.

Désespéré et superbe: " la banale laideur, la quotidienne et méthodique dégradation de notre environnement sonore, visuel, olfactif.... "

Vous êtes un poète intellectuel, je suis un plouc rêveur et nostalgique, j'ai passé mon enfance dans une campagne sereine, ou il n'y avait ni tracteurs , ni automobiles ( les années d'occupation ) , il n'y avait dans les rues que le bruit des fers des chevaux..., j'ai vécu dix ans au SAHARA, et septuagénaire, je n'arrive pas à m'habituer à ce monde désaxé, bruyant, laid, vulgaire....

J'ai connu Oyonnax dans les années 50, c'était une petite ville sympa, mais l'on entendait partout, les bruits étouffés des presses à plastique... ( Roger Vaillant a écrit la-dessus )

Bonne semaine

Écrit par : maudub | 04 février 2008

Bonjour Maurice
Merci de votre visite. Vous savez, je me sens plus plouc rêveur que poète intellectuel ! J'ai beaucoup d'estime pour les intellectuels mais ce que j'écris montre que je creuse un autre sillon.
Poète ? Aux lecteurs de décider. Je crois qu'il est bien imprudent pour un poète de se définir lui-même comme tel, un peu comme le Saint qui se présenterait comme un Saint : il pécherait par orgueil et ne pourrait donc prétendre à la sainteté !
Je suis allé me promener dans votre blog et je vois que nous sommes d'accord sur l'essentiel. Vous avez une très bonne plume, ce qui est nécessaire lorsqu'on veut résister à tout ce que vous dénoncez avec une belle énergie.
Oyonnax... Cette ville a perdu son âme, ou plutôt l'a-t-elle vendue sinon au diable au moins à des démons dont on voit l'oeuvre aujourd'hui. Si Roger Vaillant revenait, il trouverait une situation bien pire que celle décrite dans 325000 francs. Lors d'un petit salon du livre qui se tenait à Oyonnax, j'ai savouré, lors de l'inauguration, l'hommage cocasse que lui ont rendu les héritiers de ses pires adversaires politiques. Mais ils n'ont pas fait les difficiles car un grand écrivain mort, ça se cuisine à toutes les sauces !
À bientôt de vous lire. Et maintenons le cap !

Écrit par : Christian Cottet-Emard | 04 février 2008

Bien vu Christian, ce que vous me dites d'Oyonnax me " fend le coeur ", car j'ai passé là-bas des moments bien agréables...Un de mes neveux y est né il y a 48 ans ...

La musique baroque est le dernier refuge des poètes et des contemplatifs, la XXIIme et le XXIIIme siècle ne seront jamais égalés... J'écoute souvent en boucle le Staba Mater de Pergolèse ( Christopher Hogwood, Emma Kirby et le superbe James Bowman )

Vous invite à une petite ballade champêtre : www.tarn-rando.com

Écrit par : maudub | 04 février 2008

La promenade, les paysages du Haut-Bugey et du Haut-Jura à ma porte, voilà ce qui me retient à Oyonnax, ville où j'ai toujours vécu bien que m'y sentant étranger, notamment en raison de mon activité littéraire grâce à laquelle je suis en lien avec l'extérieur. On en revient toujours au constat de René Char : « Écrire : s'exclure » . Finalement, un écrivain est toujours étranger, ne serait-ce que parce que son activité est étrange.
Lumineuse balade en effet, et le poème cité m'a rappelé le nom de Béatrice Kad à l'époque où je lisais parfois ses textes dans de petites revues.

Écrit par : Christian Cottet-Emard | 05 février 2008

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