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11 novembre 2022

Carnet / Du 11 novembre

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Les commémorations sont nécessaires mais il faut hélas bien reconnaître qu'elles tournent de plus en plus en kermesses alors qu'elles devraient être des jours de deuil pour nous rappeler et surtout rappeler aux jeunes générations que les guerres, même celles qu'on dit « justes » sont de terribles escroqueries pour les peuples.

Un jour ou l'autre, après le massacre, les gouvernants négocient (parce qu'il n'y a tout simplement pas moyen de faire autrement) et ils boivent du champagne entre eux pendant que les simples soldats et les familles ont tout perdu.

Lors des commémorations, l'accent est hélas surtout mis sur l'héroïsme, ce qui contribue à légitimer la guerre et, d'une certaine manière, à trahir la mémoire des pauvres gens qui ont été embarqués dans cette lugubre absurdité et qui n'avaient ni désir ni vocation à devenir des héros malgré eux.

Cela ne signifie pas qu'il n'y ait pas de comportements héroïques, notamment dans la solidarité et le secours mutuel de citoyens arrachés à leur famille et à leurs pays natal et jetés dans le chaos, mais il importe cependant de bien faire la différence entre ce type d'héroïsme et celui des têtes brûlées qui ne deviennent des héros (s'ils en réchappent) que par de rares coups de chance. La valorisation de cet héroïsme-là relève de la propagande belliciste et de l'imagerie militaire, non de la mémoire.

Sur ce point, on le voit encore aujourd'hui dans l'actualité, rien n'a changé dans la manière qu'ont les autorités gouvernementales de tous pays et de tous bords de considérer et pire encore de promouvoir la guerre quand cela sert leurs intérêts purement matériels.

Se trouver embarquer dans une guerre, c'est être là au mauvais endroit au mauvais moment, lorsque, comme disait René Char à ce sujet, la vie d'un homme peut être bue comme un verre d'eau.

 

Autres réflexions sur le 11 novembre : ici et

 

02 novembre 2022

Aujourd'hui, Jour des Défunts.

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De la dernière demeure

Bien que je n’en fasse pas une obsession, je suis attaché à la Toussaint, au Jour des Défunts et aux sépultures où sont inscrits dans la pierre les noms et les dates des disparus.

Si je respecte la volonté de qui souhaite la crémation, je suis quant à moi rétif à cette pratique funéraire étrangère à ma culture occidentale. Je ne souhaiterais pas plus que ma dépouille soit déposée dans un cercueil en carton ou emmaillotée en position fœtale dans un cocon destiné aux plantations qu’un employé des Pompes funèbres reconverti en pépiniériste irait disposer dans quelque forêt du souvenir.

Je n’en imposerai pas pour autant à mes proches des dernières volontés qui leur causeraient des problèmes matériels et ils pourront agir à leur guise au cas où je n’aurais pas été en capacité de prévoir de mon vivant les obsèques de mon choix.

Tous mes défunts reposent dans des tombes classiques et des caveaux de famille et j’espère qu’il en sera ainsi pour moi avec mon nom et mes dates ainsi qu'au préalable, la Croix sur mon cercueil. À l’ancien cimetière d’Oyonnax, les familles Cottet-Emard-Bondet ont deux caveaux avec monuments situés côte à côte, l’un de style années trente, l’autre beaucoup plus ancien encore marqué par l’esthétique funéraire du dix-neuvième siècle. Comparées à d’autres, ces sépultures sont relativement sobres d’aspect mais de toute façon, en matière d’art funéraire, rien de ce qui peut être aujourd’hui perçu comme théâtral ne me choque, pas même ces monuments munis d’une porte d’entrée et entourés d’une grille avec un portail où ne manque que le panneau Propriété privée ! Une telle sépulture me conviendrait très bien et je serais ravi que des amoureux puissent venir s’y bécoter en toute tranquillité !

J’aime l’idée que les défunts aient leurs parcs arborés où se déploient leurs boulevards, leurs allées, leurs rues, leurs maisons, leurs monuments, leurs colonnes, leurs coupoles, leurs chapelles, en un mot leurs demeures humbles ou prestigieuses avec des limites de propriétés bien tracées. À cet égard, je me situe radicalement à contre-courant de l’esprit funéraire d’aujourd’hui, ce qui m’exposera, je n’en doute pas, si je suis incapable de tout financer et de tout organiser moi-même, à finir en cendres au mieux dans une cavurne (horrible mot !) ou propulsé dans quelque fantaisie écolo-New Age quand ce ne sera pas en carbone vitrifié serti dans une bague qui se retrouvera un jour ou l’autre au fond d’un tiroir ou au marché aux puces.

J’avais dix-neuf ans quand mon arrière- grand-mère née en 1882 est décédée à quatre-vingt seize ans. Très présente dans mon enfance et mon adolescence, c’est à elle que je dois le sentiment d’une profonde proximité culturelle avec le dix-neuvième siècle. À bien des égards, je me sens comme un homme du dix-neuvième siècle, notamment dans mon rapport à la mort et aux rites funéraires. Même si mes obsèques et ma sépulture ont peu de chances de ressembler à celles d’un homme de cette époque, ce que je regrette, je ne me sentirai jamais en phase avec ce qui est aujourd’hui dans l’air du temps en ce domaine. C’est ici malgré moi ce qui parle en tant qu’homme occidental ancré dans l’esprit du dix-neuvième siècle, oscillant en permanence entre une spiritualité assez rustique, un matérialisme certain et un profond individualisme, ce qui explique ma conception classique du rituel funéraire occidental tel que je le conçois, en opposition totale avec ce qui est aujourd’hui préconisé.

Une raison plus profonde préside cependant à mon positionnement qui peut évidemment paraître réactionnaire, affecté ou tout simplement folklorique. En ce qui me concerne, je ne crois qu’à une chose en ce monde : l’individu unique et irremplaçable, ce que la science corrobore au moins dans l’état actuel des connaissances. Or, si nous y réfléchissons un peu, nous ne sommes dans la vie pas souvent reconnus comme des individus. Que ce soit dans le travail ou dans la vie sociale, notre individualité est le plus souvent niée. Notre organisation sociale nous conditionne dès l’enfance à l’engagement collectif, à privilégier le fonctionnement du groupe, s’il le faut au détriment de l’épanouissement individuel. Il est toujours assez mal vu de dire je. En littérature, l’autobiographie n’a jamais été aussi décriée qu’aujourd’hui. On m’a plusieurs fois reproché d’employer la première personne dans certains de mes articles publiés dans la presse littéraire. Dans la sphère privée, à part le cercle le plus proche de notre famille et de nos amis, nous ne sommes guère plus considérés dans notre individualité. Quant aux relations amoureuses, qui n’a pas eu au moins une fois dans sa vie l’occasion de mesurer à quel point une rupture sentimentale fait directement passer du statut d’individu unique et irremplaçable au statut de moins que rien ?

Chacun doit s’accommoder à sa manière de cette souffrance à voir son individualité non reconnue voire carrément niée et c’est là que j’en reviens au rite funéraire occidental et à son expression dans la pierre ou le marbre d’une tombe, d’un caveau ou d’un monument surmontés d’un nom et de deux dates, comme un pied de nez certes dérisoire à la fin d’un être unique et irremplaçable qui passa le temps d’un clignement de paupière dans l’immensité absurde de la création et le hasard de l’éternité.

 

Photo Christian Cottet-Emard

 

20 janvier 2022

Carnet / Au bord du monde

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Dimanche dans la nuit, dehors au seuil de la maison, au moment d’allumer le dernier cigare de la journée (ou le premier puisqu’il était deux heures et demie), j’entends des crissements légers et saccadés sur les nappes de neige gelée. Je distingue à peine une silhouette si rapide et apparemment si légère que j’ai à peine le temps de la voir traverser en trois bonds d’au moins cinquante centimètres de haut à quelques mètres de moi avant de disparaître dans la haie. Dans le silence nocturne de la campagne, un froissement, une ombre, et l’esprit a vite fait de gamberger en un réflexe d’alerte assez naturel. Finalement, je rentre au chaud et le cigare rejoint l’humidor.
 
Je suis habitué à voir des yeux briller dans les buissons (parfois ceux de ma Linette ou d’autres félins en patrouille), il m’arrive aussi d’entendre grogner des sangliers, à quelques pas derrière le petit bosquet où j’aime parfois de manière puérile marquer mon territoire, ce qui me fait assez vite remballer le matériel car ces animaux n’ont pas forcément envie d’être dérangés et s’ils le sont, ils peuvent en concevoir une certaine nervosité. Pour en revenir à mon visiteur furtif et bondissant, je pense à un gros lièvre. Le lendemain matin, l’inspection des traces sur la neige le confirme. Les empreintes du lièvre sont parmi les plus faciles à identifier, même pour un amateur comme moi.
 
Mardi, j’ai réussi à fumer mon cigare de la nuit en toute quiétude car le clair de lune sur les plaques de neige révélait les moindres détails du ciel, des arbres, des bosquets et des buissons jusqu’aux lisières de la forêt au loin des prairies d’une blancheur phosphorescente. Aucune chance pour une créature de la nuit, à part un fantôme, de se soustraire à ma vue immédiate. Et que pourrais-je craindre d’un fantôme s’il errait en ces lieux dont mes chers défunts ont fait un petit paradis pour moi si précieux en cette époque où les villes deviennent des pièges du fait d’un roitelet blafard et de sa domesticité scélérate ?
 
De retour dans mon bureau baigné par la clarté de la lune, je vois l’éclairage automatique se déclencher dehors et la chatte Linette qui dresse les oreilles alors qu’elle dormait sur le canapé. Sans allumer, j’approche discrètement de la fenêtre. Le renard flaire du côté de la chatière et baguenaude bien tranquille le long de la haie, nullement inquiet de se retrouver sous les feux de la rampe. Bien que je sois si proche de lui derrière cette fenêtre au bord de son monde, pour lui, je n’existe pas, du moins tant qu’une vitre nous sépare et qu’il ne me sent pas. Je vais bientôt publier le deuxième tome de mes carnets (après Prairie Journal) et je pense l’intituler La vie au bord. J’avais donné le même titre à un de mes recueils de poèmes repris dans mes Poèmes du bois de chauffage mais ce n’est pas grave car qui peut s’en souvenir ?

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Photos : vu de chez moi, le même paysage à différents moments (avec mon petit appareil Lumix)