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11 novembre 2022

Carnet / Du 11 novembre

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Les commémorations sont nécessaires mais il faut hélas bien reconnaître qu'elles tournent de plus en plus en kermesses alors qu'elles devraient être des jours de deuil pour nous rappeler et surtout rappeler aux jeunes générations que les guerres, même celles qu'on dit « justes » sont de terribles escroqueries pour les peuples.

Un jour ou l'autre, après le massacre, les gouvernants négocient (parce qu'il n'y a tout simplement pas moyen de faire autrement) et ils boivent du champagne entre eux pendant que les simples soldats et les familles ont tout perdu.

Lors des commémorations, l'accent est hélas surtout mis sur l'héroïsme, ce qui contribue à légitimer la guerre et, d'une certaine manière, à trahir la mémoire des pauvres gens qui ont été embarqués dans cette lugubre absurdité et qui n'avaient ni désir ni vocation à devenir des héros malgré eux.

Cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas de comportements héroïques, notamment dans la solidarité et le secours mutuel de citoyens arrachés à leur famille et à leurs pays natal et jetés dans le chaos, mais il importe cependant de bien faire la différence entre ce type d'héroïsme et celui des têtes brûlées qui ne deviennent des héros (s'ils en réchappent) que par de rares coups de chance. La valorisation de cet héroïsme-là relève de la propagande belliciste et de l'imagerie militaire, non de la mémoire.

Sur ce point, on le voit encore aujourd'hui dans l'actualité, rien n'a changé dans la manière qu'ont les autorités gouvernementales de tous pays et de tous bords de considérer et pire encore de promouvoir la guerre quand cela sert leurs intérêts purement matériels.

Se trouver embarquer dans une guerre, c'est être là au mauvais endroit au mauvais moment, lorsque, comme disait René Char à ce sujet, la vie d'un homme peut être bue comme un verre d'eau.

 

Autres réflexions sur le 11 novembre : ici et

 

11 novembre 2021

Carnet / 11 novembre

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Détails de tombes de jeunes soldats de la première guerre mondiale dans un cimetière de village (photos Christian Cottet-Emard)

Au lieu des bannières tricolores pavoisant les villes, ce sont des drapeaux noirs qu’on devrait déployer, pour que plus personne ne puisse oublier que dans cette immense escroquerie de la guerre, les vies de millions d’hommes ont été fauchées par les munitions fabriquées par leurs proches, leurs épouses, leurs collègues non mobilisés, leurs anciens chefs trop vieux pour partir à l’abattoir mais à la manœuvre dans les usines. Pendant que les chanteurs de variétoche à deux balles de l’époque voire les compositeurs officiels « contribuent à l’effort de guerre » par des chansons et des musiques de propagande, les affaires continuent. Pour les patrons d’industrie lourde, elles ne sont même jamais si florissantes. Voilà pourquoi vous mourrez, pauvres gars envoyés au front à coup de bottes de gendarmes dans le derrière. Même le vieil Anatole France l’a écrit : « On croit mourir pour la Patrie, on meurt pour des industriels. » carnet,note,journal,matin,petit matin,cafetière,croissant,pain,boulangerie,prairie-journal,écriture de soi,autobiographie,journal intime,11 novembre,morale,france musique,christian cottet-emard,radio,littérature,radio,viry,jura,franche comté,oyonnax,ain,rhône-alpes,france,europe,commémoration,centenaire 14-18,sdf,ordre établi,nouveau conformisme,engagement,vie privée,paix,sécurité,paix sociale,occident,individu,notion d'individu,anatole france,js bach,café,petit déjeuner

Aujourd’hui encore, après avoir connu l’après soixante-huit où les commémorations tricolores énervaient presque tout le monde, je suis déçu et inquiet du retour de ces effets de manche patriotiques, de cette façon de parler de la guerre au moyen de vieux clichés qu’on croyait définitivement ringardisés. Bien sûr, les journalistes sont trop souvent les premiers à resservir cette soupe en osant encore parler de « morts au champ d’honneur » mais les politiques ne sont pas en reste...

 

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Renseignements, commandes et demandes de services de presse : éditions Orage-Lagune-Express

Pour les personnes de ma région, ce livre est aussi disponible à la médiathèque municipale d'Oyonnax (Ain), au centre culturel Aragon.

01 mars 2016

Carnet / De l’individu et de la collectivité

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Un décalage de plus avec mon époque : je suis friand de littérature autobiographique. La vie et les états d’âme d’une personne m’intéressent beaucoup plus que son travail et son éventuel engagement dans la société. Même si l’autobiographie comporte de la complaisance, des accommodements avec la réalité, j’estime que la manière dont quelqu’un raconte sa vie renseigne sur sa personnalité unique et son regard particulier sur le monde. Comment cette personne considère-t-elle son environnement ? Quelle attitude adopte-t-elle dans la vie ? Comment s’organise-t-elle dans le chaos de l’existence, comment arrive-t-elle à trouver de l’agrément, de l’intérêt à la vie ? Comment se débrouille-t-elle dans l’organisation de la vie matérielle ? Quelles relations parvient-elle à nouer ? Quels sont ses rêves, ses espoirs, ses renoncements ? Comment tout cela peut-il être comparé à ma propre vie et quel enseignement puis-je en tirer ? Comment quelqu’un devient-il lui-même ?

Cette dernière question revêt pour moi une importance cruciale car c’est à mon avis le sens premier de notre passage terrestre s’il y en a un, non pas ce que nous pouvons faire mais ce que nous pouvons être : probablement des ombres furtives mais certaines d’entre elles pouvant être plus contrastées que d’autres.

Animé par ces préoccupations récurrentes, je me suis procuré les Carnets d’Henry James dont Folio classique vient de sortir une édition. J’ai choisi de commencer ma lecture de ce fort volume par les carnets II et VII qui relèvent plus de l’autobiographie que les autres dans lesquels Henry James ouvre plutôt une fenêtre sur son « atelier d’écrivain » .

Ravage de la mobilité géographique professionnelle contrainte : de plus en plus d’individus et de couples se retrouvent isolés dans la région où ils ont trouvé un emploi le plus souvent précaire, ce qui les obligera à bouger de nouveau sans avoir eu le temps de créer des liens amicaux durables. Résultat : des personnes en difficulté au moindre mauvais coup du sort, notamment un ennui de santé. Pas de famille proche pour apporter de l’aide, une aide souvent élémentaire qui consiste simplement à apporter soutien moral, matériel et réconfort à l’occasion d’une hospitalisation. Si la famille est à des centaines de kilomètres, détruite ou inexistante, c’est l’angoisse de la solitude malgré le travail des assistants sociaux.

Cette réflexion me vient après un rapide échange ces derniers jours avec une personne dans ce cas. Je suis particulièrement sensible à cette problématique de la mobilité géographique professionnelle non choisie et de l’absence de famille parce que j’ai moi-même la double chance de choisir de rester chez moi et d’avoir une famille unie et aidante. La famille, lorsqu’elle fonctionne normalement, est le dernier rempart, l’ultime refuge lorsque la société devient hostile. Je peux même personnellement témoigner que la famille peut être un vrai contre-pouvoir même si les soixante-huitards la considéraient comme le lieu central de l’oppression et de l’ordre établi.

Or, on constate aujourd’hui que cette détestation de la famille caractéristique de la pensée contestataire de 1968 trouve un prolongement et un écho inattendus dans l’esprit des forces les plus réactionnaires de la société, notamment le patronat qui a tout intérêt à disposer d’un réservoir de plus en plus grand d’individus isolés et coupés de leur racines, bien plus vulnérables et corvéables que des personnes bien ancrées dans un environnement social et humain solidaire et structuré.

Finalement, le célèbre « famille je vous hais » des révolutionnaires d’antan peut aujourd’hui être repris en choeur avec profit par les représentants les plus conservateurs du nouvel ordre établi qui avance, comble de l’ironie, sous les masques de la modernité et de la réforme (suivez mon regard du côté d’El Khomri, Macron et consorts).

Jusqu’à une époque encore toute récente, la famille était le ciment de la société alors qu’aujourd’hui, la société semble de plus en plus trouver son intérêt à la détruire. Cette aberration nous prouve qu’en certaines circonstances, non contente de ne plus protéger ses membres, la société peut tout à fait les mettre en danger.

L’illustration la plus radicale d’un tel phénomène a été fournie par la première guerre mondiale durant laquelle le premier ennemi des soldats n’était pas les soldats du camp adverse mais leur propre pays, ainsi qu’on a pu le constater lors des épisodes les plus absurdes et terrifiants de ce conflit qui a fait dire au brave Anatole France : « on croit mourir pour la patrie et on meurt pour les industriels » . En ces temps où l’on commémore Verdun, gardons bien à l’esprit cette clairvoyance.