04 mai 2010
Carnet des frênes frileux
Le printemps n'en finit pas d'hésiter. Autour de la maison, les frênes semblent décidés à retenir le plus longtemps possible leurs feuilles. Les lilas vont bientôt s'épanouir mais si la goutte froide persiste au-dessus de nos têtes, on ne pourra pas profiter longtemps de leur parfum. Heureusement, d'autres arbres moins frileux ont déjà verdi et les haies d'épines embaument même sous la pluie. Depuis deux jours, je jette des bûches dans la cheminée et quelques vieux flacons que je réserve plutôt à l'automne et à l'hiver ont tendance à me tenter.
Ainsi que j'en ai l'habitude après une nouvelle publication, j’écoute ces temps-ci encore plus de musique, notamment Sergueï Prokofiev (1891-1953) compositeur qui me passionne depuis mon adolescence. Des années plus tard, j’animais une émission de poésie sur une radio locale et le générique que j’avais choisi était le début du premier mouvement de son troisième concerto pour piano. En plus de sa musique, la personnalité de Prokofiev me fascine. On peut dire que malgré son intelligence supérieure, sa virtuosité de pianiste, sa modernité, il a été parfois injustement malmené par la critique, sans doute en raison de certains traits de caractère qui pouvaient être confondus avec un peu de froideur ou de distance.
À différentes périodes de sa vie marquée par l’exil, il tient un journal qu’il rédige en écriture abrégée (technique de prise de notes consistant à supprimer les voyelles des mots). Dans ces pages qu’il a fallu retranscrire avant leur tardive publication, on découvre un Prokofiev moins intimidant, conscient de son génie mais en proie au doute et au mal du pays. Un jour de dèche, il avoue errer dans New York avec treize cents en poche. Il a du mal à trouver sa place en Amérique où Rachmaninov lui fait de l’ombre. Même si l’Europe lui réussit un peu mieux, il peine à s’intégrer à un milieu musical qui lui est étranger. Par exemple il qualifie la musique de Debussy de gélatine ! Finalement, peu doté de sens politique, il cède à la tentation de rentrer dans son pays natal où on lui fait miroiter une reconnaissance officielle qui sera troublée par de nombreuses et graves tracasseries émanant du régime soviétique. Par une ironie du sort, Prokofiev décède le 5 mars 1953 qui est aussi la date à laquelle Staline est officiellement déclaré mort.
Finalement, c’est un piège qui s’est refermé sur Prokofiev lorsqu’il est rentré en URSS. Lorsque je pense au destin de ce compositeur génial, une phrase que j’entendais souvent dans les années 70 du siècle dernier et qui m’a toujours déplu au plus haut point me revient aux oreilles : si tu ne t’occupes pas de politique, la politique s’occupe de toi.
02:02 Publié dans carnet | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : prokofiev, musique, piano, troisième concerto pour piano, exil, russie, urss, staline, politique, frêne
08 juin 2009
Le mot qui m'énerve
De temps en temps sur ce blog, je noterai le mot qui m'énerve.
Aujourd'hui : rassembler.
Un verbe qui fait partie des nombreux mots vidés de leur sens par les politiques.
12:43 Publié dans Le mot qui m'énerve | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : langue de bois, baratin, verbiage, politique, embrouille
23 février 2008
Les ambitieux des démocraties
« Je pense que les ambitieux des démocraties se préoccupent moins que tous les autres des intérêts et des jugements de l'avenir : le moment actuel les occupe seul et les absorbe. Ils achèvent rapidement beaucoup d'entreprises, plutôt qu'ils n'élèvent quelques monuments très durables ; ils aiment le succès bien plus que la gloire. Ce qu'ils demandent surtout des hommes, c'est l'obéissance. Ce qu'ils veulent avant tout, c’est l'empire. Leurs mœurs sont presque toujours restées moins hautes que leur condition ; ce qui fait qu'ils transportent très souvent dans une fortune extraordinaire des goûts très vulgaires, et qu'ils semblent ne s'être élevés au souverain pouvoir que pour se procurer plus aisément de petits et grossiers plaisirs. »
- Tocqueville, De la démocratie en Amérique… -
(Relevé sur le site d'Hubert Nyssen, Carnet du 23 février.)
23:51 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Politique, démocratie, Tocqueville, De la démocratie en Amérique