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03 octobre 2006

Tu écris toujours ? (42)

Lorsque je veux avoir des nouvelles de moi-même ou plutôt de la destinée de mes publications au-delà de ma ville culturellement enclavée, je me téléporte d’un clic sur internet où je peux m’informer de ce qui s’écrit et se publie à propos de mes modestes travaux littéraires. Je n’ai pas d’autre solution car, je ne sais pas comment je me débrouille, je suis toujours le dernier informé. L’actualité (“ennemi le mieux masqué du poète” selon René Char) n’a jamais été mon fort, même quand j’étais journaliste !
Mais tous les journalistes, heureusement, ne détestent pas comme moi l’actualité et font bravement leur métier en allant chercher, creuser, explorer, enquêter, découvrir, si possible au-delà du ballet savamment orchestré des apparences, des leurres et de l’intox. De ces journalistes consciencieux, il en existe encore, par exemple sur Wanadoo Maroc où j’appris un jour avec intérêt, dans un billet intitulé Voyage dans la blogosphère littéraire, que j’étais “un écrivain anonyme” ! J’avais déjà entendu parler des alcooliques anonymes mais des écrivains anonymes, pas encore (et pour cause !).
Encore un plumitif vexé, allez-vous dire. Eh bien pas du tout. Au contraire, je vais vous démontrer pourquoi un écrivain a tout intérêt à rester discret à défaut de pouvoir s’offrir l’anonymat. La célébrité, dont le seul avantage consiste à vous faire tinter un peu de monnaie aux oreilles, me semble effrayante. Je m’explique.
J’ai actuellement la chance d’avoir des amis écrivains qui me font souvent des compliments après m’avoir lu. Ils paraissent sincères et leur avis revêt pour moi une certaine importance. Mais si par extraordinaire un de mes livres me faisait accéder à une subite célébrité, ces mêmes amis ne risqueraient-ils pas d’apposer un bémol dans le concert de leurs louanges ? Et leurs critiques ne se multiplieraient-elles pas à chaque nouvel opus produit dans le sillage du succès d’origine ? Alors, mon style s’alourdirait, ma thématique se ferait répétitive, quant à ma technique narrative, elle glisserait vers les inévitables facilités et paresses liées au succès.
“Christian ? Oh, ce n’est plus ce que c’était. Il a gagné en carbure ce qu’il a perdu en poésie. Son dernier n’est pas mal... Quoique... Peut-être un peu bâclé. Il y aurait du fond de tiroir là-dedans que ça ne m’étonnerait pas. Croyez-moi, il a baissé. Rien à voir avec “avant”. Au début, oui, quand il ne vendait rien, alors là, c’était quelque chose ! Mais maintenant... Ah, c’est sûr, je préférais ses premiers bouquins !”
Les voilà, les effets de la célébrité ! Tout cela jetterait un froid. Après avoir agacé les amis, le succès et la célébrité s’attaqueraient aux vacances. Alors que j’aurais désormais les moyens de la Costa Smeralda en été et de Crans-Montana en hiver, je serais obligé, pour avoir la paix, d’aller ne pas me faire voir dans la Creuse ou pire, si mes livres m’apportaient la vraie fortune, d’acquérir des morceaux entiers de Patagonie et de devoir dévaliser M Bricolage pour clôturer tout ça. Vous voyez le tableau ? Pour sûr, tiens, ce serait du chouette !
(À suivre)