21 novembre 2006
Le poète joue au loto
Poète tu joues au loto
Tu sais que rien n’est plus lamentable pour un poète que de faire valider son bulletin au tabac que tu peux avoir l’air d’un poète avec un mégot au coin des lèvres ou un cigare entre les dents mais pas en récupérant ton reçu qui n’est pas précieux mais qui a une chance sur plusieurs millions de le devenir
À part toi personne ne trouve à redire que tu joues au loto car personne ne sait que tu es poète
Ce que les gens trouvent lamentable ce n’est pas de jouer au loto mais d’écrire des poèmes
Tu racontes au voisin que tu vas skier dans les Dolomites
Tu ne skies jamais cela ne te viendrait pas à l’idée de risquer de te faire mal
Ce n’est pas que tu cherches à épater le voisin car tu ne l’admires pas mais tu vois qu’il a peur de ce silence que tu portes comme un beau manteau d’hiver un peu démodé
Tu sens que le voisin attend un minimum de conversation cela se fait
Tu ne sais plus faire tu as épuisé tous les sujets tu ne veux pas l’inquiéter trop longtemps avec ton silence
Tu pourrais lui parler de livres de poèmes mais tu choisis le ski à Cortina d’Ampezzo pour éviter de l’inquiéter avec la poésie
À quoi ça servirait ô poète joue au loto
(Le poète mène une vie quotidienne, extrait. © Orage-Lagune-Express, 2006)
15:36 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (10) | Tags : poésie, poète, loto, dolomites, cortina d'ampezzo
Commentaires
tu fais taire
ce brouhaha
ces voix
ces rumeurs
tu voiles de brume
tout cela
qui ne peut
que dévorer
l'oeil
et tu gravis
la pente
t'établis
en amont
et là
blotti
dans l'oeil-berceau
sourd et aveugle
tu attends
que te gorge
le murmure
de la source
ne doute pas
ne doute plus
va ton
non-chemin
en silence
rends-toi
sourd et
aveugle
pour mieux
assurer
ton pas
et de temps
à autre
fais halte
en un poème
où s'accomplit
la convergence
Charles JULIET , L'oeil se scrute, Fata Morgana, 1976.
Écrit par : Pascale | 21 novembre 2006
Bonsoir Pascale
Ta citation de ce recueil me rappelle l'époque où j'avais une admiration excessive pour Charles Juliet. J'ai lu "L'oeil se scrute" en 1981, date de la nouvelle édition de Fata Morgana. J'étais tellement enthousiaste (et naïf) que je n'avais même pas noté le côté ridicule du titre qui n'est heureusement pas à l'image du contenu. Car en effet, ce recueil recèle de grandes richesses. J'ai même une dette envers Charles Juliet grâce à qui j'ai pris conscience de la nécessité d'épurer mon écriture. Je peux dire que sa lecture m'a permis d'évoluer. Dans la foulée, j'ai lu tout ce que je trouvais de lui. J'ai eu aussi l'occasion de le rencontrer à deux ou trois reprises et de publier des articles sur lui, ce qui m'a valu des remontrances de ma hiérarchie lorsque j'étais dans la presse. Il n'avait pas encore publié son excellent livre, L'Année de l'éveil. Mais petit à petit, toujours en le lisant, notamment son journal, j'ai adopté une attitude beaucoup plus critique. Aujourd'hui, je ne le lis plus beaucoup. C'est un peu comme un rendez-vous manqué. Cet été, j'ai lu dans la presse locale ses déclarations sur le monde navrant du ballon et je me suis demandé comment un écrivain pouvait s'abaisser à confier à la presse, même locale, de pareilles sottises. De temps à autres, à Lyon, rue Victor Hugo, il m'est arrivé de le croiser et à chaque fois, je me suis demandé s'il regardait le ballon à la télé. Misère !
Écrit par : Christian Cottet-Emard | 21 novembre 2006
Ai vécu la même chose, rue Victor Hugo, pas loin de chez lui, puis rue de la Ré, en face du MacDo, hélas, aussi navré, même si, en soi, le ballon n'est pas grand-chose, seul comptant ce que l'on en fait.
Écrit par : J.-J. M. | 21 novembre 2006
Bonsoir les garçons,
C'est quoi cette histoire de ballon? Je connais très peu la poésie de Charles Juliet, seulement quelques poèmes dont celui-ci qui me touche et me remonte le moral quand il est bas. Ce n'est pas musical, très épuré, plus dans la perception d'un peintre, je trouve. Je ne défends rien, je lis et relis quand ça me touche sans pour autant aller chercher tout ce qu'il a écrit. Je reste parfois ainsi, sur des bribes qui me suffisent et apparemment, il est bon parfois de ne pas aller plus loin, d'après ce que vous en dîtes... Ceci dit, je ne me prononce pas sur Charles Juliet dont j'aime la prose sensible et épurée de "Lambeaux". Il est vrai que bien des auteurs, rien qu'à lire leur intervention dans les journaux m'empêchent d'aller plus loin. Donc j'évite en général de lire la presse, d'allumer la télé, et j'essaie de m'en tenir au texte. Charles Juliet est un homme adorable, pourtant...
Écrit par : Pascale | 21 novembre 2006
* Ton approche est la meilleure, Pascale, et, je le répète, certains livres de Charles Juliet m'ont beaucoup apporté, notamment le recueil que tu cites. Je ne connais de Charles Juliet que l'homme public et me garderai donc bien de tout autre jugement. Je ne l'ai rencontré que professionnellement et, à chaque fois, il a été très difficile d'établir le contact. C'est une chose très banale dans les relations humaines mais il est vrai que cela surprend toujours de se sentir à la fois très proche d'une oeuvre littéraire et très loin de son auteur lorsqu'on est amené à le côtoyer, certes brièvement et en représentation, le temps d'un dîner, d'un après-midi, d'un salon, d'une animation, ou le temps de faire des photos, toutes situations dans lesquelles je me suis trouvé avec lui. Parmi tous les auteurs que j'ai rencontrés et sur lesquels j'ai écrit, notamment dans la presse, Charles Juliet est l'homme avec qui le courant n'est pas passé. Mais ce n'est la faute de personne, l'éternelle histoire des atomes crochus ou non. En tous cas, je ne regrette pas les moments, parfois comiques de mon point de vue, au cours desquels le hasard nous a mis en présence et dont, sans doute, il n'a pour sa part aucun souvenir. Simplement, je ne peux plus le lire de la même façon. Mieux vaut parfois en rester au texte, au texte seul.
En ce qui concerne "le ballon", il n'y a rien à dire. il s'agit juste de l'expression de mon allergie à toute forme de sport, en particulier des sports d'équipe, dégoût dans lequel il me plaît de me vautrer délicieusement en toute intolérance et mauvaise foi ! C'est très vilain de dire ça, mais comme c'est bon !
Pour en revenir à Charles Juliet, il en a écrit de merveilleusement grotesques sur le sport et côté poète du sport, je préfère l'invention verbale de Cantonna (rugbyman, me semble-t-il) !
* Hello Jean-Jacques. C'est vrai que le ballon n'est pas grand-chose, sauf si c'est un de rouge !
Écrit par : Christian Cottet-Emard | 22 novembre 2006
J'ai, comme tout le monde, "mes" poètes auprès desquels je me ressource souvent. Connaissez-vous Georges Bonnet ?
Ainsi va la vie
On se sert de mots un peu rouilllés
On taille ses paroles à coups de gestes
Les bruits affaiblis sont épuisés par le silence
Un vieux cerisier s'acharne à fleurir
Le soleil se love au pesant des paupières
On vieillit doucement comme se prolonge
dans l'automne un bruissement de feuilles mortes
Comme on boit un peu d'eau
dans le creux de sa main
Un ciel à hauteur d'homme, Georges bonnet, L'Escampette 2006
ou Miriam Van hee ?
lumière
une lumière d'une saison
crémeuse et blanche, est entrée
dans la pièce et glisse
lentement sur l'armoire
la théière russe, elle tombe
sur la photo d'une famille
un jour d'été, autour
de la table: gâteux, limonade
à gorgées lentes
ce qui console n'est pas la lumière
l'important c'est
qu'elle change,
disparaît et revient
d'où que vienne le chagrin
La cueillette des mûres, Miriam Van hee, Le Castor Astral 2006
Écrit par : Pascale | 22 novembre 2006
Pour ma part, je ne voulais que dire une simple impression en croisant la personne, car pour ce qui est de l'œuvre, j'ai surtout à l'esprit L'année de l'éveil, car je n'ai qu'effleuré sans y plonger d'autres textes qui ne m'ont pas tenu par la langue. Bref, je me serais tu que les vagues de l'océan n'en auraient pas moins continué de battre les digues…
Écrit par : J.-J. M. | 22 novembre 2006
Le poète joue, pardonnez, à l'eau, tôt. C'est pourquoi, si j'en lis un, ce sera plutôt Francis Ponge dont je ne me lasse pas (je pense en particulier ici à son poème sur l'eau, sur la pensée, donc), ou Jean Follain, si juste. Pour le ballon, rouge, oui.
Écrit par : J.-J. M. | 22 novembre 2006
Ponge, j'ai beau essayer, je n'y arrive pas... Follain par contre, oui, beaucoup. Pour le ballon, rouge, non.
Écrit par : Pascale | 22 novembre 2006
J'ai découvert l'existence de Georges Bonnet dans Télérama, il y a un an ou deux. J'ai tout de suite accroché en lisant des extraits. Je recherche un de ses recueils publié aux éditions de La Bartavelle.
Je vais me documenter sur Miriam Van Hee dont le poème cité ici me plaît beaucoup. Quant au titre du recueil, il me met en appétit.
Ponge m'a été révélé par des textes comme Le Lézard, La Gare, Plat de poissons frits (Pièces, Poésie/Gallimard). Depuis, j'y retourne sans cesse.
Follain, oui, de temps en temps, lorsque je tombe sur de vieilles éditions jaunies.
Bon, il est trop tard pour un ballon de rouge. On verra ça demain.
Écrit par : Christian Cottet-Emard | 22 novembre 2006
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