16 février 2014
Carnet / D’une coccinelle, de la voix de Cendrars et d’une mauvaise pioche
Coccinelle malchanceuse
Par mégarde, j’ai tué une coccinelle que j’avais déjà vue immobile au coin de la fenêtre. J’étais en train d’écrire sous la lampe lorsque, sans doute dérangée par la chatte Linette, elle m’a frôlé l’oreille en s’envolant, ce qui m’a fait sursauter. Instinctivement, d’un revers de la main, j’ai chassé ce que je croyais être une mouche ou une araignée. J’ai récupéré la coccinelle sur mon clavier mais elle ne bougeait plus, ailes et élytres de travers.
Cet incident qui m’a attristé me fait penser à la vision qu’a Michel Houellebeck de la nature considérée comme ennuyeuse et hostile (« La forêt vous étreint dans son rêve cruel »). Moins radical sur ce sujet, je reconnais tout de même qu’il m’est difficile d’oublier qu’à chaque instant de notre vie, la nature nous met en situation de supprimer le plus souvent à notre insu d’autres vies qu’elle a créées. Déprimant constat qui suffit à lui seul à réduire toute philosophie et toute croyance aux limites de la fiction.
Voix de Blaise Cendrars
J’entends pour la première fois la voix de Blaise Cendrars en archive sonore l’autre soir sur France Musique dans le cadre de l’émission Greniers de la mémoire consacrée à Érik Satie. Au lieu de la voix grave qu’on imagine par automatisme à un physique de baroudeur tel que celui de Cendrars, c’est la voix d’un vieux monsieur, haut perchée et pâteuse, légèrement nasillarde, qui raconte un épisode touchant et comique de son amitié avec Satie.
Il s’agit pour Cendrars de raccompagner Satie à travers Paris jusqu’à son train qui le mènera chez lui à Arcueil en banlieue pour l’empêcher de dépenser en chemin, notamment dans des tabacs et des bistrots, tout l’argent d’un des rares chèques qu’il vient de toucher en rétribution de sa musique. Rapportée par Cendrars qui s’ingénie à élaborer un itinéraire pauvre en troquets, l’anecdote est savoureuse et désopilante, pleine de tendresse et d’une magnifique humanité aussi.
Malgré son génie, plus probablement à cause de son génie, Érik Satie n’a pas eu beaucoup de chance dans sa vie mais il a quand même eu celle de copiner avec Blaise Cendrars. De son côté, Cendrars ne pouvait que bien s’entendre avec un compositeur qui a fait huit jours de prison pour avoir répondu à un critique musical hostile : « Monsieur et cher ami, vous n'êtes qu'un cul, mais un cul sans musique » .
Pour en revenir à la voix de Cendrars, le fait de l’avoir écoutée m’a donné envie de le relire. Juste une chose qui m’est incompréhensible chez Cendrars : pourquoi s’est-il engagé dans la première guerre mondiale (avec pour conséquence d’y perdre son bras droit) alors que rien ne l’y obligeait en tant que citoyen suisse ? Un mystère pour un homme de mon caractère et de mon époque...
Mauvaise pioche ?
Contrarié par ce qui semble une mauvaise pioche. Depuis le temps que j’entends parler d’Alice Munro (prix Nobel de littérature 2013) j’ai acquis un de ces nombreux recueils de nouvelles, Fugitives (éditions Points). Découragé par la première qui me tombe des mains dès le début, je vais en essayer d’autres mais je crois que je suis mal parti pour trouver la porte d’entrée dans cet univers...
21:33 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : carnet, note, journal, coccinelle, blaise cendrars, érik satie, michel houellebeck, musique, littérature, guerre de 1418, première guerre mondiale, alice munro, prix nobel de littérature, blog littéraire de christian cottet-emard, france, suisse, canada, paris, arcueil, fugitives, éditions points
Commentaires
Bonjour Christian, je te mets un lien concernant les coccinelles que tu dois avoir chez toi, ce sont sans doute des coccinelles asiatiques, introduites en France par l'Inra et qui malheureusement pour nos coccinelles et la biodiversité, sont invasives.
http://www.notre-planete.info/actualites/actu_1790_coccinelles_asiatiques_refuge_hiver.php
Mais, hélas, cela ne peut qu'augmenter ta tristesse.
Qui l'eût cru?
Cui cui dirait Jacki.
bises à vous deux
Écrit par : marie-ella | 17 février 2014
Le péril jaune (à poids) !
À part ça, comment vas-tu Marie-Ella ?
Écrit par : Christian Cottet-Emard | 17 février 2014
Je suis toujours ravie de lire tes écrits qui sont si merveilleux dans tous les sens du terme. Du point de vue personnel je peux chanter 'Votre fille à vingt ans' et que le temps passe vite...j'espère l'emmener bientôt passer quelques jours à Berlin
et comme dit la chanson, je rêve de rêves raisonnables, et ton blog fait partie de ma sphère poétique intime.
A bientôt.
Écrit par : marie-ella | 17 février 2014
Venant de toi, Marie-Ella, car j'ai toujours tes livres et leur qualité d'écriture en tête, le compliment sur ce que je j'écris me touche d'autant plus. En ce moment, je suis sur la fin d'un gros chantier de nouvelles qui a pris des années mais dont le projet éditorial se précise enfin après de nombreux atermoiements.
Écrit par : Christian Cottet-Emard | 17 février 2014
Je me précipite sur cette émission à propos de Satie... Pour cet homme drôle et extraordinairement marginal, et semblant assumer tout ça si ce n'est gaiement au moins avec une légèreté un tantinet ironique... Et beaucoup aussi pour Blaise Cendrars dont l'écriture me transporte sur des rails sans fin... J'adore ! (comme dit ma concierge...) Qu'est-ce que j'aurais aimé les rencontrer au bistrot ces deux là...
Écrit par : jacki maréchal | 20 février 2014
"Toute sa vie, Satie s’est inscrit contre le conformisme artistique du moment (romantisme, impressionnisme, wagnérisme)"
Écrit par : jacki maréchal | 20 février 2014
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