06 décembre 2006
La maison perdue
"Et toujours, en nos rêveries, la maison est un grand berceau"
- Gaston Bachelard - (La poétique de l'espace)
Ce matin le diable se tourne les pouces sur ta descente de lit
Car c’est bien connu le diable s’ennuie
Tu vas chercher le pain il t’accompagne il t’a déjà fait le coup
Et te voilà sur le boulevard où tous les vieux érables sont revenus exactement à leur place avec leurs racines qui soulèvent le bitume comme avant
Il a pensé à tout le diable jusqu’aux petits trous dans le goudron encore tiède du trottoir marqué pour des décennies des pas alertes d’une jeune femme en talons aiguilles
Il a tout imité jusqu’au moindre détail car c’est connu le diable est dans les détails
Ah ça il a bien bossé car on le sait le diable est travailleur à l’inverse de Dieu qui est un poète hermétique et contemplatif
Il a même remis le nid des mésanges dans la boîte aux lettres et la mésange en cet instant précis attend que tu sois rentré dans ta maison d’enfance pour continuer de nourrir ses petits
Elle t’observe depuis cette branche d’érable mais tu te doutes bien que cette mésange chante faux qu’elle n’est pas la vraie
Pas plus que ce vieil érable revenu ici comme par enchantement devant le portail en fer forgé orné de ce motif où tu voyais jadis un visage de magicien
Entre entre donc articule la bouche du magicien pourquoi n’entres-tu pas dans le jardin cueillir des roses de Noël ?
Et le portail s’entrouvre tout seul en grinçant comme tu l’as toujours entendu grincer et tes jambes se dérobent et tu chancelles
Mais tu n’entres pas car tu sais bien que même si tu retrouvais les roses de Noël quelqu’un surgirait et te demanderait qui êtes-vous et que faites-vous ici ?
(Le poète mène une vie quotidienne (extrait). Copyright : Orage-Lagune-Express, 2006).
Vignette : roses de Noël du jardin (hellébore noir).
19:20 Publié dans Estime-toi heureux | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : Poésie, maison, hellébore, Bachelard, Orage-Lagune-Express
Commentaires
Oui, quelqu'un. Un ?
Écrit par : J.-J. M. | 10 décembre 2006
Je pensais au premier texte du recueil de Borges, "Le Livre de sable", intitulé "L'autre".
Écrit par : J.-J. M. | 11 décembre 2006
Texte relu ce matin après avoir découvert ce message.
C'est cela l'agrément du blog.
Bonne journée.
Écrit par : Christian Cottet-Emard | 11 décembre 2006
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