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11 février 2010

Carnet de l’espace et du temps

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Espace / temps 1
« Halte à la France moche ! » lit-on en gros titre de Télérama cette semaine avec une couverture illustrant « comment les villes françaises sont devenues laides. » On devrait se réjouir de ce cri d’alarme et espérer des mesures pour réduire cette laideur évoquée par Milan Kundera dans son roman La Lenteur (Folio). Mais ce serait oublier que la même alerte avait été lancée à la télévision dans les années soixante-dix du vingtième siècle dans une émission hebdomadaire intitulée La France défigurée, animée par le journaliste Michel Péricard. Quarante ans après, nous en sommes toujours au stade du constat, avec ces zones industrielles et commerciales et cet habitat péri-urbain que Kundera qualifie d’« étendue de laideur » . Alors, rendez-vous dans un demi-siècle pour le même constat ? Au train où vont les sœurs jumelles politique et économie, j’en ai bien peur.

Espace / temps 2
Dans Télérama encore, ces quelques lignes d’un certain Stéphane Jarno qui, à l’occasion d’un reportage sur le tournage à Nantua du film Quartier lointain, décrit ainsi la petite cité haut-bugiste :

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« À Nantua, le tournage de Quartier lointain, c’est l’événement des dix (quinze ?) dernières années. Dans cette petite ville de l’Ain, célèbre pour son lac et ses quenelles, le temps semble s’être arrêté, comme écrasé par les montagnes avoisinantes. N’étaient les nombreux poids lourds et les femmes voilées qui passent hors champ, on pourrait se croire dans la France de Catherine Langeais et du petit Nicolas... »

Quelle prose remarquablement typique de ce que peut sécréter le journaliste urbain aux champs ! Ah, ce « temps arrêté » , ce temps « écrasé » ! Et ces montagnes  : « avoisinantes » ! Oh, ce précieux « n’étaient » ! Et puis ce rapprochement hardi (je n’ose dire ce télescopage) entre ces femmes voilées et ces poids lourds puissamment qualifiés de « nombreux » !
Bien que je sois encore sous le charme de ce style somptueux, j’aurais tout de même une légère réserve  à exprimer à propos du temps qui serait censé s’arrêter dans les petites villes de province. Moi qui vis près d’un village, plus près encore de la forêt, je pense que dans les grandes villes, le temps aurait plutôt tendance à s’emballer... Comme cette machine à produire du cliché qu’est le journalisme.

Quand je pense que moi aussi, j’ai fait ce métier pendant dix ans, je n'en suis vraiment pas fier.

Photo: Nantua vue de la falaise (Photo MCC)

Commentaires

Tu oublie le "hors- champ " qui vient rappeler le lien cinématographique avec le thème premier de l'article. Quel talent!
Et ce doute sur la date de la dernière animation locale,quinze? Moi j'aurai dis trente et plus , le dynamitage de la colonne en 1973?
Heureusement que les Parisiens sont là pour nous rappeler que l'on existent.
J'ai eu un client comme ça l'année dernière, il est allé voir l'expo Di Rosa à Oyonnax et il n'en revenait pas que l'on "ait" Di Rosa à Yonnax(dixit), par contre sa femme n'avait jamais entendu parler de Klimt, mais nous, oui.
Ca doit être pour ça que je ne lis pas Télérama.

Écrit par : marie-ella | 11 février 2010

Il y a de nombreuses années, j'avais de 24 à 28 ans et j'habitais Paris, et lorsque je passais à Oyonnax, j'avais cette impression de vide, de vie provinciale étriquée, voir même un peu cette impression de supériorité en tant que Parisien. Je connais donc bien ce sentiment, difficile à surmonter. Sentiment qui, depuis, évidemment, m'a largement fuit. Il faut vivre en province pour en comprendre la saveur... Mais c'est vrai que parfois, je me demande bien ce que je fous là !!!
En plus, il faut bien admettre qu'il est vrai que "Nantua" ou "Oyonnax", si tu y es pas né, tu ne choisis pas d'y vivre... Montpellier ce serait pas pareil... Alors ce journaliste, certes, il ne devrait pas écrire ça dans son canard par respect pour les gens qui vivent là, mais bon, en même temps, je le comprends le bougre... Tu me diras, si on l'emmenait à Tenay, y trouverait ça pas mal : Nantua !!! (Bon là, je devrais pas...)

Écrit par : Jacki Maréchal | 12 février 2010

Le style, bon sang, le style ! Ah c'est quelque chose tout de même, quelqu'un qui sait écrire :0)

Écrit par : Frédérique M | 13 février 2010

Ah oui à Montpellier, on connaît Klimt Eastwood !

Écrit par : Ray | 14 février 2010

Tu as raison Jacki, Montpellier ça n'a rien à voir, d'ailleurs on en parle tous les jours à la radio et à la télé, ils ont la chance de connaître Klimt Bois à l'Est et ils ont surtout un type à l'haleine pas très fraiche qui vaut tous les tournages de films en matière de com'.

Écrit par : marie-ella | 14 février 2010

Je subodore que cette affaire fraîche n'est pas aussi claire que ce qu'on en lit ici ou là ; certes les propos du bonhomme sont condamnables, mais derrière le tour pris, se cachent des manipulations bien moins ragoûtantes...

Écrit par : Ray | 14 février 2010

Un journaliste peut bien écrire ce qu'il veut, même des carabistouilles. Simplement, il est bon qu'il puisse être contredit, repris, confronté à ses clichés. Je n'aime guère me rappeler que j'ai moi aussi exercé ce métier qu'il est de plus en plus difficile de pratiquer correctement en raison des multiples pressions techniques et économiques liées à son évolution. Je suis arrivé dans cette profession à la fin de son âge d'or, juste avant l'apparition de nombreuses mutations techniques qui ont paradoxalement réduit l'initiative et l'indépendance des journalistes. Cela se constate à tous les niveaux de la presse écrite. D'un point de vue technique, la publication d'un quotidien est un vrai tour de force mais toutes ces compétences réunies pour quel résultat ? Minable pour la pqr (presse quotidienne régionale) et en baisse inquiétante pour les titres de référence de la presse nationale. Un journal comme Le Monde est-il toujours un journal de référence lorsqu'il titre à la Une à propos de la mort de Michael Jackson « disparition d'une icône mondiale de la musique » ?

Écrit par : Christian Cottet-Emard | 15 février 2010

Nous vivons dans un monde capitaliste et malheureusement les médias suivent le mouvement, on ne nous informe pas, on nous vend de l'information ! c'est très différent ! même si ça n'empêche pas d'informer. C'est de cette manière que M. Jackson, produit porteur, est devenu d'un coup de claquement de doigt, un génie de la musique, pour tous les médias... Moi aussi ça m'a profondément agacé bien sûr.

A ce propos, le gros référent "culturo-médiatique"est le plaisir, les expressions culturelles qui ne font pas une part au plaisir, n'ont aucune chance d'être plébiscitées, mais (pour faire court) ce n'est pas d'aujourd'hui que le bonheur est confondu avec le plaisir - sauf qu'aujourd'hui tout ça est construit d'une manière consciente et calculatrice.

Écrit par : jacki marechal | 15 février 2010

Les commentaires sont fermés.