10 septembre 2010
Annie Ernaux. Les Années
Peu concerné par la rentrée littéraire et sa petite foire d’empoigne, je lis en ce moment en édition de poche (Folio) Les Années d’Annie Ernaux, chronique de l’après-guerre à nos jours où apparaît en filigrane le chemin parcouru par l’auteur de La Place, son livre le plus connu (Prix Renaudot).
J’étais rédacteur dans le quotidien local lorsque la tournée de promotion de La Place conduisit Annie Ernaux à Oyonnax dans les années 80. Peu férus de littérature, mes anciens chefs m’abandonnaient volontiers les entretiens, rencontres, signatures et conférences de presse avec les écrivains qui échouaient on ne sait trop comment dans cette bourgade.
Je me préparais donc à l’habituelle séance de photos après avoir lu La Place qui ne m’avait guère enthousiasmé avec cette « écriture plate » dont on nous rebat périodiquement les oreilles. De fait, j’avais trouvé ce livre bien plat.
Dans le même temps, nous avions renforcé l’équipe de pigistes, disons plutôt de correspondants locaux, pour cause de concurrence avec une autre feuille. Les correspondants locaux ne sont pas à la noce dans les quotidiens. C’est à eux qu’on refile les assemblées générales où l’on déblatère pendant des heures pour décider du tarif d’affranchissement des convocations pour l’an prochain.
Parmi les nouveaux correspondants, une jeune femme déclara qu’elle s’intéressait aux livres. Dans un bel élan de générosité qui n’était en réalité que l’expression de mon faible intérêt pour La Place et son auteur, je confiai donc à la nouvelle pigiste le soin de couvrir la rencontre avec Annie Ernaux. Sur ce, je partis quelques jours en congé.
À mon retour, je trouvai sur mon bureau une lettre furibarde signée par quelques enseignants d’Oyonnax. La nouvelle pigiste avait bâclé son article, et tout ce beau monde croyait que j’en étais l’auteur, ce qui me désola d’autant plus qu’elle avait émaillé sa prose peu flatteuse de quelques jolies fautes d’orthographe ! Je me consolai en pensant que des personnes prenant la peine d’envoyer une pétition pour défendre un livre et un écrivain ne pouvaient pas être tout à fait mauvaises.
Quant à Annie Ernaux, si j’en juge par ce deuxième livre que je lis, elle écrit toujours aussi « plat » , même si je remonte sans déplaisir le cours de ses Années qui sont aussi, à un peu plus d’une décennie près, les miennes.
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06 mars 2010
Les mondes de Murakami et de Paasilinna
Même s'il est capable, lui ou sa traductrice, de laisser traîner dans ses livres des phrases comme celles-ci : « Hormis les grondements d'un train qui passait de temps à autre sur les rails non loin de là, l'environnement était très calme. » puis, quelques pages plus loin, à la fin de la même nouvelle : « Les trains roulaient sur les rails » (comme si les trains pouvaient rouler sur autre chose que des rails), j'apprécie Murakami de qui j'ai lu à la suite le roman Les Amants du spoutnik et deux gros recueils de nouvelles, L'éléphant s'évapore et Saules aveugles, femme endormie. D'habitude, je me méfie des grands pondeurs, des machines à écrire, des auteurs en pilote automatique. Le succès les expose à un danger, celui de n'être pas relus par leurs éditeurs trop contents de puiser à la source régulière de copie.
On peut lire aussi dans cette catégorie l'incroyablement ponctuel Arto Paasilinna, auteur du merveilleux Lièvre de Vatanen et du truculent Fils du dieu de l'orage, qui fait la joie de son éditeur en rappliquant paraît-il chaque année ou presque à la même période avec un nouveau roman. J'ai du mal à continuer le troisième que je lis du finlandais, Le Cantique de l'apocalypse joyeuse, caractéristique d'une écriture en pilote automatique, mais c'est ainsi, malgré ces petits travers, je suis accroché. Sans doute parce que ces deux romanciers savent inventer leurs mondes pour mieux nous parler du nôtre.
* À propos de Murakami, lire aussi chez Alain Bagnoud, cette note sur Kafka sur le rivage.
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