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10 octobre 2010

Tu écris toujours ? (58)

mdl-25.jpgConseils aux écrivains qui ont la migraine

Cet épisode de TU ÉCRIS TOUJOURS ? illustré par le dessinateur Miege est paru dans le Magazine des Livres n°25 (juillet-août 2010)

La migraine n’est pas seulement une maladie d’écrivain, elle touche aussi les journalistes et probablement d’autres créatures. Parfois, j’ai l’impression qu’elle tourmente même Sir Alfred, le chat de mon voisin, lorsqu’il multiplie les aventures. Et les céphalopodes ? Souffrent-ils de la migraine ? On peut se poser la question et toute une série du même genre mais à quoi bon se casser la tête ?
À propos de tête, je me demandais, attablé à une terrasse de café en cette fin de matinée, à quoi pouvait bien ressembler celle de la journaliste avec qui j’avais rendez-vous pour lui parler d’une chose aussi importante pour l’humanité souffrante qu’un pet de souris mais à laquelle j’accorde tout de même un peu d’intérêt : la parution de mon dernier livre. Lors du contact téléphonique, j’avais proposé à la rédactrice de l’attendre en ce lieu si propice à l’échange culturel qu’est le bistrot en arborant un signe de reconnaissance, le Républicain Populaire Libéré du Centre ouvert à la page culturelle. Cette idée pourtant originale faillit échouer. En effet, on était lundi et la page culturelle avait disparu au profit de la publication des résultats d’un tournoi interdépartemental de pétanque particulièrement endiablé. Cet inconvénient eût été négligeable si la moitié des clients du bar n’avaient pas tous décidé le même jour de déplier le Républicain Populaire Libéré du Centre en s’hydratant le gosier. La localière finit tout de même par me reconnaître au milieu de tous ces passionnés de pétanque. Sans doute ne ressemblais-je point à un lecteur régulier de son journal. J’en conclus que mon idée de signe de reconnaissance avait finalement fonctionné mais à l’envers. Qu’importe ? La vie n’est pas un exercice de mathématiques dont le résultat pourtant juste est considéré comme faux s’il n’est pas établi au moyen du bon raisonnement.
Je vis donc se plier sur la chaise en face de moi une grande jeune femme au style neurasthénique. Elle s’excusa de garder au visage ses larges lunettes noires en raison d’une migraine qui avait dû lui déclencher pour quelques temps des humeurs aussi chagrines que celles d’une araignée veuve noire privée de son amant qui est aussi, ne l’oublions pas, son déjeuner. À certains moments, la vie nous dépossède de tout. « Bienvenue au club des migraineux ! » lançai-je pour dédramatiser. Les lunettes descendirent d’un cran et deux yeux sombres noyés de douleur coulèrent en direction de mon insignifiante personne, fait remarquable quand on sait que le vrai migraineux en crise n’est plus en mesure de s’intéresser aux affaires du monde puisque pour lui, plus rien n’existe, pas même le monde, rien que la migraine. Un pâle sourire s’évada sous les verres fumés : « alors vous aussi ? » Connexion en cours ! « Hélas... » répondis-je d’un air contrit. Il faut toujours se mettre à la portée de son interlocuteur. Jai lu cette recommandation dans un manuel intitulé « Bien communiquer avec les autres » écrit par un ancien directeur des ressources humaines devenu moine trappiste puis ermite des montagnes quelque part dans l’Himalaya où il a auto-édité tous ses autres livres à tirage limité sur feuilles de papier de riz humectées à la bave de lama et reliées avec des poils tressés du même animal. Pourquoi du papier humecté à la bave de lama ? Je préfère ne pas m’étendre sur un sujet aussi dégoûtant juste avant le repas. « Que prenez-vous pour soulager votre migraine ? » s’enquit la journaliste. Nous nous livrâmes alors à un échange d’une rare intensité sur le thème des différents mérites et inconvénients de l’effervescence et des anti-inflammatoires combinés aux trucs et astuces permettant de tenir le fléau à distance au moins quelques minutes.
« Dans nos activités littéraires, c’est embêtant la migraine » assénai-je au bout d’une heure de considérations pharmaceutiques, dans l’espoir de rappeler à la journaliste que nous n’étions pas là pour préparer l’assemblée générale des meurtris de la casquette mais pour présenter mon livre aux lecteurs avides. La jeune femme opina du chef qu’elle avait semble-t-il encore plus douloureux qu’à son arrivée et me demanda pardon de devoir prendre congé car elle risquait de s’évanouir. Elle oublia sur la table l’exemplaire dédicacé de mon ouvrage qu’elle avait reçu en service de presse et m’abandonna au moment où je sentis naître au fond de mes yeux un mal pesant. Contagieuse, avec ça ! Quelques jours plus tard, je lui téléphonai pour solliciter un autre rendez-vous mais elle m’expliqua qu’elle avait finalement trouvé ma prose « un peu trop prise de tête » (selon son expression) pour les lecteurs d’une rubrique locale.
Si j’avais su, j’aurais écrit un livre moins brillant, baissé un peu le niveau, mais que voulez-vous, je doute fort d’en être capable.

Extrait de TU ÉCRIS TOUJOURS ? inédit.  Précédents épisodes parus en volume aux éditions Le Pont du Change, Lyon.

19 juillet 2010

Tu écris toujours ? (Conseils aux écrivains qui ont la migraine)

Après sa parution en volume en avril dernier aux éditions Le Pont du Change, mon feuilleton Tu écris toujours ? continue dans le Magazine des Livres dont le n°25 qui vient de sortir en kiosques publie le nouvel épisode illustré par le dessinateur Miège : Conseils aux écrivains qui ont la migraine. Pour les oyonnaxiens, mon livre Tu écris toujours ? est disponible à la librairie Buffet et à la Maison de la presse où l'on trouve aussi Le Magazine des Livres.

LE MAGAZINE DES LIVRES n°25 / juillet-août 2010

MDL 25

Sommaire :

Digressions] Guest stars par Joseph Vebret

DOSSIER
Sexe et littérature par Olivier Bessard-Banquy
Genèse et métamorphoses de la littérature érotique
par Tang Loaec
Question de genre
par Anne Bert
La nudité, la femme et l’art
par Orlando de Rudder
Extension du domaine de la littérature érotique
par Tang Loaec
Contre l’érotisme
par Orlando de Rudder

RENCONTRES
Marcelin Pleynet : « La solitude a un lien indissociable avec la création » par Joseph Vebret
Michel Le Bris : « Donner aux lecteurs une part des trésors accumulés pendant une vie »
par Bertrand du Chambon
UNE VIE D’ÉCRIVAIN
Sandro Veronesi : « Donner une deuxième chance à la réalité » par Thierry Richard
ENTRETIENS
Patrick Cauvin : « Peut-on encore mener une carrière de "raconteur" ? » par Olivier Quelier
Émile Brami : « Pour qui aime la littérature, il y a des écrivains indispensables »
par Joseph Vebret
Sébastien Doubinsky. La confession de Billy the Kid
par Éric Bonnargent
Dominique Inchauspé : « L’influence du journaliste est supérieure à celle de l’écrivain »
par Joseph Vebret
Juan Asensio : « Judas ou le refus d’être aimé, le refus de l’Amour »
par Éric Bonnargent
Antoni Casas Ros. L’écriture anonyme
par Éric Bonnargent et Marc Villemain
APARTÉ
Annie Lemoine. Nouvelle vie : l’écriture par Laure Rebois

CLASSIQUE
Vladimir Nabokov. Portrait d’un auteur en illusionniste par Frédéric Saenen
PERDU DE VUE
Stig Dagerman. Le jeu avec la mort par Michel Loetscher

LE CAHIER DES LIVRES
Focus, Romans, Polars, SF, Théâtre, Documents, Musique, Revues, Beaux livres, BD, En vrac

Les livres que vous n’avez pas lus]
Des météorites signées José Bergamín par Bertrand du Chambon
Chemin faisant] Déroutes par Pierre Ducrozet
Les mains dans les poches] Le goût estival du morbide par Anthony Dufraisse
Musique & littératures] Brassens, poète chapardeur par Jean-Daniel Belfond
Relecture] Le crime de Lord Arthur Savile, Oscar Wilde par Stéphanie Hochet
Poésies] Host figure l’amante en remontant ses sources par Gwen Garnier-Duguy
Cinéma & littératures] Une douce odeur de violette par Anne-Sophie Demonchy
Lire la musique] Passions hendrixiennes par Guy Darol
Économie du livre] La FNAC, l’agitateur agité ? par Christophe Rioux

BONNES FEUILLES
La sélection d’Annick Geille : Promesses tenues
Fruits & légumes, Anthony Palou
Nos cœurs vaillants, Jean-Baptiste Harang
Le Sel, Jean-Baptiste Del Amo
Écrivains, Antoine Volodine
Le jour où le ciel s’en va, Jean-Philippe Domecq
La Montagne de minuit, Jean-Marie Blas de Roblès
Les meilleurs livres de la période
par Annick Geille

Feuilleton] Conseils aux écrivains qui ont la migraine par Christian Cottet-Emard
Feuilleton] Voyage dans une bibliothèque par Raphaël Juldé
Feuilleton] L’Auteur et Internet par Emmanuelle Allibert
Visages d’écrivains] Julien Gracq par Louis Monier

Avec : Emmanuelle Allibert, Stéphane Beau, Jean-Daniel Belfond, Anne Bert, Olivier Bessard-Banquy, Éric Bonnargent, Brigit Bontour, Arnaud Bordes, Christian Cottet-Emard, Guy Darol, Hubert de Champris, Anne-Sophie Demonchy, Orlando de Rudder, Stéphanie des Horts, Bertrand du Chambon, Pierre Ducrozet, Anthony Dufraisse, Eli Flory, Gwen Garnier-Duguy, Annick Geille, Stéphanie Hochet, Stéphanie Joly, Raphael Juldé, Tang Loaec, Michel Loetscher, Clara Mainardi-Begnis, Valère-Marie Marchand, Ludovic Maubreuil, Christophe Mory, Olivier Philipponnat, Olivier Quelier, Laure Rebois, Thierry Richard, Christophe Rioux, Frédéric Saenen, Marc Villemain, Carole Zalberg. Photos : Louis Monier. Illustrations : Miège et Innocent.
Coordination : Delphine Gay.

09 juin 2008

Qu'est-ce qu'un écrivain ?

Dimanche, alors que je sortais de l'église Saint-André de Châtillon-sur-Chalaronne où j'étais allé écouter ma fille jouer de l'orgue (du Clérambault), une jeune femme m'a posé une étrange question : « qu'est-ce qu'un écrivain ? »
Peut-être quelqu'un qui est capable de retenir votre attention, même avec une histoire sans intérêt... ai-je répondu, Flaubert avec Madame Bovary (une bourgeoise qui s'ennuie et qui prend des amants), Nabokov avec Lolita (un homme d'âge mûr qui s'amourache d'une jeune fille ordinaire), Cossery avec Les fainéants dans la vallée fertile (la vie au ralenti d'une famille de paresseux), etc...
Une question sur mon cher Louis-Nicolas Clérambault m'aurait peut-être mieux inspiré.