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11 novembre 2021

Carnet / 11 novembre

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Détails de tombes de jeunes soldats de la première guerre mondiale dans un cimetière de village (photos Christian Cottet-Emard)

Au lieu des bannières tricolores pavoisant les villes, ce sont des drapeaux noirs qu’on devrait déployer, pour que plus personne ne puisse oublier que dans cette immense escroquerie de la guerre, les vies de millions d’hommes ont été fauchées par les munitions fabriquées par leurs proches, leurs épouses, leurs collègues non mobilisés, leurs anciens chefs trop vieux pour partir à l’abattoir mais à la manœuvre dans les usines. Pendant que les chanteurs de variétoche à deux balles de l’époque voire les compositeurs officiels « contribuent à l’effort de guerre » par des chansons et des musiques de propagande, les affaires continuent. Pour les patrons d’industrie lourde, elles ne sont même jamais si florissantes. Voilà pourquoi vous mourrez, pauvres gars envoyés au front à coup de bottes de gendarmes dans le derrière. Même le vieil Anatole France l’a écrit : « On croit mourir pour la Patrie, on meurt pour des industriels. » carnet,note,journal,matin,petit matin,cafetière,croissant,pain,boulangerie,prairie-journal,écriture de soi,autobiographie,journal intime,11 novembre,morale,france musique,christian cottet-emard,radio,littérature,radio,viry,jura,franche comté,oyonnax,ain,rhône-alpes,france,europe,commémoration,centenaire 14-18,sdf,ordre établi,nouveau conformisme,engagement,vie privée,paix,sécurité,paix sociale,occident,individu,notion d'individu,anatole france,js bach,café,petit déjeuner

Aujourd’hui encore, après avoir connu l’après soixante-huit où les commémorations tricolores énervaient presque tout le monde, je suis déçu et inquiet du retour de ces effets de manche patriotiques, de cette façon de parler de la guerre au moyen de vieux clichés qu’on croyait définitivement ringardisés. Bien sûr, les journalistes sont trop souvent les premiers à resservir cette soupe en osant encore parler de « morts au champ d’honneur » mais les politiques ne sont pas en reste...

 

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Renseignements, commandes et demandes de services de presse : éditions Orage-Lagune-Express

Pour les personnes de ma région, ce livre est aussi disponible à la médiathèque municipale d'Oyonnax (Ain), au centre culturel Aragon.

08 octobre 2021

Carnet / Cette assemblée de spectres

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À l'époque où je perdais mon temps dans la presse (années 80) et où je croyais aux maîtres en littérature. Photo P. Deschamps

Dans le Figaro littéraire de ce jeudi, quelques anecdotes sur le thème de la rencontre de l’écrivain débutant avec ceux qu’il considère (au moins provisoirement) comme ses maîtres. 
J’en ai surtout retenu cette question qui vaut réponse de Michel Tournier :  « Et puis est-ce bien intéressant, pour un jeune écrivain, de rencontrer ses maîtres ? Quand j’étais jeune, je n’en avais pas envie » .
Sans vouloir le reconnaître, dès que je me suis lancé dans ce que Jean Tardieu m’a décrit comme « le dur chemin de la création littéraire » dans la dédicace d’un de ses livres, j’avais la même opinion. J’avais pourtant élu mes maîtres mais malgré les occasions qui se présentaient à moi, quelque chose me retenait, sans doute un peu de timidité, pas mal de paresse mais aussi et surtout une sorte d’inexplicable épuisement relationnel qui me frappait déjà dans mes jeunes années et qui est arrivé aujourd’hui à son paroxysme. 
Je craignais en outre de me surprendre moi-même en flagrant délit de comportement courtisan et de passer ainsi aux yeux de mes prestigieux interlocuteurs comme un quémandeur d’appuis et de recommandations auprès des éditeurs. 
Je restais donc le plus souvent prudemment (lâchement ?) en retrait grâce à ma carte de presse qui me servait de prétexte pour approcher les écrivains que j’admirais (les autres, ça ne compte pas) quand les occasions se présentaient. 
Mon attitude fut à l’origine de récurrents malentendus car mes écrivains favoris pensaient que je ne les approchais que dans le seul but de faire mon travail alors que je m’intéressais à eux et à leurs œuvres pour des raisons beaucoup plus profondes. De plus, ils étaient parfois sur leur garde car les écrivains ont des rapports souvent compliqués avec les journalistes, ce qui est tout à fait compréhensible. 
De mon côté, depuis ma prime jeunesse, je suis très attaché à la civilité et aux conventions sociales de base, ce qui me rend sans le moindre problème capable de recadrer vite fait bien fait quelqu’un qui aurait la mauvaise idée de s’en dispenser à mon égard, fût-il autant décoré de tous les prix littéraires de la Terre qu’un maréchal soviétique bombant son torse pavé de médailles. 
Il y eut donc quelques interviews qui tournèrent court, très court, des entretiens au cours desquels des anges semblaient s’être donné rendez-vous sur la banquise pour passer en grand nombre mais aussi, heureusement, quelques rares moments de grâce, notamment ma première rencontre puis celles qui suivirent avec l’exquis Jean Tardieu.

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Mon vieil exemplaire d'Une voix sans personne dédicacé par Jean Tardieu


J’ai d’autres souvenirs simplement agréables ou drôles avec des écrivains. J’ai fait un bout de chemin en leur compagnie mais à bonne distance et continué parfois d’échanger quelques signes, de loin en loin, avec eux. Leurs livres dorment désormais dans ma bibliothèque toute neuve, rescapés de la dernière purge avant les prochaines car lorsque vient le soir, dans le ballet des ombres, il n’en reste et n’en restera, jusque sur les étagères d'un lecteur anonyme et insomniaque, que quelques-uns. Tel est le prix de l’écriture, cette assemblée de spectres. 

 

29 août 2021

Un bref extrait de mon roman CHARMES, récemment paru.

Résumé et critique du roman à lire sur le blog de Jean-Jacques Nuel :

« Le roman se constitue des récits croisés des différents protagonistes, qui forment comme les pièces d'un puzzle. On se déplace à Lyon, Paris, Barcelone, Venise et Lisbonne, on prend quelques détours par Oyonnax et Nantua. L'action progresse vers une fin surprenante. »

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Reprise du journal de Charles Dautray.

Dans les bourrasques glaciales, les vaguelettes du lac de Nantua luisaient comme des écailles d’acier sur une plaque de tôle. L’allée de platanes nus soulignait durement la courbe de l’esplanade, se cognait au ciel bas et butait contre le mur des nuées en direction de La Cluse. À l’opposé, seule l’enseigne mauve fluo du camion du vendeur de hot-dogs, de gaufres et de churros retenait le regard. Quelques silhouettes frileuses s’en approchaient. Un adolescent encapuchonné marchait la tête baissée sur son téléphone en direction du centre-ville. Il bifurqua sur la droite et moi sur la gauche. Je ralentis devant la vitrine de la maison de la presse, traversai la place d’Armes et entrai dans l’abbatiale Saint-Michel. Après avoir introduit quelques pièces dans le tronc de la chapelle du Sacré-Cœur, je choisis un petit photophore bleu parmi les rouges, les verts et les jaunes et j’allumai la bougie avec le briquet jetable accroché au mur par un bout de ficelle. Je déposai le photophore au milieu des autres sur le candélabre en métal noir auquel la flamme paisible de chaque bougie donnait l’allure d’un buisson piqueté de petits fruits. Bien qu’étant agnostique, je trouve un peu d’apaisement dans ce geste que j’accomplissais même à l’époque encore pas si ancienne de mes heures de gloire. Des sons légers que je connaissais bien rompirent le silence : le tour de clef dans la serrure de la porte ouvrant sur l’escalier en colimaçon qui permet d’accéder à la tribune de l’orgue, le cliquetis des interrupteurs, le froissement du papier des partitions, le profond soupir du soufflet, le claquement sourd des jeux qu’on tire, quelques notes hésitantes, des jeux qu’on tire à nouveau et la voix patinée, unique, de ce merveilleux instrument sur lequel je ne jouerai plus. C’était fini. Cette époque qui avait quand même duré quelques trop brèves années s’était dissipée comme un songe même s’il en restait des preuves tangibles, mes disques. Comme je regrette de n’avoir pas pris le temps d’enregistrer un disque d’orgue... J’avais tout donné au piano, pour moi bien sûr, mais aussi parce que c’était la volonté de Marina. Et maintenant, Marina n’était plus là. Depuis la fin de mes longs mois d’hospitalisation, j’allais mieux mais je me sentais encore plein d’amertume, de colère et d’incompréhension. J’étais encore loin d’avoir accompli le chemin sinueux dans ces brumes où mon seul repère était la flamme têtue d’une bougie dans l’ombre silencieuse d’une chapelle. Je me doutais bien que tout cela finirait un jour mais je ne voulais pas y penser. J’avais reçu un don, on me l’avait repris. D’autres ont reçu un don et ils l’ont gardé. Pourquoi eux et pas moi ? Ai-je perdu ce don parce qu’il ne m’était pas vraiment destiné ? Ai-je perdu Marina parce qu’elle ne m’était pas destinée ? Parce que je l’avais déçue ? Parce que je n’avais pas été à la hauteur ? Je ne cesse de me poser ces questions même si je sais bien au fond de moi-même que Marina était dangereuse pour moi et peut-être pour tous ceux qui croisaient son chemin et prenaient le risque de s’attacher à elle. Peut-être n’y pouvait-elle rien, peut-être était-ce sa destinée. En amour, nous savons que nous allons souvent à la catastrophe mais nous y allons quand même. Il y avait chez Marina une fêlure, ce qui, comme toutes les personnes blessées, la rendait périlleuse à fréquenter. L’assurance ou l’inconscience que nous prodigue le sentiment amoureux peut nous conduire à penser que nous allons devenir le baume de cette blessure alors qu’en réalité, nous ne ferons que rouvrir nos propres plaies. Le piège se referme alors avec notre consentement. Il n’y avait peut-être rien d’autre à comprendre. Dans un de mes carnets, j’avais recopié une phrase du romancier Haruki Murakami, extraite de son roman La Ballade de l’impossible : Ce n’était pas mon bras qu’elle cherchait mais un bras. Ce n’était pas ma chaleur qu’elle cherchait mais une chaleur. J’étais gêné de n’être que moi. En ce qui concerne Marina, je pourrais ajouter : ce n’étaient pas mes mains qu’elle cherchait mais des mains. Moi aussi, j’étais gêné de n’être que moi.

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Les personnages que l'on rencontre dans ce roman  :

Charles Dautray, pianiste.
Aaron Jenkins, agent artistique, producteur.
Antoine Magnard, rédacteur. (Antoine-Marie Magnard Mongins de la Force).
Marina, jeune femme en colère.
Docteur Émilien Bouvardel.
Le Butler, agent immobilier.
Le curé.
Nelson Gahern, pianiste.
La prostituée-voyante extra-lucide.
L'agent de sécurité.
Le barman au nœud papillon de travers.
Nuno.
Reynald Osborne, pianiste décédé.
Constantin Machialys, pianiste décédé.
Oleg Vorodine, pianiste décédé.
Le notaire aux ongles peints.
Une passante de Lisbonne.
Le pianiste du café Florian à Venise.

 

Informations :

Éditions Orage-Lagune-Express

  • Broché ‏ : ‎ 218 pages
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 979-8745269714
  • Poids de l'article ‏ : ‎ 299 g
  • Dimensions ‏ : ‎ 12.85 x 1.4 x 19.84 cm

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