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24 juillet 2019

Cher Télérama

nouvelles du front,presse,abonnement télérama,lettre ouverte à télérama,désabonnement,blog littéraire de christian cottet-emard,cigares,por larrañaga montecarlo (panetela),havane,cuba,luc desbenoit,télérama,programme télévision,presse écriteVoilà ce que j’ai pu lire page 36 de ton numéro 3628 à propos d’une des nombreuses expositions des Rencontres photo d’Arles (celle dont tu parles dans ce papier d’anthologie, je ne la visiterai pas et je t’en remercie car ce sera grâce à ton rédacteur, Luc Desbenoit). C’est aussi grâce à lui que je me décide enfin à me désabonner, à cesser de te donner 110 euros par an. Mais tout d’abord, permets-moi de te citer cet extrait du papier en question qui prouve qu’une certaine forme de poésie peut transpirer d’un article de presse :

 

... Bourouissa (le photographe) ne réalise pas un énième document sur la banlieue, mais propose une plongée au cœur des mentalités de ces jeunes mâles bourrés de testostérone, en survêtement et baskets de marque, qui tournent en rond, investissent les halls d’immeubles et s’affrontent du regard comme des bouquetins enfermés dans un enclos, cornes contre cornes.

 

Le lecteur arraché à sa zone de confort se voit ainsi puissamment propulsé entre urbanité précaire (halls d’immeubles) et ruralité profonde (bouquetins, enclos), dans une sensualité tout en finesse (jeunes mâles bourrés de testostérone) et en symboles hardis (ces cornes entrechoquées qui nous ramènent au lancinant leitmotiv de la double évocation ville / campagne). De la poésie te dis-je ! Bon, assez rigolé, revenons au sujet.              

 

En temps normal, les fantasmes convenus d’un monsieur émoustillé par le style bad boy autorisent tout au plus un sourire de compassion. Hélas, l’ambiance dans le pays semble indiquer que nous ne sommes plus en temps normal, et je dois t’avouer quelque chose, cher Télérama : depuis quelques années, depuis que tu veux absolument nous vendre Mehdi Meklat et sa schizo, Abd Al Malik et sa parano ainsi que les nombreuses tares de tous leurs clones croûtant aux râteliers des fondations de luxe et de la Politique de la Ville et surtout ton sinistre catéchisme gaucho-bobo, je ne continue de te lire que pour savoir comment pense l’ennemi, jusqu’à une certaine limite quand même. Se documenter, oui. Subventionner, non.

 

110 euros par an pour lire ce qui vient de me tomber sous les yeux, c’est à peu près le prix d’une boîte de 25 Por Larrañaga Monte Carlo (117 euros), un de mes havanes préférés. C’est aussi dans la fourchette de prix de deux ans d’abonnement à Causeur, le magazine qui va te remplacer.

 

Allez, adieu mon vieux Téléramuche ! Tu ne m’en voudras pas de cette petite familiarité après vingt ou trente ans de notre rendez-vous hebdomadaire du côté de ma boîte aux lettres, ce qui montre qu’il t’est aussi arrivé d’être bon.

 

Dommage qu’il n’existe pas un Télérama de droite mais là, nous tomberons d’accord : c’est impossible car nous avons la droite la plus bête du monde. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le regrettable président Macron a si facilement réussi à l’atomiser en oubliant qu’ainsi, il nourrissait ce qui risque désormais de constituer pour beaucoup de mécontents et d’humiliés de tous bords la seule alternative à son règne. Fermons la parenthèse.

 

Alors sans rancune, hein, Téléramuche ! D’autant qu’avec toi, j’ai appris un nouveau mot, jubilatoire, et un scoop : les bons auteurs n’écrivent pas au stylo ou à l’ordinateur mais au scalpel. Trop fort !

 

PS : Je te connais, tu vas me relancer en m’offrant une réduction, un agenda, un dictionnaire des synonymes, un supplément ou une copie de montre de rappeur grosse comme une horloge. N’y pense même pas.

Bien sûr, si le cadeau promotionnel est une boîte de Por Larrañaga, je pourrais éventuellement reconsidérer ma position.

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12 juin 2019

Carnet / Cigare et Guépard !

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Un Por Larrañaga Montecarlo (Panetela) pour égayer cet automnal lendemain de Pentecôte, et surtout, le réconfort d’un chef-d’œuvre.

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La première fois que j’ai vu le film, j’étais encore plus jeune que lors de ma lecture du livre. À cette époque, le succès du film dans les foyers populaires résultait d’un malentendu. La fresque sociale désenchantée et le message politique amer étaient éclipsés par la splendeur de la mise en scène et l’incroyable précision des détails, notamment dans l’immense et fameuse scène du bal qui faisait rêver non pas dans les chaumières mais dans leurs équivalents modernes. Quant à ce que j'en avais retenu à cette époque lointaine, c'était surtout la merveilleuse musique de Nino Rota.

Aujourd’hui, ce livre et ce film ne cessent de me nourrir, notamment lorsque j’ai la mauvaise habitude de trop me laisser atteindre par le spectacle sordide des dangereux et lamentables petits calculs de nos politiciens nationaux. À la suite des élections européennes que je qualifie à l’échelon français de légalement truquées par notre épouvantable président, relire ce livre et revoir ce film m’est un véritable baume, certes piquant mais apte à me rappeler qu’il faut tout regarder de loin quand on a la chance de pouvoir se le permettre.

Encore deux mots sur le film dont l’un des intérêts majeurs est le choix (bien sûr lié à la nécessité et aux contingences de la production) d’acteurs à contre-emploi, notamment Burt Lancaster dont la face de baroudeur pour westerns parvient au prodige de se calquer sur le visage impassible et secrètement bouleversé du Prince Fabrizio Corbera de Salina.

Même exploit de Claudia Cardinale dont le personnage,  Angelica Sedara, n’a d’aristocratique que sa beauté, laquelle ne la protège nullement des faux pas dans la noblesse en fin de règne où elle accède grâce à la fortune de son père, Don Calogero Sedara, maire du village de Donnafugata, en quête de légitimation de son nouveau et récent statut social de parvenu croulant sous la richesse qui pourrait échapper à la maison Salina sans l’alliance de la nouvelle bourgeoisie à l’ancienne aristocratie. Cette alliance dans le nouveau monde où les guépards deviennent des hyènes se scelle dans le très attendu mariage opportuniste d’Angelica et de Tancrède Falconeri, le neveu du Prince Salina interprété par Alain Delon qui, jeune arriviste au regard clairvoyant et cynique sur l’évolution sociale, prononce la célèbre phrase encore si lourde d’actualité en 2019 :

Si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change.

Je n’oublie pas parmi les rôles secondaires la prestation de Serge Reggiani dans le rôle de Don Francisco Ciccio Tumeo, organiste et compagnon de chasse du Prince Salina, personnage représentatif des gens du peuple qui défendent l’ordre ancien pour des raisons mêlant des intérêts matériels et la nostalgie d’une illusoire harmonie sociale.

Il serait ici trop long et sans doute pesant de m’attarder sur la magnificence des descriptions, des portraits et des ambiances, aussi me contenterai-je d’une citation. Giuseppe Tomasi di Lampedusa décrit l’arrivée de la famille Salina dans la résidence d’été de Donnafugata. Les petits notables et les villageois sont là pour accueillir le cortège fastueux et couvert de la poussière de l’épuisant voyage sous la canicule. Heureux d’arriver enfin et de bonne humeur, le Prince se laisse aller à d’inhabituelles amabilités à l’égard des uns et des autres, ce qui est tout de suite interprété au village :

Le prince, qui avait trouvé le village inchangé, fut en revanche trouvé très changé, lui qui n’aurait jamais auparavant utilisé des mots si cordiaux ; et à partir de ce moment commença, invisible, le déclin de son prestige.

 

Note / Un autre livre de Giuseppe Tomasi di Lampedusa que j'aime beaucoup, son recueil de nouvelles Le Professeur et la sirène.

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