17 mars 2011
De l'engagement politique (notes éparses)
En 1975, si je me souviens bien, je traînais au lycée et j’assistais aux réunions du comité antinucléaire local. Ce qui me frappe encore aujourd’hui, c’est la précision et la qualité des informations techniques qui nous étaient communiquées lors de ces rencontres et de ces débats. Informations pessimistes dont la justesse s’est révélée non seulement avec la réalisation des scénarios catastrophes que nous avons connus en 1986 (Tchernobyl) et aujourd’hui (Fukushima) mais encore dès 1979 (Three Mile Island). Je ne parle ici que des accidents civils les plus médiatisés. Pour les autres, civils et militaires, il suffit de consulter les listes impressionnantes, faciles à trouver sur internet.
Après plusieurs séances, j’ai fini par déserter le comité antinucléaire, à partir du moment où celui-ci a commencé à être investi par des excités membres de divers groupuscules, des types connus pour peaufiner des listes noires avec personnes à abattre en priorité au moment du Grand Soir, des types qui nous encourageaient à profiter du service militaire pour y apprendre à manier des armes que nous pourrions retourner le moment venu contre ceux qui nous les avaient confiées. Bien que ce discours n’ait pas du tout séduit les candidats à la réforme que nous étions pratiquement tous, il eut surtout pour effet de mettre par terre tous les efforts des militants du comité antinucléaire.
Par la suite, la lutte antinucléaire connut divers aléas que je suivis de loin en lisant la presse. Il n’était pas difficile de comprendre que les choix nucléaires étaient faits depuis longtemps et qu’on pouvait toujours en débattre si cela nous amusait. Ces expériences peu propices à l’aspiration à un éventuel engagement politique (elles furent pour moi à l’origine d’une longue période d’abstentionnisme) me conduisirent à me concentrer sur un but plus accessible et plus personnel, à savoir mon refus du service militaire. Une fois ma réforme obtenue, j’entrai dans ce qu’on appelle bêtement la vie active et continuai d’autant plus à me désintéresser de la politique que j’étais aux premières loges, dans mon sot métier de journaliste localier, pour en voir certains navrants acteurs à l’œuvre.
Le plus drôle est qu’au cours de mes années de presse écrite, j’ai été approché par des élus de gauche comme de droite qui me faisaient comprendre que je pouvais être accueilli dans leurs rangs, non pas pour mes éventuelles qualités personnelles mais parce qu'un politique apprécie souvent d'avoir un journaleux à sa botte en lui faisant croire qu'il fait partie du cénacle. Mais j’étais bien trop accaparé par le démon littéraire pour vendre mon âme à ces pauvres diables de politicards. De plus, j’avais encore cette histoire de comité antinucléaire en travers de la gorge. Et puis, de toute façon, je ne suis pas politiquement fiable (on me croit à droite quand je parle sécurité et à gauche quand je réclame du social, toujours plus de social, et on ne sait plus où me ranger quand j’affirme que la plupart des industriels sont nos ennemis).
Aujourd’hui, il m’arrive parfois de voter, toujours contre quelqu’un, jamais pour. La comptabilisation du vote blanc me serait bien utile. Mais de toute façon, pendant ce temps, le nucléaire continue. Bientôt les EPR ! Les enseignes commerciales et les bureaux vides pourront continuer de briller la nuit. Que demande le peuple ?
Oui, que demande le peuple ? Rien peut-être. Où alors du courant à tout prix pour pouvoir oublier les ténèbres, s'étourdir comme les papillons de nuit autour des lampadaires. Le plus désolant aujourd'hui est que nous ne pouvons même plus être antinucléaire puisque les centrales sont là et qu'il faudra faire avec, même si par extraordinaire, elles devaient toutes fermer. Même à l'arrêt, le nucléaire est là et sera désormais toujours là. Quant au nucléaire militaire, il faut hélas bien reconnaître que l'effroi qu'il inspire nous a garanti jusqu'à maintenant, au moins en ce qui concerne les grandes puissances, une paix relative depuis la fin de la seconde guerre mondiale. L'équilibre de la terreur pour toute consolation...
Allons, finissons sur une note d'espoir. Stéphane Hessel vient de publier Engagez-vous ! Voilà qui nous donne décidément du baume au cœur !
02:28 Publié dans NOUVELLES DU FRONT | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : tchernobyl, three mile island, abstentionnisme, vote blanc, epr, nucléaire, comités antinucléaires, politique, engagement
Commentaires
Le temps et les catastrophes passant, je te suis reconnaissante d'avoir refusé que je participe à un "voyage scolaire"... dans une centrale nucléaire ! ^w^'
Écrit par : Clara | 17 mars 2011
"s'étourdir comme les papillons de nuit autour des lampadaires" cela résume tout !!! La nature animal de l'homme ne va pas en disparaissant. Il semblerait que "l'évolution" n'a servit qu'à une confirmation de la recherche de plaisir (consommation) ou (dans l'autre pôle de l'aimant instinctif) une recherche désastreuse d'absolu (religion ou pire, si pire est possible, politique) . De quoi jeter l'éponge effectivement mon bon Christian. Malgré tout il reste quelques niches, quelques humains, mais ceux là ne se présentent jamais aux élections et même ne se déterminent pas politiquement bien sûr, non par impuissance, mais par vraie humanité et par consciente humilité.
Écrit par : jacki marechal | 17 mars 2011
* Clara : je trouvais inacceptable que des enfants de l'école primaire soient ainsi mis au service de la promotion, disons même de la propagande pour le nucléaire.
Pour couronner le tout, trois semaines après la visite, la révélation par la presse de la détection sur le site de la centrale de « taches » de radioactivité avait suscité un notable embarras de l'enseignante ayant donné son accord pour ce voyage scolaire. Ces « taches » de radioactivité provenaient, d'après les explications fournies dans la presse, des zones de transport sur le site de la centrale.
J'avais pu en discuter avec l'enseignante plutôt penaude. Mais ce qui m'avait le plus irrité, c'était que personne d'autre, parmi les parents d'élèves, ne s'était opposé à cette initiative qui aurait pu être annulée grâce à un refus collectif. Dans ce type de situation, agir ensemble paie toujours. Il suffit d'être déterminé à exercer son esprit critique.
Bisous de ton vieil ours de papa.
* Jacki : désolé pour l'expo, je me remets seulement de ma bronchite vraiment cognée qui a connu son pic en plein dans le week-end concerné. Merci de m'avoir envoyé la visite virtuelle qui montre que l'initiative a été un beau succès.
Écrit par : Christian Cottet-Emard | 18 mars 2011
C'est moi qui te remercie pour les annonces parues sur ton blog !!! Je me suis bien douté que tu étais empêché par la maladie. Cette expo a été un vrai grand succès sur tous les plans, le plus flagrant étant que pour la première fois dans la région proche, j'ai eu l'impression d'être respecté. Je ne t'apprendrais pas qu'il est possible en effet ne pas forcement être convaincu par le résultat de la démarche d'un artiste, ce qui n'empêche pas de la respecter, c'est à dire de respecter son statut social. Cela fut le cas pour cette expo et c'est à mes yeux la chose la plus remarquable (sur le plan local car quand j'expose ailleurs, "curieusement", la question ne se pose pas).
Je suis en train de relire l'ensemble de tes "tu écris toujours?" sur le blog (après avoir lu le livre deux fois en avant et une fois en commençant par la fin, ce qui est intéressant d'ailleurs...) et je comprends bien la démarche de ton éditeur qui a synthétisé ce qui semble le plus narquois, mais il y a toute une part remarquablement lucide sur la condition artistique qui mériterait aussi une publication bien sûr. Inutile de te dire que je me régal, que je partage ton humour et aussi tes révoltes. Tu as eu du courage d'écrire tout ce qui pourrais te faire passer pour pisse vinaigre et pour ma part je partage et surtout comprends que ce n'est absolument pas de "l'aigreur" mais un constat lucide sur la réalité du terrain. Bravo et merci.
(*Il y a un Houellebecq qui se trouve entre le N°19 et le N°20)
Écrit par : jacki marechal | 18 mars 2011
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