23 juin 2020
Quelques images sauvées du temps où ma famille vivait du peigne et de l'ornement de coiffure
Sur ce lien, un petit montage sur l'entreprise familiale de peignes et d'ornements de coiffure réalisé par Marie.
* Note concernant les papiers à en-tête reproduits ici : le nom de l'entreprise familiale était composé d'une partie du nom d'état civil tronqué (Cottet au lieu de Cottet Emard) et, selon sa volonté, du nom de jeune fille de mon arrière-grand-mère Clotilde (Bondet).
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11 juin 2020
Carnet / Dans le seul but de bien rêver
Photo © Ch. Cottet-Emard
Moi qui suis accroché pour le meilleur et pour le pire à ces vallons et à ces forêts où j’habite aux confins de l’Ain et du Jura, je me demande toujours, piètre voyageur, touriste des plus ordinaires, ce qui me rend si familier de mes villes étrangères préférées parmi lesquelles, évidemment, Lisbonne où je me rendis pour la première fois en octobre 2013.
Cette photo date de cette époque. Sept ans déjà, et le souvenir intact, comme neuf, de cet instant privilégié, de ce moment à poème où un changement d’angle et de perspective transformait en quelques pas ma vision de ce coin de place.
Dans le carnet de voyage et de lecture que j’ai récemment publié dans le cinquième numéro de la belle revue Instinct nomade (éditions germes de barbarie) intitulé Les sept vies de Fernando Pessoa (Lisbonne est bâtie sur sept collines, comme Rome) je me demande si la capitale portugaise est une ville borgésienne. Malgré toutes ses bibliothèques, je ne le crois pas.
Cette question m’est pourtant venue à l’esprit au moment de prendre la photo, peut-être à cause de quelques couleurs aux nuances sombres malgré la lumière qui se joue des courbes et des plis de la ville et qui entre partout. Rien de suffisant pour penser à Borges et Buenos Aires.
Chaque regard invente sa propre géographie dans le seul but de bien rêver.
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18 mai 2020
Carnet / Qui a peur de l’autobiographie ? (2)
Porto, juin 2015
La défiance vis-à-vis de la littérature autobiographique se nourrit de préjugés politiques et psychologiques. J’évoquerai les premiers dans le billet d’aujourd’hui et les seconds dans une autre publication dans quelques jours.
Cette défiance s’inscrit dans ce que j’appelle les nouveaux conformismes qui ne sont que la répétition à l’opposé des anciens selon des successions de cycles plus ou moins longs facilement comparables à des effets de mode. De la mode, ces usages de prêt à penser ont la futilité. Sans en dresser un inventaire fastidieux à travers les siècles, on peut se contenter d’observer la période révélatrice comprise entre l’avant et l’après mai 68.
Le genre littéraire autobiographique a toujours existé, seul diffère le regard porté sur lui au gré des différents contextes historiques et sociaux.
Avant la grande libération de parole qui a caractérisé mai 68, s’exprimer à titre individuel, donner son opinion, raconter sa vie, se raconter, relevait de prérogatives voire de privilèges consentis à une élite intellectuelle et artistique vaguement considérée comme excentrique. Pour le commun des mortels, la norme et les usages dictaient la discrétion et la mesure dans l’expression de soi, ce qui conduisait l’individu à se brider lui-même pour éviter de se détacher du groupe. Dans la société encore très corsetée de l’époque, cette exigence était considérée comme une forme élémentaire de civilité voire de politesse.
Le pli était donné dès la socialisation des enfants, en famille, notamment dans les milieux bourgeois, puis sur les bancs de l’école. Il suffit de regarder les photos de classe de ces années pour mesurer le poids de conformisme qui s’abattait sur les visages de la plupart des écoliers. Ce n’était certes pas grand-chose en comparaison des décennies précédentes où les sourires étaient presque toujours absents de ces photographies scolaires, l’atmosphère s’étant déjà un peu détendue au début des années soixante.
J’étais à l’école primaire privée Sainte Jeanne d’Arc d’Oyonnax au milieu de ces années et je me souviens que nous avions parfois le droit d’évoquer rapidement une expérience personnelle lors des leçons de morale qui tenaient lieu d’instruction civique. En dehors de ces brèves parenthèses, on était prié de garder pour soi toute idée, réflexion, humeur ou émotion ne relevant pas de la sphère collective. Il en allait évidemment de même dans le monde des adultes.
Le grand soir vite remisé au magasin des accessoires, mai 68 ouvrit tout de même une fenêtre dans la valorisation de l’expression personnelle. Dans l’enseignement comme dans les entreprises, l’individu était encouragé à donner son point de vue, ce qui n’était plus vécu par la hiérarchie comme une impolitesse ou une inconvenance mais comme une volonté positive de s’impliquer avec plus d’enthousiasme et de spontanéité dans l’action collective.
C’est à ce moment qu’apparut en littérature ou tout au moins dans l’édition la vogue du témoignage ouvrant à nouveau la voie sur les différentes formes d’écriture autobiographique qui donnèrent encore plus tard des sous-genres tels que l’autofiction. Cette dernière contribua très vite à déconsidérer de nouveau l’autobiographie renvoyée une fois de plus à son insignifiance supposée.
Du point de vue politique, la frustration provoquée par l’échec du grand soir convergea en une radicalisation des courants idéologiques révolutionnaires ou simplement réformistes, lesquels ayant d’abord cru pouvoir tirer parti d’une libération du discours populaire spontané, finirent par renvoyer cette parole individuelle à l’inutile et méprisable expression du narcissisme petit-bourgeois désigné comme une entrave à la contestation et à la lutte contre l’ordre établi qui venait de se reconstituer en se contentant de lâcher un peu de lest.
En littérature, l’écriture de soi faisait désormais plus que jamais l’unanimité contre elle en étant aussi bien rejetée par l’ordre bourgeois que par le dogme révolutionnaire. La boucle était bouclée et cette vision fait aujourd’hui consensus.
On n'admet d’un auteur qu’il choisisse de puiser dans sa vie le matériau de ses livres qu’à la condition que son vécu individuel s’inscrive dans le courant du grand récit collectif ou dans la défense et l’illustration des valeurs en vogue, de préférence politiquement correctes ou correspondant aux standards de la posture rebelle qui remplace de nos jours la véritable action subversive.
Cette pression morale qui fait peser tant de suspicion sur l’autobiographie est tout à fait dans l’air du temps. Elle a même produit un conditionnement psychologique dont je décrirai certains aspects dans quelques jours, en suite des deux premières parties de cette série.
(À suivre)
Première partie à lire ici.
02:39 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : carnet, note, journal, autobiographie, écriture autobiographique, récit, blog littéraire de christian cottet-emard, culture occidentale, individualité, individu unique et irremplaçable, fiction, narration, écriture, occident, autofiction, narcissisme, égocentrisme, nombrilisme, complaisance, ego, wolf, mémoires fictifs, jim harrison, littérature américaine, christian cottet-emard, politique, psychologie, préjugés, mai 68, grand soir, libération de la parole, discours, révolution, contestation, ordre établi, bourgeoisie, dogme révolutionnaire, école, enseignement, oyonnax, ain, rhône alpes auvergne, haut bugey, france, europe, école jeanne d'arc oyonnax, école privée, leçons de morale, instruction civique