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04 novembre 2010

Paul Collomb (Oyonnax 8 octobre 1921 - Paris 6 octobre 2010)

collomb1.gifEn hommage au peintre Paul Collomb avec qui je m'étais entretenu à l'occasion de la parution de plusieurs articles lorsque j'étais journaliste, je remets en ligne ce texte que j'avais écrit pour présenter une de ses nombreuses expositions. J'avais aussi rédigé pour le web un petit dossier (à consulter ici) sur cet artiste.

Valeurs du caché : réponses d'harmonie

collomb.gifEntrer pour la première fois dans l'univers de Paul Collomb, c'est d'abord traverser un jardin. Après cette première étape, l'heure viendra de la confrontation avec d'autres régions plus arides, plus inquiétantes, notamment avec le thème tardif des épaves.

Mais revenons au jardin. Fruits et fleurs y débordent de leur coupe de lumière. Des personnages graves, retirés en eux-mêmes, s'y côtoient, absorbés dans des occupations familières que leurs regards baissés ou sombres, au milieu de la splendeur estivale, hissent au rang de rituels.

Le peintre cherche-t-il à mettre en scène un contraste, à construire une allégorie de la précarité humaine au cœur de la pérennité végétale ? Peut-être, mais Paul Collomb va beaucoup plus loin.

Sa peinture n'est pas de ces petites philosophies portatives figées dans l'attente du commentaire qui les portera vers le regard des autres. Sous ses pinceaux, naissent la forme, la couleur, le motif. Tout le reste est littérature et la peinture de Paul Collomb commence justement là où toute littérature devient vaine, voire impossible.

« L'œuvre commence à vivre au moment où elle demande la participation de l'amateur. C'est à lui de découvrir les valeurs du caché qui sont les réponses d'harmonie » écrit le peintre.

C'est cette volonté d'ouverture de la part d'un artiste contemporain qui confère la dimension intemporelle des grands à l'œuvre de Paul Collomb.

Vignette : L'homme dans l'arbre de Paul Collomb.

27 mai 2010

Franck Poupel : journée découverte

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Avec la participation de Sylvette (modèle) et de Yareck Adamus (violoniste)
Ici, le site de Franck Poupel

30 mai 2009

À quel moment le papillon nous joua-t-il son meilleur tour ?


Extrait de mon roman Le Grand variable. Éditions Editinter. (Épuisé).

Dessin de Gaëlle Barbe © Gaëlle Barbe 2009.


Il y avait du vent mais l’air était doux, le temps clair et la mer frisée. Pour tout dire, un de ces jours qui semblent embrasser plusieurs saisons en même temps.gaelle_barbe.jpg
Sur place, une foule d’inconnus qui se tenaient à bonne distance olfactive du papillon et, un peu à l’écart de tout ce monde, Marius et l’enseigne de vaisseau Mhorn, beaucoup plus près mais sur une petite dune qui, pour des raisons liées à la géographie des lieux, ne prend jamais de front le vent marin, de sorte qu’aucune bouffée entêtante émanant du papillon ne pouvait les atteindre.
Dans la foule, une tension croissante provoquait des ondulations presque semblables à celles qui parcourent les champs l’été lorsque la brise tourne en vent.
C’est que le papillon n’offrait plus le même spectacle gracieux auquel chacun s’était habitué dans une sorte de bienveillante résignation. Un épais liquide opalin suintait de dessous son corps immense et formait autour de lui de petites flaques si visqueuses que le sable, pourtant très fin, ne parvenait pas à les absorber. Le plus frappant était de constater que ces écoulements d’aspect très répugnant exhalaient une odeur des plus délicieuses aux notes purement florales de pivoine et d’oeillet. Parfois, des clapotis accompagnaient la lente expulsion d’une quantité plus importante de liquide et le papillon se mettait alors à battre péniblement des ailes comme sous l’emprise d’un effort intense.
Chacun suivait la scène avec intérêt et dégoût sans plus savoir s’il fallait se boucher le nez à l’aide d’un mouchoir ou, au contraire, respirer à pleins poumons les effluves.
Pendant ce temps, la marée montait et chaque nouvelle vague traçait sur le sable déjà lissé la plus éphémère des frontières entre le monde de la poussière et celui de l’écume. C’est alors qu’une vague un peu plus forte que les autres vint se briser dans un grand fracas de coquillages broyés et de petits cailloux polis de toutes les couleurs. Cela tira jusqu’au sable sec une langue d’écume qui humecta l’une des flaques poisseuses sécrétées par le corps du papillon. Aussitôt, le contact entre l’eau de mer et la boue parfumée produisit une effervescence d’où s’échappa en bruissant une nuée de papillons d’un bleu profond, tous de la taille d’un papier de bonbon. Une autre flaque s’évapora ainsi en un désordre d’éclairs bleutés, puis une autre et encore une autre jusqu’à ce que l’eau ait cerné le papillon géant qui semblait maintenant jeter ses dernières forces dans un lent battement de ses ailes vastes comme des voiles. Ces mouvements qui n’étaient peut-être qu’une tentative d’envol soulevèrent un vent de sable dont le souffle irritant se mêla aux myriades de petites ailes abandonnées à l’essor le plus frénétique.
La foule se dispersa. Les gens rentraient chez eux car c’était l’heure du match à la télévision.
Un match de football ou de rugby, je ne sais pas. De toute façon, pour moi, c’est du pareil au même.
Peu après, le papillon s’arrêta de battre des ailes et l’on entendit, du côté du couchant, comme un soupir de mer, et, du côté de la dune, le friselis des grains de sable sur les carex.
Après quelques mètres sur la plage, je secouai mes espadrilles sur les caillebotis qui aident à franchir la grande dune. Au sommet, je me retournai pour tenter d’apercevoir Mhorn ou Marius dans les parages. Personne. J’empruntai donc seul sous de lourds nuages le chemin goudronné qui dessert les maisons les plus isolées, les premières avant les bars et restaurants des nuits d’été. Il me revint alors en mémoire que l’enseigne de vaisseau Mhorn devait dîner en ville. Quant à Marius, il était sans doute déjà au lit. Je décidai de l’imiter et j’accélérai le pas pour fuir au plus vite l’affreux murmure de la retransmission du match qui sortait de toutes les fenêtres et de toutes les terrasses et qui enflait parfois en une odieuse rumeur au terme d’une de ces actions d’éclat qu’on appelle but ou essai.
Une fois de plus, avant de m’endormir, je bénis les deux grands pins qui, à travers les lamelles ébréchées des persiennes, frissonnent dans les ombres de ma chambre lorsque la brise les visite. Leur respiration couvrait en effet les clameurs du match télévisé dont les exclamations assourdies auraient pu me parvenir encore.
Je me souviens que cette nuit-là, j’ai rêvé que j’habitais une cabane dans les roseaux. Le souffle du vent parmi leur amicale multitude me jouait une pièce pour orgue de Jehan Alain : “postlude pour l’Office de Complies”.
C’est curieux mais c’est ainsi.