02 septembre 2022
Carnet / Rencontres photographiques d'Arles 2022. Vers un nouvel art officiel.
De retour des Rencontres de la photographie d'Arles, la ville du vent dans les allées de platanes et du fleuve en habit de lumière. Toujours le même plaisir de retrouver la grande courbe du Rhône dont les quais soulignent la patine des quartiers anciens mêlant prestige architectural et quotidien des habitants, ce qui fait qu'une cité chargée d'histoire n'en reste pas moins vivante, y compris dans ce que l'évolution de la modernité, pas forcément au bon sens du terme, peut apporter comme désagréments. Par exemple, je ne peux m'empêcher de ressentir un certain malaise face à toutes ces immenses églises « désaffectées » (ce terme signifiant ici qu'à l'issue d'une procédure, elles perdent leur usage religieux et deviennent ainsi de simples bâtiments).
Abondamment utilisés comme lieux d'exposition dans le cadre des Rencontres de la photographie, ces édifices jadis voués au culte sont parfois plus intéressants à visiter que les expositions qu'elles abritent, surtout lorsque, comme pour cette édition 2022 des Rencontres, l'on a affaire à une année médiocre si je compare à ce que j'ai connu en 2018 et 2019. Je regrette de ne pas avoir pu fréquenter l’édition 2021, époque à laquelle les restrictions dues au Covid m'ont dissuadé de me déplacer. Je préfère le retrait dans ma campagne déserte à l'obligation de porter un masque dans une ville du sud en plein été.
Le grand méchant Occident
L'édition 2022 des Rencontres de la photographie d'Arles, comme d'autres grands rendez-vous culturels, illustre l'avènement d'un nouvel art officiel avec ses certitudes, ses messages lourdement assénés, ses thèmes obligés et ses leçons de morale. On y voit et on y analyse le monde et ses problèmes à l'aune de l'accusation permanente de l'Occident dénoncé sans nuance comme seul responsable de tous les maux de la planète. Cette pensée unique soi-disant progressiste que nous connaissons bien désormais n'échappe pas aux vieux démons de l'esprit totalitaire qui ne voit que ce qu'il veut voir (le patriarcat seulement en Occident, les atteintes à l'environnement exclusivement provoquées par les seules activités occidentales, les femmes maltraitées par le seul mâle blanc occidental et tout à l'avenant).
Lorsqu'on enchaîne les visites des nombreuses expositions et installations, on imagine sans difficulté les critères de choix appliqués aux photographes et vidéastes retenus. Il apparaît que même dans les rares créations moins politisées, les artistes ont sans doute dû se débrouiller pour laisser dans leurs textes de présentation au moins une trace, aussi succincte fût-elle, d'allégeance au discours tacitement imposé. Souvent pollués par l'écriture dite inclusive, les commentaires et textes de présentation perdent en lisibilité, ce qui m'a permis de faire l'économie du catalogue général dont je fais habituellement l'acquisition (je pratique le boycott de toute publication ainsi rédigée).
Fatigue créative
Malgré les travers que je viens d'évoquer, j'ai eu plaisir et intérêt à arpenter quelques expositions thématiques et documentaires, Lee Miller (mannequin, proche des surréalistes, photographe accréditée par l'armée américaine à la Libération), Un monde à guérir (photos témoignant de l'action de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge) et Chant du ciel (réflexion sur le thème du nuage incluant aussi ce fameux « cloud » où vont s'accumuler les traces les plus apparemment anodines de nos activités virtuelles sous formes de données qui finissent par nous échapper individuellement tout en prenant une valeur commerciale collective).
Cependant, c’est sur le plan de la photo et de la vidéo de création que s’illustre la faiblesse des Rencontres 2022. De nombreux aspects de ce segment attestent d’une fatigue voire d’un épuisement des démarches créatives individuelles par conséquent affectées par les habituelles dérives de l’art contemporain : facilité minimaliste masquant sa vacuité par la prolifération et donc l’inflation du commentaire, concepts relevant du gadget voire de l’imposture (ou carrément de ce que j’appelle la culture des poires) et délectation morose. Une des rares grandes expositions évitant certains de ces écueils (mais hélas pas celui du récurrent message anti-occidental) est L’avant-garde féministe où parviennent à s’équilibrer le documentaire et la création.
Déambulation
Les Rencontres de la photographies d’Arles, dans leurs différents et forcément inégaux millésimes, sont toujours l’occasion d’une agréable déambulation dans des lieux surprenants et parfois étranges (grands appartements désertés voire en ruine, terrasses sur les toits, hangars, églises désaffectées, ailes de musées, squares et jardins publics, parking intérieur du Monoprix local…) dont l’atmosphère apporte un supplément d’âme à ce qui est montré quel qu’en soit l’intérêt au sens très subjectif du terme. On peut même se restaurer dans certains lieux comme l’Espace Croisière.
À l'espace Croisière
Rien ne vaut pourtant un bon restaurant après une journée de visite à pied. Si cette visite s’est accompagnée d’un passage à la vaste librairie Actes Sud où l’on trouve l’intégralité de la fameuse collection Photo Poche éditée par cette maison, il ne reste plus qu’à s’installer juste à côté à une table en plein air de L’entrevue, tout près du quai du Rhône, un excellent restaurant de spécialités méditerranéennes (délicieux et copieux Tajines). Autre bonne adresse plus haut dans la ville : L’Escaladou (cuisine provençale maison).
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15:09 Publié dans carnet, Photo | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photo, rencontres de la photographie d'arles, rhône, camargue, art officiel, exposition, art contemporain, vidéo, arles, carnet, note, journal, christian cottet-emard, promenade, tourisme, blog littéraire de christian cottet-emard, restaurant l'entrevue, photo poche, actes sud, librairie, édition, restaurant l'escaladou, déambulation
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