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03 mars 2008

Apolitique !

672704199.jpgLe clair de lune égara l’ombre d’Effron Nuvem contre une palissade recouverte d’affiches et l’une d’entre elles retint son regard parce qu’il y reconnut la tête du marchand de chaussures. Il se souvint alors que les élections approchaient. Pour la première fois, le club des pantouflards présentait une liste conduite par le petit gros. Maintenant, Effron Nuvem comprenait mieux ses approches mais tout de même, aller jusqu’à lui proposer de l’accueillir au sein du club... Que pouvait valoir l’adhésion d’un chômeur, une de ces « âmes mortes » à peine bonnes à émigrer d’un fichier à un autre au gré des fluctuations d’une comptabilité d’actifs et de passifs que se jetaient sans cesse à la figure lors de joutes télévisées les dignes héritiers de l’escroc Tchitchikov?
Le jour du scrutin, Effron Nuvem, muni de sa carte d’électeur et de sa carte d’identité, alla aux urnes avec l’intention de voter contre et peu importait contre qui. Mais sur le trajet, son soulier droit s’enfonça mollement dans une énorme crotte de chien de couleur orange. Saisi d’une bouffée de colère, il mit un bon quart d’heure à nettoyer sa chaussure dans les toilettes publiques moyennant une pièce de vingt centimes, ce qui ne fit que décupler encore sa rage au point qu’il arriva tremblant et le visage congestionné au bureau de vote. Monsieur Nuvem ! Quelque chose ne va pas ? Vous ne vous sentez pas bien ? s’enquit le marchand de chaussures qui se tenait à proximité de la table où étaient disposés les bulletins et les enveloppes et qui saluait tout le monde. Tout à son exaspération, Effron Nuvem abandonna en une seconde ses intentions de vote et choisit ostensiblement un bulletin où figurait la liste du club des pantouflards sous l’oeil approbateur du petit gros qui lui décocha un clin d’oeil de connivence.
Toujours contrarié, il décida d’aller respirer l’air de la Saône. Sur le pont Masaryk, il croisa une femme accompagnée d’un garçonnet qui le mit en joue avec un pistolet en plastique.

(Extrait de mon dernier roman, Le Club des pantouflards, éditions Nykta, collection Petite nuit).

Note de l'auteur : comme de bien entendu, la liste présentée aux élections par le Club des pantouflards est totalement « APOLITIQUE » !

06 janvier 2008

Souvenirs d’un localier

Ma phobie des chiffres m’a souvent jeté dans de stupides travaux alimentaires. L’une des moins reluisantes de ces activités professionnelles a consisté à faire le journaliste dans un quotidien régional qui eut ses heures de gloire en des époques bien antérieures à l’éventualité de ma naissance...

La suite — LES MÉSAVENTURES DE CARDIO VASCULAIRE et LE LOTO DU BONHEUR — dans le premier numéro de la revue MERCURE, les médias autrement (109 pages, 10 euros), dirigée par Anthonny Dufraisse.

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Sommaire :

POSITIONS
Christian Ruby, Vladimir Bertrand : Qu’est-ce qui nous regarde ? (I)
Jacques Attali : Penser labyrinthe.
Manuel de Dieguez : Internet et la nouvelle élite mondiale.
Claude Régy : Des médias au médiat.
Didier Nordon : L’information est une désinformation.
Vangelis Athanassopoulos : Notes sur l’artiste médiatique.

SITUATIONS
Fatima Ait Bounoua : Beurettes sur le net.
Rodolphe Adam : Malaise dans l’e-culture.
Daniel Sibony : Les enfants devant la télé.
Cyril Thomas, entretien avec Agnès de Cayeux : Expériences d’intrusion.

RADIOGRAPHIE
Gil Jouanard : Radio, art de l’intime.
Olivier Pascault : Émission(s) philosophique(s), suivi de : Jaspers, Adorno, Anders... Des philosophes allemands sur les ondes.

FIGURES LIBRES
Franck Derex : Dernière édition de l’homme.
Jacques Rigaud : Monsieur l’Intran.
Christian Cottet-Emard : Souvenirs d’un localier.

Abonnement à MERCURE :
Mercure paraît quatre fois par an. Pour toute correspondance : revuemercure@free.fr
Abonnement pour 1 an (4 numéros) : 35 euros (au lieu de 40).
Abonnement de soutien : montant libre.
Prix d’un numéro : 10 euros.
Règlements à établir par chèque à l’ordre de l’Association Mercure et à adresser à Anthony Dufraisse, 14 avenue Foch, 95100 Argenteuil.

10 décembre 2007

Le Croquant et la modernité

Le Croquant n° 55-56, qui a pour thème La modernité, vient de paraître. Plutôt que d’en livrer ici une note de lecture puisque j’y participe, je préfère citer des extraits de deux passionnantes contributions, celle de Joël Clerget et celle de Jean-William Lapierre quant à lui décédé à la veille de l’été 2007 et à qui Michel Cornaton, directeur du Croquant, et Edgar Morin rendent hommage dans cette édition.

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La photographie de couverture est signée Marc Riboud.

La modernité sans images (Joël Clerget, psychanalyste, écrivain, Lyon) :

« L’immoralité de notre modernité n’est pas sexuelle, elle est économique. La lutte des « intermittents du spectacle » nous a fait percevoir à quel point l’ignardise politique des gouvernants est impropre à résoudre quelque problème social que ce soit. Même les employés des casinos firent grève le 31 décembre 2006, craignant d’être, entre autres, remplacés par des machines. Des machines à sous sans doute. Que la machine soit mise à la place de l’homme n’est pas encore le pire scandale, mais que l’homme soit fait machine lui-même, robotisé, est humainement inacceptable. Les métiers de relation sont désormais imprégnés de ce machinisme impénitent. On nous fait devoir de réparer les pannes, casses et autres accidents de cette constante production de l’oppression généralisée. L’on ne compte plus les suicides... »

La modernité, tarte à la crème de l’idéologie dominante (Jean-William Lapierre, sociologue) :

« Aujourd’hui, la modernité est la tarte à la crème de l’idéologie dominante. Quels sont les ingrédients de ce produit de la propagande politique et de la publicité ? J’en vois quatre mais ne prétends pas être exhaustif. Le premier est l’économisme. Quand il y avait des marxistes, on leur reprochait souvent de tout fonder sur l’infrastructure économique. Mais ils reconnaissaient tout de même une « autonomie relative » aux superstructures politique et idéologique. Le triomphe mondial du libéralisme économique (à ne pas confondre avec le libéralisme politique) a mis fin à cette autonomie relative. Dans l’idéologie actuelle de la modernité, tout (la politique, l’ethnique, l’art, la recherche scientifique, la médecine, la culture, l’information) est subordonné voire réduit à des considérations et des objectifs économiques, ceux des détenteurs du pouvoir économique. »

« Nous avons connu au XXe siècle des idéologies dont la domination était « hard » (comme on dit en franglais moderne) : le fascisme, le nazisme, le stalinisme imposaient leur domination par la répression, le bourrage de crâne, l’exaltation des foules. La domination de l’idéologie de la modernité est insidieuse, latente, « soft ». Dans un entretien à Télérama (29 juin 2005, p. 25-26) le sociologue polonais Zygmunt Baumann (que j’ai rencontré lors d’un séminaire à Varsovie en septembre 1958, et qui est devenu professeur à Tel-Aviv et Leeds) dit : « (qu’en) quelques années, les forces dominantes, qui détiennent l’argent et le pouvoir d’organiser le monde dans leur intérêt, ont trouvé d’autres stratégies plus légères, moins contraignantes ». Mais efficaces : le contrôle technocratique des moyens d’information et de communication, des institutions (en particulier de l’enseignement), le financement des campagnes électorales des politiciens, la pression des « lobbies », la précarité des emplois (« n’est-elle pas, demande Baumann, une formidable manière d’obtenir l’ordre et la soumission ? ») et surtout le contrôle de nos pratiques quotidiennes de consommation par la publicité, de nos loisirs par la « télé-réalité ». Baumann encore : « Que nous apprennent ces émissions ? Que chacun est toujours seul face à tous, que la société est un jeu pour les durs. Ce qui est mis en scène, c’est la jetabilité, l’interchangeabilité et l’exclusion. Il est inutile de s’allier pour vaincre puisque tout autre, au bout du compte, ne peut être qu’un adversaire à éliminer... Quelle métaphore de la société ! ».

Revue Le Croquant (sciences humaines, arts, littératures), 208 pages, 20 euros (port non compris).
mail : revuelecroquant@yahoo.fr