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09 mai 2020

Document / Les débuts du centre culturel Aragon d'Oyonnax

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Photo M.C. Caredda

Merci à Gérard Humbert, premier directeur du centre culturel Louis Aragon d'Oyonnax qui a assuré la mise en place et la direction générale de fin 1982 à fin 1984 et qui a bien voulu me transmettre ce document sonore (reportage radiophonique). 

Ce reportage effectué par FR3 Rhône-Alpes en décembre 1983 après l'ouverture du centre culturel Aragon à Oyonnax est un enregistrement du direct de l'émission. On peut y écouter, entre autres interventions, les déclarations des artistes locaux du Haut-Bugey de cette époque.

La qualité d'enregistrement ne valorise pas les interprétations musicales des musiciens qui avaient fourni de bonnes prestations. Pour avoir été présent, je tiens à le préciser.

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Photo M.C. Caredda

 

30 avril 2020

Hommage / Christian Lux

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J’apprends ce soir avec beaucoup de tristesse et de stupeur la disparition subite de Christian Lux.

Je le connaissais fin lecteur, passionné d’art et de littérature et d’un inlassable intérêt pour autrui. J’ai eu le plaisir de le rencontrer à plusieurs reprises chez des amis, lors de vernissages et en préparant avec lui deux émissions de radio qu’il avait eu la gentillesse de consacrer à mes livres.

Le temps ne passe pas de la même manière pour chacun de nous. Christian Lux avait sans doute compris que la lenteur de mon temps en rapport avec mon mode de vie retiré m’avait fait perdre des occasions de le fréquenter plus souvent et de mieux le connaître.

Il reste donc ses livres, ses articles, ses textes publiés dans les catalogues et brochures des artistes dont il explorait les œuvres en connaisseur amical, les enregistrements de ses émissions de radio et les témoignages de ses amis proches parmi lesquels des écrivains, des poètes et des créateurs de tous horizons qu’il a toujours su accueillir et comprendre avec chaleur et bienveillance.

On qualifie parfois les artistes de voyants. Christian Lux avait quelque chose en plus, il était un écoutant.

 

29 avril 2020

Aventures d'une casquette magique

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Pourquoi me suis-je un jour mis en tête d’écrire des histoires et d’en faire ma principale activité ? Plusieurs réponses me viennent à l’esprit chaque fois que je m’interroge à ce sujet, signe que la raison principale de ce choix reste obscure.

Au milieu des années soixante du siècle dernier, ma mère m’emmenait chez le coiffeur et le bonhomme en était quitte pour un quart d’heure d’épopée, de récits haletants et baroques dont les épisodes avaient tous pour cadre le modeste appartement familial et la vieille demeure des grands-parents. Si l’homme aux ciseaux ne connaissait pas depuis des décennies les deux respectables familles, il aurait peut-être pu se laisser convaincre — non pas que mes parents étaient des agents secrets un peu sorciers sur les bords — mais que l’ambiance à la maison pouvait être perturbée, qu’on ne me laissait pas assez dormir ou qu’on me donnait trop de café. Ainsi ne trouvait-il rien de mieux à dire à ma mère d’un ton mi-admiratif mi-perplexe après m’avoir rendu à ma casquette à carreaux et pompon « mais où va-t-il chercher tout ça ? » , question des plus pertinentes puisque je continue moi-même à me la poser aujourd’hui, une petite cinquantaine d’années plus tard.

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La fameuse casquette, justement, (à carreaux et pompon) aurait pu fournir au coiffeur un élément de réponse s’il avait eu le temps, entre deux bols, de jeter en direction de la rue un œil à travers la vitre opaque de son salon aux fauteuils chromés garnis de moleskine rouge, ce jour où il aurait pu voir un coup de vent soulever le ridicule couvre-chef de ma brosse toute fraîche pour l’envoyer se poser dans la vespasienne aujourd’hui disparue et qui, je le note au passage, manque beaucoup en cette époque funeste où un petit pipi vous coûte vingt centimes d’une monnaie forte. Au rendez-vous suivant, il aurait en effet logé la source d’inspiration de l’incroyable histoire de casquette magique qui s’envole toute seule de la tête d’un enfant qui ne l’aime pas et qui, un peu aidée par le zéphyr tout de même, retombe dans une pissotière où le destin la soustrait à l’infamie en la faisant atterrir sur la tête d’un occupant de l’édicule, un clochard qui avait justement perdu la sienne et qui en avait bien besoin d’une nouvelle, certes pas tout à fait à sa taille.

« Mais où va-t-il chercher tout ça, cet enfant ? » Pas très loin, pourvu qu’il ait un bon public. J’en trouvai un au cours préparatoire, certes limité à une personne mais de qualité puisqu’il s’agissait du maître d’école, pas méchant mais de sinistre aspect avec son air ténébreux et sa haute silhouette ascétique surmontée d’une veste sombre posée sur les épaules comme une pèlerine d’où pouvaient promptement s’envoler à destination de nos joues roses deux paumes aussi larges que des assiettes. Je les entends encore claquer sur ma figure le jour où, pour moi et quelques autres, elles se firent l’instrument du châtiment que nous attirâmes sur nous après avoir passé une semaine à pousser des hurlements sauvages dans la nef particulièrement sonore de l’église Saint Léger d'Oyonnax, juste pour le plaisir de réveiller un écho que le curé n’apprécia pas.

Cette mémorable mornifle ne me dissuada point de raconter à ce maître redouté, devant l’auditoire ébahi de mes camarades et avec un luxe de détails des plus réalistes, un voyage à New York qui n’était pas tout à fait imaginaire puisque ma jeune marraine s’y était transportée en avion en compagnie des membres de sa chorale do, mi, sol, do. Sans vouloir me vanter, j’avais si bien puisé dans ses multiples anecdotes pour étoffer mon récit que le maître, hélas, n’eut de cesse d’en connaître d’autres détails lorsqu’il rencontra mes parents.

L’homme au tableau noir et au regard de la même couleur ne m’infligea aucune sanction et s’abstint de tout commentaire, à ma grande surprise car je m’attendais plutôt à un envol fulgurant suivi d’un raid de représailles de ses grosses paluches contre mes joues déjà bien rougissantes. J’étais encore trop jeune pour savoir qu’on pardonne beaucoup à ceux qui savent raconter de belles histoires et que ce don peut propulser tout individu pas forcément bien intentionné dans les hautes sphères de l’économie et de la politique (de nos jours sœurs jumelles) mais je crois me souvenir de l’étrange sensation qui m’étreignit ce jour-là : je venais de découvrir la puissance de la narration.

Photos : modèle de casquette à pompon qui atterrissait assez souvent sur la tête des enfants des années soixante.

Le vieux salon de coiffure et ses fauteuils moleskine.

Extrait de TU ÉCRIS TOUJOURS ? © éditions Le Pont du Change, 2010.