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08 septembre 2007

Youpi, c'est la rentrée (« littéraire »)

6c6c5953a605d03f371487894c0f0e0d.jpeg- C’est mon sujet !
- Non, c’est mon sujet !
- C’est mon sujet aussi !
- Non, c’est le mien et t’as pas le droit de t’en servir !
- Si, j’ai le droit.
- M’sieur, M’sieur, elle m’a pris mon sujet !
- C’est pas vrai !
- Si, elle me l’a pris et elle arrête pas de s’en servir !
- Dites, les gamines, vous avez pas bientôt fini de vous chipoter ?
- Elle a pas le droit de se servir de mon sujet et elle s’en sert quand même...
- Oui, je m’en sers quand je veux, où je veux et comme je veux !
- Allons, allons, mes petites, vous pouvez bien jouer toutes les deux avec ce sujet sans vous disputer.
- Na-na-na, c’est mon sujet et pas le tien, na-na-na !
- Vous voyez, M’sieur, elle est méchante !
- Na-na-na, c’est mon sujet et pas le tien, na-na-na !
- Toi, cesse donc d’en rajouter avec ton caractère de cochon ! Et toi, laisse-la jouer avec ce sujet qui appartient à tout le monde. Comment voulez-vous que je fasse mes comptes si vous passez votre temps à vous voler dans les plumes !
- C’est mon sujet !
- Non !
- Si !
- Ah, tu le veux, ton sujet ? Eh ben regarde ce que j’en fais de ton sujet ! Je le prends, je le boulotte et je fais un tas de trucs avec !
- Mon sujet... Elle me l’a bouffé ! C’est pas vrai ! Elle m’a bouffé mon sujet !
- Miam, miam, grouimf, grouimf, hum, le bon sujet, qu’il est bon ce sujet, grouimf, grouimf ! Miam !
- T’as pas le droit de faire ça, t’as pas le droit !
- Grouimf, miam, beurk.
- Ah, t’as voulu bouffer mon sujet, eh ben prends ça ! Paf, en pleine poire !
- Et vlan, voilà pour toi, retour à l’envoyeur ! Beurk.
- Mais j’hallucine ! Elles sont pas vraies ces deux-là ! Je vais sévir. Attention, je vais sévir !
- Mais M’sieur, elle m’a pris mon sujet et elle l’a bouffé !
- Tu m’embêtes à la fin avec ton sujet.
- Je veux qu’elle me le rende !
- Tais-toi ! Tu me gaves ! Et d’abord, elle peut pas te le rendre le sujet...
- Pourquoi M’sieur ?
- Parce qu’elle l’a déjà digéré.
- Non, non, non ! C’est mon sujet, c’est mon sujet !
- Alors là, tu dépasses les bornes. Puisque c’est comme ça, tu seras punie. Et à l’avenir, prends exemple sur ta copine, regarde comme elle est sage maintenant.
- (Grouimf ?)

04 juillet 2007

Comment certains de mes livres ont été publiés

Le Grand variable
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Curieux destin que celui des livres. Je me suis attelé à mon Grand variable en novembre 1996, en même temps qu’à un autre livre, et j’ai terminé la version manuscrite en octobre 1997, l’année du passage près de la Terre de la comète Hale Bopp. J’utilisais des cahiers en papier recyclé offerts par ma fille alors écolière. J’écrivais avec des stylos à plume jetables à l’encre de couleur, souvent dans le jardin, au soleil. J’avançais assez vite malgré le contexte défavorable de cette année. J’avais presque renoncé à publier ce texte lorsque deux événements se produisirent.

En visite à Oyonnax lors de Pâques très neigeuses, mon ami Bernard Deson pianota sur mon Macintosh Performa 6300 pour disposer dans un ordre que je trouvai judicieux les cent séquences du récit. Il m’avait préalablement révélé que les deux livres auxquels je croyais travailler n’en formaient en réalité qu’un seul, ce que je n’avais pas réalisé, le nez dans mes cahiers et sur mon écran depuis trop longtemps. Quelques semaines ou quelques mois après cette intervention, il établit une première édition hors commerce du Grand variable. On en trouve un exemplaire relié à la bibliothèque municipale d’Oyonnax. Bernard composa aussi spécialement pour Le Grand variable le collage que j’ai partiellement reproduit sur ce blog dans la note précédente, en illustration de la séquence 72, mais qui ne put malheureusement pas être retenu pour la couverture.
Entre temps, j’avais aussi porté le manuscrit à mes nouveaux amis, Roland et Emmanuelle Fuentès, qui le publièrent en 1999 sous forme de feuilleton dans leur revue Salmigondis, rehaussé de superbes dessins de Frédéric Guénot.

L’idée me vint ensuite d’envoyer le manuscrit aux éditions Editinter. Le Grand variable est le seul roman, si l’on peut ainsi qualifier ce texte, qu’il m’ait été donné de publier à la suite d’un envoi postal spontané. Robert Dadillon, le patron d’Editinter, que je regrette de n’avoir jamais rencontré, en fit en 2002 une édition très soignée, ornée d’une encre du peintre Gabriel Guy. Dans un courrier, Robert Dadillon m’apprit qu’il avait lu certains de mes textes dans des revues. J’ignore s’il parlait des épisodes du Grand variable et je n’en sais pas plus aujourd’hui puisque nous n’avons pas eu l’occasion de discuter, même par téléphone. Je téléphone peu et je me déplace rarement, excepté lors de courtes vacances. Par un hasard assez incroyable, Le Grand variable, aujourd’hui épuisé, parut en même temps, chez le même éditeur, que Portraits d’écrivains, le beau livre de mon ami Jean-Jacques Nuel.

Image : manuscrit du Grand variable

19 février 2007

L'éditeur et le poète

medium_dubost.jpgLettre d'un éditeur de poésie à un poète en quête d'éditeur, Louis Dubost, Ginkgo éditeur. 2006, 123 p., 7 euros.

(Cet article est paru dans la revue La Presse littéraire n°7, août, septembre, octobre 2006)

Certains savourent d’autres toussent. La Lettre d’un éditeur de poésie à un poète en quête d’éditeur de Louis Dubost, dès ses premières éditions, malmène l’ego de quelques candidats à la publication aux manières désinvoltes. Ce texte instructif et malicieux dont je m’étais procuré le mince livret publié chez Deleatur (2001) vient de reparaître chez Ginkgo, augmenté de réponses d’auteurs et de considérations sur le dur métier d’éditeur. Cela donne un petit livre encore plus savoureux aux couleurs d’un bonbon mais d’un bonbon qui pique. Amateurs de douceurs onctueuses s’abstenir ! 
En effet, à l’ironie somme toute assez bienveillante de Louis Dubost (lorsqu’on sait la goujaterie de certains plumitifs), viennent s’ajouter les rages, dépits et coups de sang de ceux qui s’exposent imprudemment en envoyant leurs oeuvres à l’aveuglette, c’est-à-dire sans prendre au moins le soin de se renseigner sur le catalogue et sur la sensibilité d’un éditeur de poésie recevant cinq cents manuscrits par an. Parmi ces velléitaires qui se rêvent ou se cauchemardent écrivains, certains ne sont pas le moins du monde gênés de déclarer qu’ils n’ont pas le temps de lire. Et Louis Dubost de leur répondre du tac au tac : Vous avez bien le temps d’écrire ! 
Cette petite déprime passagère dont l’éditeur des poètes d’aujourd’hui avoue s’offrir parfois le luxe en rêvassant au montant d’une commande d’un livre à dix euros par les seize mille pourvoyeurs de manuscrits, on la comprend, surtout à la lecture des instantanés que Louis Dubost appelle des clips, moments glanés sur les stands des foires aux livres et autres salons, notamment au Marché de la poésie parcouru par des porteurs de cartables et de saccoches plus gonflés de manuscrits inédits qu’affamés de livres exposés à la vente. En un geste révélateur de leur mentalité, ces chasseurs d’éditeur posent parfois sans vergogne leur bagage sur les livres présentés au public !   
Les poètes en quête d’éditeur ne sont heureusement pas tous des mufles. Beaux joueurs, quelques uns reconnaissent la vertu pédagogique de la Lettre dont cette nouvelle édition, illustrée par les petits personnages du dessinateur Pascal Jousselin (http://pjousselin.free.fr/), offre un point de vue imprenable sur l’étrange paysage éditorial d’aujourd’hui où tentent de survivre les artisans de la poésie. Un livre à se procurer d’urgence avant de laisser dégénérer une subite crise de vers en un envoi irréfléchi ou prématuré de manuscrit.

Christian Cottet-Emard