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28 juin 2014

Wilhelmine : C’est pas une heure pour quitter une femme

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C’est pas une heure pour quitter une femme, de Wilhelmine, éditions de l’Onde, 100 p.15 €.

Le sentiment amoureux, sa brève plénitude, ses désordres, ses affres, son chaos, les poètes d’aujourd’hui usent souvent des artifices d’une feinte modernité (ironie amère, cynisme affiché, focalisation sur la mécanique des corps, cryptage du vécu personnel) pour continuer de le décliner sans se faire prendre en flagrant délit de lyrisme.

Or, qu’est-ce qui nous fait (au moins intérieurement) chanter tout en exerçant sur nous un chantage permanent ? Quelle est la clef du chant ? Rien d’autre que cet amour-là, quels que soient ses habits de lumière ou ses haillons. Tout le reste n’est que compensation, consolation ou au mieux littérature. Wilhelmine sait tout cela.

Son recueil de poème, c’est du vécu, le plus universellement partagé. Aussi ne s’embarrasse-t-elle pas, dans cet exercice délicat et périlleux qu’est la poésie amoureuse, des codes désormais en vigueur dans l’expression du sentiment, de ce nouveau conformisme qui rend de nos jours la révélation de l’affect plus dérangeante que celle du désir. Le risque est bien sûr élevé de trébucher sur quelques facilités voire quelques clichés, ce recueil n’en est pas exempt.

Cependant, en y réfléchissant bien et en se remémorant les poèmes d’amour célèbres, on se rend compte que leurs auteurs (es), au moment de l’urgence de s’exprimer sans détours lorsqu’ils sont sous l’emprise de cette intranquillité fondamentale, ne se soucient plus guère de littérature et, de ce fait, en produisent une d’autant plus forte. L’intimidant et parfois hermétique René Char nous donne alors sa Sorgue, limpide chanson pour Yvonne, et nous découvrons non sans surprise que le cérébral José Luis Borges a écrit assez de poèmes d’amour pour qu’en soit récemment publiée une anthologie.

Wilhelmine se garde bien de se placer dans le sillage de ces géants : « L’écriture est mon refuge, mon havre de clarté, mais aussi mon indispensable, ultime lien avec les humains, mon appel aux sensibilités en résonance » précise-t-elle en toute simplicité en ajoutant à propos de la composition de son recueil  : « L’ensemble est voulu non pas comme une suite aléatoire ou quelconque de poèmes sans lien, mais construit presque comme un récit dont le fil conducteur se révèle seulement  après coup plutôt que d’apparaître à la lecture immédiate.»

Ce récit, on peut le lire comme on regarde une vague dont on sait qu’elle est, à l’instar de l’expérience humaine, toujours la même et toujours une autre.

Christian Cottet-Emard

Commentaires

Cher Monsieur Cottet-Emard,

Alors qu’habituellement mon écriture est plutôt élaborée, la teneur, le style quasi naïfs de mes poèmes m’ont étonnée, moi la première. Je me suis interrogée. Allais-je faire entendre ou non ce chant ? Allais j’oser rendre publiques ces états si intimes… ? Cependant, dans leur banalité ils constituent néanmoins en grande partie les fondements de l’âme humaine et touchent à son essence même. Vous l’avez bien compris en qualifiant de « fondamentale » son « intranquillité ».

Il m’a fallu du temps et du travail pour arriver à bout de ce cheminement ardu en aval de ma décision : publier, avec aussi peu de retenue, des textes d’une facilité apparente, ouvrir les portes sur une âme de femme ne serait pas un acte anodin. Je savais à quoi j’allais m’exposer dans cette société où les requins ont le vent en poupe, où la norme est aux dents acérées, où Homo homine lupus est toujours autant d’actualité. La sincérité, la transparence, rendent vulnérable… Je savais quels risques j’encourais.

Et pourtant, et pourtant… À ma grande satisfaction, mon audace a été récompensée, mon recueil accueilli comme s’il répondait à un besoin profond, inavoué, longtemps refoulée, comme s’il arrivait à point pour abreuver une soif inassouvie, comme si le lecteur attendait un soulagement…
Étonnamment, c’est le lectorat masculin, qui se montre le plus touché, ému…
Considérant avec affolement le clivage croissant des sexes, j’en suis ravie, rassurée, émerveillée… Je n’osais pas en espérer tant, mais c’était certainement là une de mes attentes sous-jacentes.

On crée rarement à dessein ; en soi l’acte créatif répond d’abord à une pulsion, un besoin de l’auteur. Toutefois, il est gratifiant de s’apercevoir qu’on touche les cœurs et qu’ainsi on provoque cette bienfaisante catharsis par les émotions, qui est le propre de l’art, une de ses fonctions premières. Et on se surprend à se dire, qu’on n’a pas fait tout cela pour rien, que le but est atteint.

J’en suis d’autant plus agréablement surprise que, oui, je nage à contre-courant de ces codes en vogue, froids, stériles, réducteurs, déshumanisants, que vous avez si bien épinglés : « ce nouveau conformisme qui rend de nos jours la révélation de l’affect plus dérangeante que celle du désir. ». J’étais, je suis, pleinement consciente de ce décalage. Je l’assume, je le revendique même. Car il n’y a que cette formidable énergie, que les humains appellent amour (sous toutes ses formes), et l’espoir, pour stimuler tout être à faire perdurer la vie, et pour ce qui est de notre espèce, contre toute raison, malgré la folie humaine. L’amour est également l’ultime solution, le seul remède à cette folie et l’état amoureux est le plus sûr chemin vers cet amour. Aussi, est-ce un bonheur de vous lire : « Or, qu’est-ce qui nous fait (au moins intérieurement) chanter… Quelle est la clef du chant ? Rien d’autre que cet amour-là…» Vous l’avez compris, vous aussi, Christian ! Et quelle belle façon de décrire ses hauts et ses bas : « ses habits de lumière ou ses haillons. »

Lorsqu’on se donne complètement, lorsqu’on s’abandonne, ce que l’amour, le vrai, exige, sans quoi il ne s’agit pas d’amour, mais de comédie, d’ersatz, de simagrées, de faux-semblants ou, comme vous le pointez avec justesse et synthèse, d’« artifices d’une feinte modernité » et, poursuivant avec mansuétude, de « compensation, consolation ou au mieux littérature. », on fait fi des barrières et autres corsets pédagogique ou sociaux-culturels pour redevenir, le temps de la communion, innocent, comme cet enfant qui sommeille en chacun de nous et aspire à s’épanouir dans un jardin d’Éden… Émerge alors une candeur, une sincérité si limpide, qu’elle pourrait paraître simple, voire simpliste, facile. De là à faire un amalgame, il n’y a qu’un pas…

Facilités ? - En apparence seulement, car germées dans la souffrance, nées de la spontanéité, ces résurgences d’authenticité ont été canalisées, non moins réfléchies après-coup, travaillées, délibérément gardées au cours du travail d’élagage, où chaque mot a été pesé, au contraire du cliché. Facilités, oui peut-être, mais si tant est, alors en tout cas voulues, quant à moi, comme simplicité au sens de raffinement, luxe ultime.

Clichés, le mot est tombé. Il est indéniable que mes poèmes sont nourris, ô combien, par les thèmes et symboliques qui ont baigné mon existence, dessiné, déterminé mes mondes, tant matériels que spirituels, qui ont nourri mon imaginaire, mes phantasmes, et ce depuis ma plus tendre enfance. Il serait bien trop long d’en faire l’inventaire. Qu’ils soient conjugués au mode de l’humour, fondus dans l’ensemble, intimement liés au décor, justifiés à la lumière du contexte et du rythme, détournés ou non, difficile, en effet, vous l’avez pointé, d’y échapper lorsqu’on traite un thème vieux comme le monde, sur lequel tout a été dit ou presque. Et puis, qu’est-ce un « cliché » ? Tant de mots ont coulé sur le thème de l’amour qu’à la longue tout peut être considéré comme « cliché »… Or, dans mon recueil, il y a lieu de considérer les images comme issues de ces symboliques peuplant le conscient collectif qui véhicule toute la gamme des chimères et aspirations humaines. Ainsi, et même teintées par la culture de l’exprimant, ces images sont universellement compréhensibles, à l’opposé de la « grande littérature littéraire », qui elle, au gré des modes et de l’air du temps et comme vous le laissez entendre a contrario, peut s’avérer emphatique, pesante et complexe, accessible seulement à une frange restreinte de lecteurs initiés et passionnés.

Non, je n’ai rien contre l’emploi de clichés, tentatives de rapprochement, petits ponts jetés en direction de l’autre, clins d’œil complices avec le lecteur. En les faisant perdurer, je rends hommage aussi à ceux qui les ont saisis, ré-employés, avec bonheur, bien avant moi. Et ça me plaît. Après tout, ne sommes-nous pas, tous, plus ou moins construits sur des clichés ? Le cliché, ne fait-il pas partie intégrante de notre conception des choses ?

Vous gratifiez mon recueil de cette belle métaphore qu’est la vague. Fille du Nord, je ne me lasserai jamais de contempler ni les envoûtants reflets, les ombres et les lumières, qu’Éole peint sans fin, tantôt avec fougue et fureur, tantôt avec une infinie douceur, sur les mers perpétuellement en mouvement, ni le jeu fluide et nacré du vent ondulant dans les blés ou dans les prés en herbes, lorsqu’ils vibrent de tendres verts ployant sous son souffle souple… (Laissez-moi vous chuchoter aussi que la consonance poétique du nom de la maison d’édition a influencé mon choix. :-)) Merci de savoir prendre au second degré la Littérature avec un grand L. Merci d’avoir compris que l’originalité et l’impact d’une œuvre peuvent se situer au-delà des modes et critères littéraires conventionnels (bien que fluctuants), voire galvaudés, parfois désuets, dépassés, souvent inadaptés aux contraintes du lecteur contemporain. Merci d’avoir compris la force de l’authenticité. Merci d’avoir compris que c’est à l’essentiel que je vais, qu’en toute chose c’est le fond qui m’importe, la forme n’étant qu’à son service, car quand la forme découle du fond, il y a harmonie et alors tout devient évidence, tout coule, tout roule, roucoule… :-) Merci pour ces hommages et indulgentes parallèles et références, pour cette franche critique, que vous m’avez écrite. Puisse-t-elle faire des vagues, elle aussi ! C’est mon souhait, et pour vous et votre blog, et pour moi et mon livre.

Bien à vous.
Wilhelmine

Écrit par : Wilhelmine | 11 juillet 2014

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