21 mars 2008
Conseils aux écrivains assignés à résidence
La résidence d’écrivain, vous n’en rêviez point, ils vous l’ont mitonnée quand même...
La suite dans le nouvel épisode de « Tu écris toujours ? » paru dans Le Magazine des livres n°9 (avril/mai 2008), actuellement en kiosques.
17:34 Publié dans FEUILLETON : tu écris toujours ? | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : feuilleton, tu écris toujours ?, magazine des livres, presse, édition, lafont presse, christian cottet-emard
13 mars 2008
Les mésaventures de Cardio Vasculaire
(Extrait de deux épisodes que j’avais supprimés de mon feuilleton « Tu écris toujours ? » mais cependant publiés dans la revue Mercure n°1, novembre 2007, sous le titre « Souvenirs d’un localier »)
C’est donc au fond d’un bureau d’agence locale, sous le néon jaunâtre qui sied à ce genre de cave par ailleurs excellente pour la conservation des cigares, voire propice à la culture de l’endive, de l’asperge ou du champignon de Paris, que je fis la connaissance, bien malgré moi, d’un personnage des plus antipathiques. Cardio Vasculaire (ainsi le baptisai-je dès qu’il se crut autorisé à me parler de ses ennuis de santé) était un de ces fâcheux qui débarquaient régulièrement à l’agence pour discuter le coup avec les pigistes ou le journaliste de corvée. Certains de ces bavards, presque tous retraités, étaient du matin, d’autres du soir. Cardio Vasculaire était du soir et même du dimanche soir. Ce commerçant retiré des affaires pointait son crâne d’œuf de Pâques dont on aurait dénoué le kiki à l’heure à laquelle les plumitifs des sports commençaient à jouer du téléphone pour obtenir les scores et commentaires de toutes les gesticulations dominicales, notamment celles qui dégénéraient autour d’un ballon. Le ballon, Cardio Vasculaire faisait (grise) mine de s’y intéresser et posait ainsi chaque dimanche à la même heure la même question anxieuse au localier en poste : « combien ils ont fait ? » Depuis des années, il obtenait ainsi le score de l’équipe locale de ballon en poussant la porte de l’agence, trouvant toujours un rédacteur pour sacrifier à ce petit rituel susceptible de lui procurer l’ersatz d’émotion auquel son cœur pouvait encore prétendre. Ceci dit, la maladie ne rend pas les gens meilleurs et celui-ci moins qu’un autre.
Cardio Vasculaire, pour le moins, ne m’appréciait pas. La première fois que je l’entendis me dire « Combien ils ont fait ? », je lui fis répéter la question en demandant des précisions (qui « ils », qui avaient fait quoi, etc., etc...). J’en avais aussi profité pour lui signifier mon aversion pour le sport et en particulier pour le ballon en le priant de me préciser que le rond, c’était bien le football et l’ovale le rugby, en rajoutant, au comble de la jouissance : « j’oublie toujours ! » J’ose le dire, cet homme ne me portait pas dans son cœur et j’en avais autant à son service. De toute façon, en dix ans d’exercice journalistique, je ne me suis jamais encombré l’esprit avec un seul chiffre ou nombre pouvant correspondre à un résultat de compétition sportive. Alors, « Combien ils avaient fait » , avec moi, il ne risquait pas de le savoir. En outre, ce que Cardio Vasculaire ignorait, c’est que son innocente question appelant une réponse chiffrée ne pouvait que mal me disposer à son égard. Il suffit en effet que quelqu’un me demande d’évaluer une distance, un volume, une quantité, en un mot une mesure, au moyen d’un chiffre ou d’un nombre, pour que je me sente envahi par une bouffée d’angoisse dont mon interlocuteur a vite fait d’interpréter les signes visibles comme des marques d’agressivité. Lorsque cela s’avère nécessaire, je prends la peine d’expliquer la situation aux personnes de mon entourage familial et amical. Ils me comprennent ou ils compatissent, réactions que je ne pouvais espérer de la part d’un individu tel que Cardio Vasculaire qui, pour être doté d’un gros crâne en forme de son ballon préféré, n’avait pas forcément le cerveau en rapport. Et je peux prouver ce que j’avance.
Malgré son état, Cardio Vasculaire vivait plutôt dangereusement. Il avait en effet la pitoyable habitude de jouer au loto toutes les semaines, toujours la même combinaison de chiffres et de nombres. Comme tous les riches, il voulait encore plus d’argent et il cochait donc consciencieusement, depuis des décennies, ses grilles hebdomadaires. Or, un beau jour, ainsi que cela se produit parfois, il décrocha six numéros. L’ennui, ainsi que cela se produit parfois aussi, c’est que cette semaine-là, pour une obscure raison, il n’avait pas validé son bulletin. Confronté d’un coup à trois émotions violentes (j’ai gagné, j’ai pas joué, j’ai perdu) Cardio Vasculaire fit un malaise.
Je ne sais pas s’il s’en est sorti. En tous cas, je ne l’ai jamais revu. Pourtant, lors de mon dernier jour de travail à l’agence, un dimanche justement, j’ai trouvé moyen de lui consacrer une petite pensée. Alors que j’avais vidé mon bureau et mon armoire dans deux grands sacs poubelle de cent litres, je me suis rappelé la question fusant de ce crâne blafard : « Combien ils ont fait ? » Je me suis imaginé en train de répondre : « des millions, des dizaines de millions, des centaines de millions ! »
15:48 Publié dans FEUILLETON : tu écris toujours ? | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : presse, média, journal, quotidien, revue, mercure, oyonnax
11 mars 2008
Bon signe
La fleur première du printemps fut un feu de feuilles sèches
Derrière la corolle espiègle tu vis trembler l’image de ton père et celle de ton grand-père puis celle des autres chers défunts
Ils t’encourageaient certainement à vivre encore dans les parfums fantasques de la Terre et dans la joie de l’air
Bientôt le merle lancera son appel des soirs d’avril
Pour l’instant il ne fait que frôler de vieilles herbes
Comme toi il se protège et scrute le ciel dont il n’a pas à espérer de faveur particulière hormis celle de cette fantaisie climatique qu’on appelle les beaux jours
© Éditions Orage-Lagune-Express 2008.
Photo Marie-Christine Caredda
18:17 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : poésie, feu, flamme, merle, corolle, beaux jours, fantaisie climatique