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20 août 2005

Tu écris toujours ? (23)

Dans les années 80 du siècle dernier, je me retrouvais chaque vendredi soir coiffé d’un casque aux commandes d’un dispositif que je jugeai la première fois aussi engageant qu’un tableau de bord de Concorde. Il ne s’agissait heureusement pas pour moi de prendre des leçons de pilotage mais tout de même de planer un peu en envoyant sur les ondes radiophoniques d’une station associative nommée TSF (Tous Sur la Fréquence) un aperçu de mes goûts littéraires.
Lancé par le début du premier mouvement du troisième concerto pour piano de Serge Prokofiev (générique que je laissais parfois courir immodérément en raison de ma passion pour cette musique et de mes difficultés à retrouver le plan de l’émission que j’avais griffonné à la hâte sur un pense-bête laissé bien en vue à la maison et que je retrouvais bien à sa place en rentrant), le programme était des plus simples : lecture de poésie sur fond de musique, chronique de la petite édition et bévues techniques en tous genres.
Une des gaffes les plus classiques consistait en l’oubli de la fermeture des micros pendant la diffusion d’une plage enregistrée, ce qui pouvait parfois donner à l’auditeur l’occasion inespérée d’écouter des poèmes de René Guy Cadou ou de Philippe Soupault brusquement émaillés de messages sibyllins lorsque nous étions plusieurs dans le studio : “qu’est-ce que tu fais ce soir ? Allez, je te paie l’apéro. Ah non, ce soir je vais au cinoche. Bon, tant pis, ce sera pour une autre fois. Ben oui”. Un soir, les malicieux micros laissèrent une percussion intempestive s’inviter dans le concerto pour orgue de Francis Poulenc : une joyeuse rafale de bouchons de liège qui ne laissait aucun doute sur l’ambiance décontractée dont bruissait, c’est le cas de le dire, le studio.
Heureusement, mon rendez-vous radiophonique hebdomadaire avec les auditeurs amateurs de littérature et de poésie ne sombrait que rarement dans de tels excès et j’ai conservé les enregistrements de quelques émissions plutôt réussies malgré, de temps à autres, quelques erreurs de diction. L’une d’elles me valut une agréable surprise, conscient que j’étais du nombre forcément restreint de postes branchés sur ma fréquence dans une bourgade dont les centres d’intérêt d’une forte partie de la population se résument au bricolage, à l’entretien de la voiture et au ballon. (J’exagère, mais c’est plus fort que moi).
Ah oui, la surprise : peu après ma lecture de quelques élégies de Jean Grosjean (Poésie / Gallimard), le téléphone sonna dans le studio et j’entendis une voix jeune me faire remarquer que j’avais escamoté un bref passage dans la première élégie, ce qui était parfaitement exact car j’avais été troublé par la manipulation hasardeuse d’une platine de disque pendant que je lisais. Je complimentai mon interlocuteur sur la qualité de son écoute et lui demandai qui il était. Il se contenta de me répondre qu’il enseignait au lycée mais qu’il n’habitait pas cette ville et qu’il ne pensait pas rester dans la région. Ce qui me laissa songeur, c’est que les programmes de mon émission n’étant pas annoncés en détail, cet auditeur connaissait suffisamment le texte de Jean Grosjean pour pouvoir y détecter à l’improviste mon erreur de diction. C’est cette vieille anecdote que je me remémore parfois pour me donner du courage lorsque mon obstination à rédiger une note de lecture concernant un recueil de poème, à publier de la poésie ou à “écrire toujours” me semble aujourd’hui par trop déraisonnable.

PS : cette note m’a été inspirée par la sollicitude de mon ami l’écrivain Roland Fuentès qui anime depuis le début de l’été dans l’Ain une émission de radio sur RCF 01 (fréquence depuis Oyonnax : 88. 1) diffusée le samedi à 11h03 et retransmise le dimanche à 10h45 dans laquelle il présente des auteurs publiés dans sa revue “Salmigondis”. Il me consacre une émission la semaine prochaine, samedi 27 et dimanche 28. Merci Roland. Sache que je ne t’en voudrai pas si tu as oublié de fermer les micros pendant que tu débouchais une bonne bouteille (ou même plusieurs) lors de l’enregistrement.
(À suivre)

Commentaires

Dommage que je n'arrive pas à capter RCF01 depuis Lyon. J'espère que Roland garde des enregistrements et qu'il me les fera écouter un jour !

Écrit par : Nuel | 21 août 2005

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