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07 juin 2005

Houellebecq

L’idée d’ouvrir une publication des Inrockuptibles ne me serait jamais venue, en raison même du nom de ce magazine, si ma quotidienne fréquentation du blog de Jean-Jacques Nuel ne m’avait fait découvrir l’existence du hors série consacré à Michel Houellebecq.
Après un cafard noir provoqué par la lecture, dès sa parution chez Maurice Nadeau, d’Extension du domaine de la lutte, j’avais adopté l’attitude inverse de celle qui est habituellement la mienne (la fuite) lorsque je rencontre quelqu’un ou quelque chose qui me rebute : je m’étais précipité, par la suite, vers les autres livres, romans et recueils de poèmes, de cet “horrible travailleur” qui pointe si brutalement les impasses esthétiques, morales, philosophiques, économiques, sociales et politiques dans lesquelles s’engluent nos sociétés industrielles.
Si Michel Houellebecq est passionnant à défaut d’être agréable à lire, c’est parce qu’il est un des très rares poètes et romanciers à oser fouiller dans le merdier pour voir s’il reste encore quelque chose, tout au fond. Houellebecq est un néon qui éclaire comme elle le mérite, crûment, la réalité de l’entreprise et de ses sous-mondes de consolation (assommoirs feutrés, clubs de loisirs et de vacances) où vient finir de se dissoudre le peu d’identité qui reste à ses appointés. Et comme cette réalité qui contamine tout nous concerne presque tous à quelque degré que ce soit, ne nous étonnons pas d’être si nombreux à lire cet écrivain et reconnaissons que son archétype de citoyen de zone urbaine issu de la classe moyenne vit aujourd’hui dans une “étendue de laideur”, pour reprendre une expression de Milan Kundera dans son roman La Lenteur, taraudé par une misère affective et sexuelle souvent proportionnelle à sa soif de voyages si peu exotiques et obsédé par une mobilité qui trahit son illusion pathétique de se croire encore vivant parce que saisi de bougeotte.
Je crois qu’on peut tracer une ligne droite entre Hermann Hesse et Michel Houellebecq. Le premier, en précurseur des utopies que défigurèrent les hippies en haillons bariolés (les mêmes qu’on retrouva plus tard, une fois leur crise finie, aux commandes d’agences de pub ou de voyage, bradant les “musiques” de leurs jeunesse dans la communication des multinationales) a ouvert une parenthèse que le second referme aujourd’hui dans la douleur, à l’heure des mécomptes et des rêves décomposés en cauchemars annonciateurs de barbaries d’autant plus terrifiantes qu’elle se nourrissent d’une banalité et d’une vulgarité aujourd’hui érigées en modèles (en standards comme on dit) hédonistes.
Ressembler aux misérables hères mondialisés houellebecquiens auprès desquels les clodos de Beckett apparaissent comme d’aimables et pittoresques figures locales, quel cauchemar en effet, qui peut peut-être susciter un espoir de résistance à l'aliénation chaque fois que l'on referme, salutairement sonné, un livre de Michel Houellebecq...

Commentaires

Amen !

Écrit par : jen | 07 juin 2005

Houellebecq aussi mais je crois que, dans la description d'une plongée dans les ténèbres, Dantec va plus loin ou plutôt, plus profond. Ce lien vers un vieil article vous donnera peut-être, qui sait, envie de lire Villa Vortex :
http://stalker.hautetfort.com/archive/2004/09/30/pour_saluer_maurice_g_dantec_l.html
Bonne continuation.

Écrit par : Stalker | 08 juin 2005

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