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09 avril 2005

Tu écris toujours ? (9)

Internet ? L’ami avec qui je discute fait la grimace : “on y trouve tout et n’importe quoi.” Et d’ajouter : “n’importe qui peut s’y autoproclamer philosophe, spécialiste de la pêche à la mouche, artiste et, évidemment, écrivain.” Sous-entendu : “alors, toi qui écris toujours, tu t’épanches sur la toile maintenant ? Tsst, tsst...”
Eh bien oui, on trouve de tout sur la toile et, d’un point de vue littéraire, tout et n’importe quoi... Comme dans une librairie finalement. On y découvre même de bons écrivains et de bons poètes. Par exemple, c’est sur le net que j’ai eu la joie de découvrir Emmanuel Hiriart. Parmi ces auteurs talentueux, beaucoup seraient invisibles sans le web puisque l’industrie du livre les ignore. Cette visibilité qu’offre le net reste en travers de la gorge de tous les petits censeurs. Ils sont légion et ont chacun leurs motivations personnelles. Avant l’ouverture au grand public de ce fabuleux espace de communication, j’étais, moi, plumitif obscur, à la merci de n’importe quel localier de la dernière des feuilles de choux. Entre l’assemblée générale du ballon et la collision au carrefour, le moindre encarté à l’Amicale des journalistes comme le pigiste le plus en délicatesse avec l’accord des participes pouvaient me refuser sans appel dix lignes d’annonce de mon nouveau bouquin et cela sans avoir à en référer à une quelconque autorité hiérarchique. (Je reviendrai en détail, dans ce feuilleton, sur les moeurs de la presse et sur son incroyable mépris pour la création littéraire). Que pèsent aujourd’hui ces dix lignes (souvent dénaturées d’un mastic ou d’une coquille quand on a bien voulu vous les concéder) face à la puissance et à la réactivité du web ? Moins que rien. La preuve, pendant que mon copain d’école lecteur de la presse locale me demande si j’écris toujours, je reçois des courriers d’amis lointains et de personnes inconnues habitant des régions et des pays où je n’ai jamais mis les pieds mais qui savent exactement quand est sorti mon dernier bouquin, où se le procurer et combien il coûte, avec, bien sûr, la possibilité pour eux d’en lire un extrait à trois heure du matin si ça leur chante. Alors, faire partie de ce grand “n’importe quoi” ne me tourmente guère. J’en suis même très heureux et, pour une fois reconnaissant à une technologie qui vient au secours d’une des activités les plus rustiques de l’homme : l’expression, avec son corollaire, la contradiction.
Sur internet, celle-ci n’est pas toujours servie sur un plateau d’argent. Très proche et très lointain, inaccessible mais immédiatement réactif, le contradicteur ne s’embarrasse pas forcément de politesse voire de simple courtoisie. Il peut livrer sa désapprobation ou sa colère dans l’instant, sans tourner sept fois sa langue dans sa bouche, au risque de se faire coller une plainte pour injures ou menaces par quelqu’un qui aurait l’idée d’occuper ainsi ses loisirs. Bien que je ne m’exprime pas depuis longtemps sur la toile, je m’y suis déjà fait copieusement insulter par des gens que je ne connais ni d’Ève ni d’Adam, la plupart du temps par des écrivassiers ne jurant que par la liberté d’expression tout en regrettant de ne pas en être les seuls bénéficiaires. Ils font partie du bataillon des petits censeurs que j’évoquais plus haut.
Dernièrement, l’un d’eux, grâce aux moteurs de recherche, a exhumé une de mes vieilles notes de lecture, certes un peu vache, à propos d’un livre qui ne m’avait pas plu. Aucune réaction de l’auteur du livre (j’aurais adopté la même attitude à sa place) mais un gros caca nerveux de son lecteur ulcéré par cette fameuse note qui m’a menacé par blog interposé de je ne sais quelle vengeance en me traitant au passage de “chétif salopard”. Cet imprudent ignore que je pèse quatre-vingt-six kilos tout nu. Alors, “salopard”, peut-être, mais “chétif” non !
(À suivre)

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