06 octobre 2011
Retrouvailles
Dans le temps qui parfois coule tel un ruisseau frais mais souvent tel un fleuve fangeux il t’arriva d’attendre la fin des journées de travail
Péripéties suscitant l’approbation d’amis et de connaissances perdus de vue puis retrouvés au coin de la rue alors qu’est-ce que tu deviens comment as-tu réussi à entrer dans ces entreprises on peut dire que tu en as eu de la veine tu étais si mal parti avec tes livres tes poèmes
Ah oui les livres les poèmes oui ils en ont entendu parler un peu mais les entreprises ça les intrigue beaucoup plus comment tu t’es débrouillé
Comme l’araignée qui s’installe dans un coin entre le mur et le plafond et qui n’a plus qu’à attendre au milieu de cette merveille de technique qu’est sa toile pour exercer sa répugnante prédation toutes astuces pour lesquelles l’araignée n’a que peu de mérite ignorant comme nous l’ignorons nous-mêmes d’où lui vient ce savoir faire
Jamais l’araignée n’apprend à tisser sa toile jamais l’araignée ne se préoccupe de savoir que ses fils sont si solides qu’ils peuvent entrer dans la fabrication de gilets pare-balles du moment qu’elle peut capturer les mouches rien d’autre ne semble compter pour elle
Même lorsque tu as l’impression qu’elle t’observe avec ses quatre paires d’yeux pendant que tu écris tes livres tes poèmes si insignifiants aux yeux des amis et connaissances perdus de vue puis retrouvés au coin de la rue
Alors à la prochaine disent-ils en s’éloignant pour toujours
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10 septembre 2011
Carnet de la brocante
Plus j’avance en âge, plus je purge souvent ma bibliothèque. Les livres victimes des dernières descentes finissent à la brocante annuelle de mon village où l’on peut manger des frites, des gaufres et d’excellents michons, la spécialité diététique du coin. Je m’y promène en fumant un havane pendant que les nouvelles ligues de vertu n’ont pas encore réussi à interdire de fumer en plein air.
Une année, la lubie me prit de tenir moi-même un stand sous le regard horrifié d’une ancienne collègue de passage qui me crut tombé dans la misère et qui, à ma grande satisfaction, s’en alla claironner la nouvelle dans tout le canton.
Cette année, le rescapé de la brocante est le petit livre de V. S. Naipaul, Comment je suis devenu écrivain (poche 10/18). Il ne doit son salut qu’à quelques lignes relues par hasard:
« J’ai dit que j’étais un écrivain d’intuition. C’était le cas, et il en va encore ainsi aujourd’hui que je suis si près de la fin. Je n’ai jamais eu de plan. Je n’ai suivi aucun système. J’ai travaillé intuitivement. Mon but était chaque fois de faire un livre, de créer quelque chose de facile et d’intéressant à lire. À chaque étape, il me fallait travailler dans les limites de mes connaissances, de ma sensibilité, de mon talent et de ma vision du monde. Tout cela s’est développé livre après livre. Et il me fallait écrire ces livres, parce qu’il n’en existait aucun sur ces sujets qui me donnât ce que je voulais. Je devais défricher mon univers, l’élucider, pour moi-même. »
La photo du michon vient d'ici.
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13 août 2011
Carnet des petits riens
En plein jour, au-dessus de la porte d’entrée, j’ai surpris un loir qui n’avait semble-t-il aucune intention de changer de place. Il est resté ainsi près de trois heures puis a disparu. Un loir insomniaque ?
Voici ce que j’ai lu ici sur le loir : « À l'instar de celle du lérot et du muscardin, la peau qui entoure la queue du loir est susceptible de se déchirer lorsque l'animal est saisi par là. Le prédateur se retrouve alors avec un fourreau garni de poils et la proie qu'il convoitait a eu le temps de s'échapper. Les vertèbres caudales mises à nu finissent par se dessécher et par tomber. Il n'est pas rare de trouver, dans la nature, des animaux mutilés de la sorte qui semblent mener une vie parfaitement normale. »
Souvent, je me suis dit qu’en ce qui concerne mes rythmes de sommeil perturbés, il me faudrait imiter le loir. Pour le sommeil seulement...
L’autre jour, à la sortie d’un concert, une dame m’a demandé si j’étais le garde du corps du musicien célèbre qui venait de jouer. Cette question m’a rappelé qu’une autre personne m’avait pris pour un agent de sécurité lors d’un salon du livre auquel j’avais participé voici quelques années. Dois-je déduire de ces deux méprises qu’il me faut renoncer aux cheveux courts et aux tenues sombres ou que j’ai raté ma vocation ?
Histoire de me rappeler mes beaux moments de rêverie adolescente à l’époque où je découvrais la musique d’Erik Satie, je me suis replongé dans mon intégrale Aldo Ciccolini, le pianiste qui a le mieux compris Satie à mon avis. Je me suis retrouvé tel qu’à mes quinze ans en écoutant notamment Sports et divertissements : le yachting, le bain de mer... Les Gnossiennes, ce sera pour un autre jour. Trop mélancolique en ce moment.
D’habitude, lorsque je prends l’air la nuit sur le seuil et que j’entends glapir le renard dans le verger derrière la maison, je finis par le voir passer tout près à l’ombre des haies en évitant de s’exposer au clair de lune. Ce soir il s’est éloigné très vite, sans doute incommodé par la fumée du Cuaba qu’il m’a pris fantaisie de fumer à cette heure tardive, avant d’aller me coucher. Oui, oui, je sais, fumer tue.
Photo du loir : prise chez moi, l'après-midi, au-dessus de ma porte d'entrée.
02:03 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : loir, erik satie, aldo ciccolini, piano, intégrale, emi classics, cuaba, havane, christian cottet-emard, blog littéraire, renard, tabac, fumer tue