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04 janvier 2009

L’Abîme horizontal

abimehorizontal.jpgFrançois Montmaneix
L’Abîme horizontal
La Différence, 2008, 124 p.

L’ombre du grand Giono hante les pages de l’Abîme horizontal de François Montmaneix. Certes, bien d’autres passants considérables sont-ils invités dans ce recueil où se télescopent, ainsi que le veut la maturité des poètes, les éblouissements juvéniles et la lucidité, les fraîches colères et les instants d’accord avec le monde. Les compositeurs, Rameau, Schubert, Mahler, Richard Strauss, Mozart, Debussy, Chopin, Guillaume de Machaut, Monteverdi, côtoient les poètes, Valéry, Mallarmé, Michaux, Bonnefoy, Colette Kowalski, Hésiode, Eichendorff, Nerval, Clément Marot, Ronsard, Goethe, Malherbe. On rencontre aussi Galilée, Jérôme Bosch, Jean Villard, Brassens, Raymond Carver, Dürer. La nostalgie des bonheurs intenses affleure dans l’élégance des hommages rendus aux reines du chant, Kiri Te Kanawa, Élisabeth Schwarzkopf.
François Montmaneix vit depuis toujours dans la musique, le chant, les livres. À Lyon, il a poussé son engagement artistique au-delà des mots en dirigeant l’Auditorium Maurice Ravel et en créant deux centres d’art, L’Atrium et le Rectangle. On ne peut donc s’étonner des accents d’inventaire qui ponctuent parfois ce recueil mais cela ne pèse point et cet inventaire-là ne doit rien à Prévert.
Même si François Montmaneix a consenti à lâcher un peu la bride à son écriture, la parole est toujours tenue, voire retenue. Le poète agit ici comme le compositeur qui aurait à diriger sa propre musique. Il a l’œil et l’oreille partout, se méfie des emballements du lyrisme mais refuse la raideur et la solennité en leur appliquant leur classique antidote, l’humour, en touche légère. Mélomane éclairé, François Montmaneix est sans doute de ces poètes qui écrivent dans la nostalgie de la musique, ce qui lui permet de se tenir à distance, sans pour autant s’en exclure totalement, des courants les plus formalistes de la poésie de la fin du vingtième siècle.
L’Abîme horizontal est un recueil qui s’éloigne de ces courants. Le récit revient en force sans céder à la prose. Saisons et paysages, animaux et personnages rentrent dans la ronde du poème mais si cette ronde était une valse, ce serait celle de Ravel, parfois ironique, souvent sombre, inquiétante, tourmentée. L’arbre, figure récurrente dans l’œuvre de François Montmaneix, dispense toujours sa profusion de rêve et de vie, y compris « l’arbre d’octobre âprement fastueux » du poignant « Retour en ville » , mais c’est surtout « à la fourche du hêtre complice » — nous revenons ici à Giono — que le lecteur accédera au sens profond de ces poèmes nés, dirais-je pour paraphraser Jean Tardieu, d’une « poignée de jours en flammes ».

croquant59:60.JPG(J'ai publié cette note de lecture dans le n° 59/60 de la revue Le Croquant)

25 décembre 2008

Joyeux Noël

IMG_5408.JPGC’est un soir obscur empli de silencieuse joie

Et plus ton pas bat le trottoir luisant de lune plus te revient cette histoire de toujours à laquelle tu voudrais croire même une seule nuitPICT0094.JPGPICT0092.JPG

Soulagé d’un ténébreux sommeil tu t’es levé par un matinet

Le monde était si vieux si jeune a-t-il recommencé dans une lente et douce flamme au fond d’une chapelle

Et à minuit fut un réveil glorieux de roses de Noël

 

© Éditions Orage-Lagune-Express 2008.

Photos : mes promenades d'hiver

21 décembre 2008

L’énigme de l’arrivée

arrivée.JPGSi tu devais partir je ne sais où sans tes livres dans un endroit absurde de la Terre ou du Ciel où plus rien ne serait habituel et familier

Si tu ne pouvais rien emporter de ce qui te donne un peu de poids en ce monde

S’il te fallait choisir vite et à jamais

Tu pourrais prendre le galet de rivière peint pour toi par ta fille à l’école maternelle

Le nœud d’épicéa jeté sur le talus par le bûcheron

La petite pomme de pin et celle du mélèze

Le marron d’Inde tout fripé mais qui luisait tant quand tu l’as ramassé

Le fruit fermé à double tour d’un arbre inconnu

Le bouton de pivoine séché

Ainsi à l'arrivée te resterait-il cela à contempler et qui te parlerait encore de l’étonnement d’avoir vécu

 

© Éditions Orage-Lagune-Express, 2008.

Note : le titre de ce texte est emprunté au peintre Giorgio de Chirico en référence à son tableau L'Énigme de l'arrivée et de l'après-midi. 1912.