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09 février 2007

Ressources humaines

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Tu as une amie qui déplace les meubles toute seule une autre qui s’achète des vêtements certains font des provisions de boîtes de thon au naturel ou de sardines en huile

Pour tenir l’angoisse à distance tu essayes une autre idée tu vas à l’hypermarché

L’étalage de la marchandise rassure les promeneurs du samedi dans les hypermarchés pourquoi pas toi ?

Dans les rayons s’affairent le petit personnel en uniforme et les commerciaux en méchants petits costumes fibres 100% bouteille plastique recyclé

Ils ont chacun leur curriculum vitae qui conte leur passion pour le matériel de bricolage ou pour la charcuterie ou pour la lessive liquide ils veulent y consacrer leur jeunesse car ils aiment les défis c’est ce qui est marqué sur leur curriculum vitae

Et c’est ce que certains d’entre eux finissent par croire à force de l’avoir recopié copié-collé-photocopié ceux-là ils y croient ils en veulent dynamiques et motivés pour le matériel de bricolage la charcuterie ou la lessive liquide ils sont repérés par la hiérarchie pour encadrer celles et ceux qui n’y croient pas qui n’en veulent pas mais qui sont obligés de faire comme si

Et voilà qu’à leur vue ton angoisse enfle comme une vague scélérate

Car rien ne vaut un hypermarché aux heures d’affluence pour ruminer sur la fin du monde

Et se dire que tout y passera un jour dans ce chariot tous les poissons des océans et tous les océans avec

Tous les arbres de toutes les forêts et toutes les forêts avec

Toute la planète y passera dans ce chariot

Et tu te dis un quart d’heure après le regard appuyé du vigile posté à la sortie sans achats que tu aurais mieux fait de ne pas changer ton habitude d’aller vérifier

Que l’immense forêt est toujours là que la rivière prend son temps comme si de rien n’était que ceux qui disent que le monde est petit et qu’il est un village mentent

Que cette clairière où tu te relèves maintenant car on y accède qu’en rampant d’une sapinière à l’autre est la seule idée qui vaille pour distancer l’angoisse qui s’est essoufflée à te suivre jusqu’ici où tu la tueras

Car même s’ils trouvent moyen d’y remettre des ours ou des loups cette forêt ne sera jamais aussi inquiétante qu’un hypermarché aux heures d’affluence

Elle sera même le cimetière paisible de ton angoisse cette forêt avec sa clairière secrète et sa rivière comme si de rien n’était


(Copyright : Orage-Lagune-Express, 2007)
Photo : forêt jurassienne

Commentaires

Je viens de découvrir, je ne sais jamais comment argumenter, utiliser les bons termes quand une chose me plaît, cette chose me touche, me plaît donc.

Écrit par : punKer- | 09 février 2007

Très sensible, très justement écrit et décrit, il y a vraiment du talent dans ce texte...

Écrit par : marechal | 10 février 2007

Les commentaires sont fermés.