04 janvier 2006
Mon meilleur voeu
Je trouvai un jour ce petit mot griffonné sur un bout de papier fixé à la porte :
“je suis au jardin.”
Ce message familier résonna aussitôt en moi comme une formule magique tenant à la fois du mot de passe et du billet d’absence.
“Je suis au jardin” contient toute la disponibilité qu’on puisse s’accorder à soi-même. J’aurais voulu pouvoir écrire sur le tableau du maître d’école :
“je suis au jardin.”
Et aujourd’hui encore, aujourd’hui plus que jamais, j’aimerais voir écrit en gros sur les murs de la ville, dans les langues les plus variées et les plus exotiques, à l’intention de tous ceux qui veulent transformer le monde en usine ou en caserne :
“nous sommes au jardin”, “nous appartenons au jardin et vous ne nous aurez jamais.”
- Le Grand variable (extrait), éditions Editinter -
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01 janvier 2006
Bazar des Hirondelles, la nuit
Rien d’autre que mon jeune âge ne m’attache au Bazar des Hirondelles si ce n’est le carillon chinois qui tinte à chaque mouvement de la porte d’entrée. Dois-je entre parenthèses préciser que je considère à priori toute porte d’entrée comme une porte de sortie ?
Je revois encore cette ville brumeuse de province dotée d’un vieux quartier aux pavés luisants. Rien n’y est vraiment typique. Un fleuve la traverse sans doute. Peut-être même deux.
En cette nuit de la Saint-Sylvestre, j’ai décidé d’aller assister à un opéra de poche. Sur le chemin, s’ouvre à moi le Bazar des Hirondelles où, la veille, j’ai acheté un orgue à bouche. Fier de ma trouvaille, je l’emporte avec moi au seuil du théâtre aux portes fermées. Il est trop tard et je ne peux pas rentrer. Je longe la rue aux pavés moites et je marche encore et encore, bien au chaud dans mon manteau.
En finirons-nous donc un jour avec ces villes sans âme où meurent les théâtres derrière les portes closes ? J’entre dans un bar-restaurant surchauffé où les seaux à champagne s’emplissent de langues de belles-mères.
Ah oui, c’est la nuit de la Saint-Sylvestre...
- Le Grand variable (extrait). Éditions Editinter -
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