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01 mai 2020

Quand le sommelier écoute mes blagues parce qu'il sait qu'il aura un pourboire

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Regrets

À cause de ma pointure moyenne (42) je ne suis pas sûr d’être enterré en grandes pompes.

 

Crémation

Moi qui n’ai jamais fait de politique, je me vois mal finir dans une urne.

 

Emploi

Quoi de plus triste que de perdre son travail quand on est payé à ne rien faire ?

 

Ressources humaines

Si on vous demande d’écrire une lettre de motivation, c’est qu’on vous soupçonne de ne pas être motivé.

 

Le temps c'est de l'argent

Ce n'est pas parce que le temps manque que l'argent doit se croire obligé de l'imiter.

 

Moyens

Faire la noce toutes les nuits n’est pas à la portée de toutes les bourses.

 

Bourses d’écriture et procrastination

Chère petite madame, mieux vaut un écrivain sans œuvre avec des bourses qu’un écrivain sans bourses avec des œuvres.

 

Prémonition

Je fais souvent des rêves prémonitoires désagréables. Par exemple, je rêve que je me lève tôt le matin et le mauvais rêve se réalise peu après.

 

Effectivement

Avez-vous remarqué que de nombreux chiens s’appellent Sacha mais que très peu de chats se nomment Sachien ?

 

Montée des eaux, montée des prix

Lorsque la visite de la basilique Saint-Marc se fera en nautile ou en bathyscaphe pour cause de réchauffement climatique, Venise sera une ville encore plus chère qu’aujourd’hui.

 

Mystère

L’après-midi passa très vite, je me demande bien pourquoi.

 

(Brèves pour la plupart extraites de mon livre Tu écris toujours ?, © éditions Le pont du Change.)

03 janvier 2016

De la procrastination littéraire (ou comment je n'écris pas mon journal intime)

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Tout d’abord, il est excessif d’affirmer que je caressais ce projet car, je le répète, il s’agissait d’une simple idée qui m’effleura et l’on ne peut, que je sache, disposer d’assez de temps pour caresser quelque chose qui ne fit que vous effleurer. À ce stade d’un raisonnement auquel ne peuvent accéder que les caractères enclins à une certaine qualité de vie contemplative, je préfère me contenter d’expliquer pourquoi la première page de mon journal intime est encore vierge aujourd’hui.

Le jour où cette idée se manifesta, je n’étais pas dans mon état normal. J’étais en pleine forme, débordant d’énergie et de soif d’entreprendre. Peut-être avais-je bu trop de café. Si je me souviens bien, c’était la Toussaint, donc pas question de me lancer dans une nouvelle activité en plein milieu d’un jour de fête. Après les fêtes, il y a toujours des restes mais pour ma part, le lendemain, il ne me restait déjà presque plus d’énergie, peut-être parce que c’était le jour des Défunts. Par la suite, revenu à mon état normal, j’hésitai : un journal intime... Est-ce vraiment une bonne idée ? Je décidai de me donner quelques jours pour faire le point. On ne fait jamais assez le point mais encore faut-il bien le faire, c’est-à-dire y consacrer du temps. Faire le point à la va-vite ? Allons, allons ! Ce serait trop facile. Cette fois-ci, je m’appliquai encore plus que d’habitude. Je fis le point cinq jours d’affilée et à la fin, j’étais presque décidé mais c’était sans compter avec l’Armistice de 1918. Travailler un onze novembre ? Jamais !

Le lendemain, 12 novembre, Saint Christian, constitue pour moi une date plus propice à la réception de nombreux témoignages d’affection qu’à la concentration nécessaire à cette activité hautement intellectuelle qu’est la rédaction d’un journal intime. Du 12 novembre, on a vite fait d’arriver sans s’en apercevoir au 24 qui est pour moi entièrement consacré à l’ouverture de mes cadeaux d’anniversaire. Je me vois mal dire aux gens en ce jour spécial : « merci, vous êtes gentils mais maintenant, je dois vous laisser pour rédiger mon journal intime. »

N’allez cependant pas croire à mon renoncement. Il ne faut jamais renoncer. Moi, je préfère ne rien faire du tout plutôt que de renoncer. Ainsi m’abîmai-je, chaque soir avant d’aller au lit, dans la contemplation du grand cahier de mon futur journal intime ouvert à la première page. Je déposai même sur ma table de chevet une lampe de poche dont le discret faisceau m’eût éventuellement permis de me lever, à la faveur d’une insomnie, pour me rendre à l’écritoire sans me cogner dans le noir et sans réveiller mon épouse. Par malchance, sur une bonne vingtaine de nuits, je ne connus durant cette période que dix minutes d’insomnie, à peine le temps d’appuyer sans résultat sur l’interrupteur de la lampe de poche, d’ouvrir le boîtier pour constater qu’il ne contenait pas de pile et de me rendormir aussitôt jusqu’à une heure plus habituellement réservée à l’apéritif qu’au petit déjeuner.

Novembre me laissant encore quelques jours, je ne désespérai point de fixer un bel instantané de ma vie sur la surface immaculée de mon cahier tout neuf. Hélas, le temps que je prenne conscience de ce délai qui m’était offert, le premier dimanche de l’Avent me surprit en pleine méditation sur cette incroyable accélération du temps qui permet à Noël d’arriver chaque année alors qu’on se demande comment Pâques devint si vite un souvenir. Tout cela pour dire que j’ai l’habitude, pendant les quatre semaines de l’Avent, de m’imprégner de l’esprit de Noël et, à la rigueur, de faire un peu le point.

Cette année, en ces heures printanières où je vous parle, j’observe depuis ma fenêtre mes frères les grands frênes qui sont les premiers arbres à se débarrasser de leurs feuilles et les derniers à s’en revêtir. N’ayant toujours pas trouvé comment débuter la rédaction de mon journal intime, j’ouvris au hasard celui d’un écrivain célèbre et je lus : « aujourd’hui, il a plu et les enfants sont venus déjeuner. » Trop fort !

Extrait de TU ÉCRIS TOUJOURS ? (FEUILLETON D’UN ÉCRIVAIN DE CAMPAGNE), épisode inédit en volume mais paru dans Le Magazine des Livres en 2010. 
Retrouvez d'autres épisodes de mon feuilleton dans l'édition en volume de Tu écris toujours ? publié aux éditions Le Pont du Change.

Photo de paresseux empruntée ici