Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

16 octobre 2021

Carnet / De la figure du chef (notes)

carnet,note,journal,christian cottet-emard,autorité,chef,pouvoir,oyonnax,ain,rhône alpes,haut bugey,blog littéraire de christian cottet-emard,lectures,jeunesse,anarchisme,lumières,despotisme éclairé,monarque,max stirner,l'unique et sa propriété,individualisme,anarchisme individualiste,figures locales oyonnax,frédéric ii de prusse,catherine ii de russie,voltaire,orchestre d'harmonie,lyre industrielle oyonnax,violonisteBien sûr, l’idéal ce serait : pas de chef ! C’est ce que je pensais au lycée lorsque j’ouvrais les livres des théoriciens de l’anarchisme. J’ai consacré beaucoup de temps à ces lectures mais plus que des convictions politiques (j’avais déjà à cette époque une tournure d’esprit individualiste et conservatrice, ce qui n’est pas rare chez les adolescents), j’en ai surtout retenu leur art du concept et de l’énonciation. À défaut de m’apprendre à penser, ils ont contribué, même lus en traduction, à m’apprendre à écrire. 
Les grands penseurs anarchistes sont des orfèvres de la langue écrite et ils y sont obligés pour décrire une société qu’ils appellent de leurs vœux mais qui ne peut exister que dans le laboratoire de leurs constructions théoriques, comme c’est notamment le cas pour ma toquade de jeunesse, Max Stirner, l’auteur de L’Unique et sa propriété. 
Sous les yeux inquiets de mes parents, surtout de mon père et de mon grand-père, je suis allé assez loin dans mon exploration, au point de m’abonner à un journal de la Fédération anarchiste qu’on pouvait trouver à la maison de la presse d’Oyonnax. J’avais même discuté un peu avec une de leurs figures locales, un vieux monsieur sec comme un bout de bois et bien sûr toujours vêtu de noir. Il était aussi violoniste à la Lyre industrielle d’Oyonnax qui fut d’abord un orchestre d’harmonie avant d’intégrer des pupitres de violon. 
Quant au frère du vieil anarchiste violoniste, c’était une autre figure locale dont la spécialité était de se promener tout nu dans la forêt, non par vice exhibitionniste mais par conviction écologique mêlant retour aux sources et mythe du bon sauvage, ce qui le conduisit à se définir lui-même comme pré-animal. Il se faisait appeler le Serfin (je ne suis pas certain de l’orthographe). Pendant les beaux jours, il séjournait dans une cabane au milieu des bois où il pouvait rêver à un monde sans chefs. 
Mon souvenir de ces deux personnages et de bien d’autres plus ou moins excentriques partageant la défiance à l’encontre de la figure du chef ne me visite pas en ce moment par hasard, lorsque s’exerce en un triste consentement non pas l’autorité mais son mauvais jumeau, le pouvoir. 
Le bon chef use de l’autorité, le mauvais seulement du pouvoir. Le bon chef s’appuie sur la meilleure part de ceux qu’il dirige, le mauvais sur la pire, et comme l’ordinaire de la troupe oscille entre les deux... Le bon chef rassemble parce qu’il est fort, le mauvais divise parce qu’il est faible. 
Un exemple frappant nous en est fourni en ces temps troubles par cette possibilité donnée à un individu mineur d’être vacciné avec le consentement d’un seul de ses parents. Pour les couples en discorde qui s’affrontent par l’intermédiaire de leurs enfants, cette disposition légale est d’une incroyable perversité, à l’image de l’action d’un mauvais chef et de la négativité du pouvoir qu’il cultive sur le terreau empoisonné du conflit et de la division. Toute société ainsi dirigée n’a aucun avenir, l’Histoire l’a montré.
Le pouvoir actuel se réfère avec duplicité aux Lumières dont il ne semble retenir qu’une forme culturellement appauvrie de despotisme éclairé. N’est pas Frédéric II de Prusse ou Catherine II de Russie qui veut. Si Voltaire revenait pour conseiller le monarque actuel, il s’arracherait la perruque en mesurant l’ampleur et probablement l’impossibilité de la tâche.

 

 

08 octobre 2021

Carnet / Cette assemblée de spectres

carnet,note,journal,maîtres,écrivains,débutants,blog littéraire de christian cottet-emard,littérature,figaro littéraire,presse littéraire,christian cottet-emard,jean tardieu,dédicace,photo

À l'époque où je perdais mon temps dans la presse (années 80) et où je croyais aux maîtres en littérature. Photo P. Deschamps

Dans le Figaro littéraire de ce jeudi, quelques anecdotes sur le thème de la rencontre de l’écrivain débutant avec ceux qu’il considère (au moins provisoirement) comme ses maîtres. 
J’en ai surtout retenu cette question qui vaut réponse de Michel Tournier :  « Et puis est-ce bien intéressant, pour un jeune écrivain, de rencontrer ses maîtres ? Quand j’étais jeune, je n’en avais pas envie » .
Sans vouloir le reconnaître, dès que je me suis lancé dans ce que Jean Tardieu m’a décrit comme « le dur chemin de la création littéraire » dans la dédicace d’un de ses livres, j’avais la même opinion. J’avais pourtant élu mes maîtres mais malgré les occasions qui se présentaient à moi, quelque chose me retenait, sans doute un peu de timidité, pas mal de paresse mais aussi et surtout une sorte d’inexplicable épuisement relationnel qui me frappait déjà dans mes jeunes années et qui est arrivé aujourd’hui à son paroxysme. 
Je craignais en outre de me surprendre moi-même en flagrant délit de comportement courtisan et de passer ainsi aux yeux de mes prestigieux interlocuteurs comme un quémandeur d’appuis et de recommandations auprès des éditeurs. 
Je restais donc le plus souvent prudemment (lâchement ?) en retrait grâce à ma carte de presse qui me servait de prétexte pour approcher les écrivains que j’admirais (les autres, ça ne compte pas) quand les occasions se présentaient. 
Mon attitude fut à l’origine de récurrents malentendus car mes écrivains favoris pensaient que je ne les approchais que dans le seul but de faire mon travail alors que je m’intéressais à eux et à leurs œuvres pour des raisons beaucoup plus profondes. De plus, ils étaient parfois sur leur garde car les écrivains ont des rapports souvent compliqués avec les journalistes, ce qui est tout à fait compréhensible. 
De mon côté, depuis ma prime jeunesse, je suis très attaché à la civilité et aux conventions sociales de base, ce qui me rend sans le moindre problème capable de recadrer vite fait bien fait quelqu’un qui aurait la mauvaise idée de s’en dispenser à mon égard, fût-il autant décoré de tous les prix littéraires de la Terre qu’un maréchal soviétique bombant son torse pavé de médailles. 
Il y eut donc quelques interviews qui tournèrent court, très court, des entretiens au cours desquels des anges semblaient s’être donné rendez-vous sur la banquise pour passer en grand nombre mais aussi, heureusement, quelques rares moments de grâce, notamment ma première rencontre puis celles qui suivirent avec l’exquis Jean Tardieu.

carnet,note,journal,maîtres,écrivains,débutants,blog littéraire de christian cottet-emard,littérature,figaro littéraire,presse littéraire,christian cottet-emard,jean tardieu,dédicace,photo,le progrès oyonnax,presse locale,oyonnax,ain,haut bugey,rhône-alpes

Mon vieil exemplaire d'Une voix sans personne dédicacé par Jean Tardieu


J’ai d’autres souvenirs simplement agréables ou drôles avec des écrivains. J’ai fait un bout de chemin en leur compagnie mais à bonne distance et continué parfois d’échanger quelques signes, de loin en loin, avec eux. Leurs livres dorment désormais dans ma bibliothèque toute neuve, rescapés de la dernière purge avant les prochaines car lorsque vient le soir, dans le ballet des ombres, il n’en reste et n’en restera, jusque sur les étagères d'un lecteur anonyme et insomniaque, que quelques-uns. Tel est le prix de l’écriture, cette assemblée de spectres. 

 

29 août 2021

Un bref extrait de mon roman CHARMES, récemment paru.

Résumé et critique du roman à lire sur le blog de Jean-Jacques Nuel :

« Le roman se constitue des récits croisés des différents protagonistes, qui forment comme les pièces d'un puzzle. On se déplace à Lyon, Paris, Barcelone, Venise et Lisbonne, on prend quelques détours par Oyonnax et Nantua. L'action progresse vers une fin surprenante. »

charmes, roman, christian cottet-emard, éditions orage lagune express, littérature, fiction, blog littéraire de christian cottet-emard, parution, publication, édition, musique, piano, pianiste, orgue, oyonnax, nantua, lyon, barcelone, venise, lisbonne, france, espagne, italie, portugal, jura, rhône-alpes, rhône

Reprise du journal de Charles Dautray.

Dans les bourrasques glaciales, les vaguelettes du lac de Nantua luisaient comme des écailles d’acier sur une plaque de tôle. L’allée de platanes nus soulignait durement la courbe de l’esplanade, se cognait au ciel bas et butait contre le mur des nuées en direction de La Cluse. À l’opposé, seule l’enseigne mauve fluo du camion du vendeur de hot-dogs, de gaufres et de churros retenait le regard. Quelques silhouettes frileuses s’en approchaient. Un adolescent encapuchonné marchait la tête baissée sur son téléphone en direction du centre-ville. Il bifurqua sur la droite et moi sur la gauche. Je ralentis devant la vitrine de la maison de la presse, traversai la place d’Armes et entrai dans l’abbatiale Saint-Michel. Après avoir introduit quelques pièces dans le tronc de la chapelle du Sacré-Cœur, je choisis un petit photophore bleu parmi les rouges, les verts et les jaunes et j’allumai la bougie avec le briquet jetable accroché au mur par un bout de ficelle. Je déposai le photophore au milieu des autres sur le candélabre en métal noir auquel la flamme paisible de chaque bougie donnait l’allure d’un buisson piqueté de petits fruits. Bien qu’étant agnostique, je trouve un peu d’apaisement dans ce geste que j’accomplissais même à l’époque encore pas si ancienne de mes heures de gloire. Des sons légers que je connaissais bien rompirent le silence : le tour de clef dans la serrure de la porte ouvrant sur l’escalier en colimaçon qui permet d’accéder à la tribune de l’orgue, le cliquetis des interrupteurs, le froissement du papier des partitions, le profond soupir du soufflet, le claquement sourd des jeux qu’on tire, quelques notes hésitantes, des jeux qu’on tire à nouveau et la voix patinée, unique, de ce merveilleux instrument sur lequel je ne jouerai plus. C’était fini. Cette époque qui avait quand même duré quelques trop brèves années s’était dissipée comme un songe même s’il en restait des preuves tangibles, mes disques. Comme je regrette de n’avoir pas pris le temps d’enregistrer un disque d’orgue... J’avais tout donné au piano, pour moi bien sûr, mais aussi parce que c’était la volonté de Marina. Et maintenant, Marina n’était plus là. Depuis la fin de mes longs mois d’hospitalisation, j’allais mieux mais je me sentais encore plein d’amertume, de colère et d’incompréhension. J’étais encore loin d’avoir accompli le chemin sinueux dans ces brumes où mon seul repère était la flamme têtue d’une bougie dans l’ombre silencieuse d’une chapelle. Je me doutais bien que tout cela finirait un jour mais je ne voulais pas y penser. J’avais reçu un don, on me l’avait repris. D’autres ont reçu un don et ils l’ont gardé. Pourquoi eux et pas moi ? Ai-je perdu ce don parce qu’il ne m’était pas vraiment destiné ? Ai-je perdu Marina parce qu’elle ne m’était pas destinée ? Parce que je l’avais déçue ? Parce que je n’avais pas été à la hauteur ? Je ne cesse de me poser ces questions même si je sais bien au fond de moi-même que Marina était dangereuse pour moi et peut-être pour tous ceux qui croisaient son chemin et prenaient le risque de s’attacher à elle. Peut-être n’y pouvait-elle rien, peut-être était-ce sa destinée. En amour, nous savons que nous allons souvent à la catastrophe mais nous y allons quand même. Il y avait chez Marina une fêlure, ce qui, comme toutes les personnes blessées, la rendait périlleuse à fréquenter. L’assurance ou l’inconscience que nous prodigue le sentiment amoureux peut nous conduire à penser que nous allons devenir le baume de cette blessure alors qu’en réalité, nous ne ferons que rouvrir nos propres plaies. Le piège se referme alors avec notre consentement. Il n’y avait peut-être rien d’autre à comprendre. Dans un de mes carnets, j’avais recopié une phrase du romancier Haruki Murakami, extraite de son roman La Ballade de l’impossible : Ce n’était pas mon bras qu’elle cherchait mais un bras. Ce n’était pas ma chaleur qu’elle cherchait mais une chaleur. J’étais gêné de n’être que moi. En ce qui concerne Marina, je pourrais ajouter : ce n’étaient pas mes mains qu’elle cherchait mais des mains. Moi aussi, j’étais gêné de n’être que moi.

charmes,roman,christian cottet-emard,éditions orage lagune express,littérature,fiction,blog littéraire de christian cottet-emard,parution,publication,édition,musique,piano,pianiste,orgue,oyonnax,nantua,lyon,barcelone,venise,lisbonne,france,espagne,italie,portugal,jura,rhône-alpes,rhône

Les personnages que l'on rencontre dans ce roman  :

Charles Dautray, pianiste.
Aaron Jenkins, agent artistique, producteur.
Antoine Magnard, rédacteur. (Antoine-Marie Magnard Mongins de la Force).
Marina, jeune femme en colère.
Docteur Émilien Bouvardel.
Le Butler, agent immobilier.
Le curé.
Nelson Gahern, pianiste.
La prostituée-voyante extra-lucide.
L'agent de sécurité.
Le barman au nœud papillon de travers.
Nuno.
Reynald Osborne, pianiste décédé.
Constantin Machialys, pianiste décédé.
Oleg Vorodine, pianiste décédé.
Le notaire aux ongles peints.
Une passante de Lisbonne.
Le pianiste du café Florian à Venise.

 

Informations :

Éditions Orage-Lagune-Express

  • Broché ‏ : ‎ 218 pages
  • ISBN-13 ‏ : ‎ 979-8745269714
  • Poids de l'article ‏ : ‎ 299 g
  • Dimensions ‏ : ‎ 12.85 x 1.4 x 19.84 cm

Commandes :

Amazon