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13 mars 2024

Carnet / Des virevoltants

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Tumbleweed (virevoltant) : amas sphérique de plantes sèches coupées de leurs racines roulant au gré des vents.

 

L'actualité internationale très tendue que nous connaissons en ce moment nous montre à quel point il est inquiétant d'être gouvernés par des individus trop jeunes. La limite d'âge légale pour être président de la république et ministre (surtout premier ministre) devrait être comprise entre cinquante-cinq et soixante-quinze ans, ni plus jeune ni plus vieux.

 

Les électeurs qui se sont naïvement réjouis de la jeunesse de l'actuel président lorsqu'il est arrivé au pouvoir ont sans doute oublié que la jeunesse (comme la vieillesse) n'est pas une qualité mais un état. Aux plus hautes fonctions, celles qui requièrent sang-froid, mesure du langage et conscience du pouvoir des mots, la jeunesse n'est pas un atout, surtout dans les périodes de crise et tout particulièrement dans les moments de tensions internationales.

 

Le problème d'un dirigeant trop jeune est d'être, comme tous les jeunes, plus vulnérable à la blessure narcissique qu'un individu âgé, or rien n'est plus redoutable pour un individu (comme pour un groupe) que les conséquences de la blessure narcissique car celle-ci peut conduire toute personne qui en est la proie à réagir de manière irrationnelle voire, pire encore, à agir délibérément contre ses propres intérêts ou ceux de la collectivité s'il en est un leader. Au plus haut niveau de l'État, c'est effrayant. Bien sûr, la maturité ne protège pas totalement de la blessure narcissique mais elle permet de la relativiser et, pour les personnes les plus réfléchies, de la surmonter.

 

Ce qui peut aussi réguler les mécanismes aux conséquences dévastatrices qui s'enclenchent à la suite de la blessure narcissique à laquelle nous sommes tous exposés est la transmission, notamment avoir des enfants et vouloir leur transmettre quelque chose, un héritage moral, culturel ou matériel. Les liens du sang, lorsqu'ils sont sains, sont un excellent rempart contre les tentations destructrices et auto-destructrices consécutives à la blessure narcissique. Plus question de penser « après moi le déluge » lorsqu'on a une descendance. Or nos plus hauts dirigeants politiques actuels sont non seulement trop jeunes mais encore n'ont pas d'enfants, ce qui est bien sûr leur droit mais ce qui les conduit à entretenir un rapport au monde radicalement différent de celui de l'écrasante majorité de leurs administrés.

 

L'âge apporte du recul, y compris vis-à-vis de soi-même. La descendance donne une conscience étendue des racines, celles auxquelles puise l'individu et celles qu'il crée pour sa succession. Or nous sommes gouvernés par des individus de plus en plus jeunes, de moins en moins enracinés et donc de plus en plus éloignés de la réalité et du monde de leurs administrés. Nos « élites » sont composées d'éternels adolescents qui n'ont que l'intelligence de la gestion et de la technocratie mais qui n'ont pas la stature pour gouverner parce qu'ils sont inexpérimentés, capricieux, susceptibles et narcissiques, donc dangereux.

 

Il n'est pas aujourd'hui un seul grand chantier de la société où nos actuels dirigeants ne travaillent pas ouvertement contre les désirs, espoirs et revendications populaires (le gouvernement ne veut pas limiter et contrôler l'immigration issue de pays aux cultures opposées et incompatibles, refuse de rétablir les frontières, ne veut plus de petits agriculteurs, de petits commerçants, de petits propriétaires alors que le projet d'une vie est précisément celui d'accéder à la propriété, rejette les traditions locales cultuelles et culturelles, s'oppose à la famille qui est le dernier cercle de résistance à la collectivité quand celle-ci se fait oppressive et il combat l'idée de souveraineté nationale dans tous les domaines économiques et politiques où son rétablissement est demandé).

 

Voici les deux citations qui me semblent le mieux qualifier la nature de nos gouvernants actuels et leur action :

« Malheur à toi, pays dont le roi est un enfant » (Ecclésiaste).

« Il faut que tout change pour que rien ne change » (Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Le Guépard).

Et s'il fallait une image pour emblème de ces dirigeants, notamment le président, celle du tumbleweed (virevoltant) me paraît la plus tristement évocatrice.

13 octobre 2023

Carnet / Relectures (Calvino, Lampedusa, Harrison, Tabucchi)

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J’ai vu tout récemment sur la chaîne Arte un documentaire sur Italo Calvino en espérant que ce serait pour moi l’occasion de trouver une clef pour entrer dans son œuvre car jusqu’à maintenant, je n’ai rien compris à ses livres, qu’il s’agisse du Baron perché, du Vicomte pourfendu, des Villes invisibles et de Si par une nuit d’hiver un voyageur. Le plus étrange est qu’un seul de ses ouvrages, Marcovaldo, a pourtant joué un rôle très important dans l’élaboration de certains de mes propres livres à l’époque où je n’avais pas encore résolu l’épineuse question de l’équilibre entre le fond et la forme. En cela, Marcovaldo fut pour moi un révélateur. Je l’ai donc lu plusieurs fois. 
Dans les domaines de la fiction romanesque et de l’autobiographie, les écrivains que je relis sont rares : Giuseppe Tomasi di Lampedusa (Le Guépard et les nouvelles Le Professeur et la sirène), Jim Harrison (sa poésie et ses ouvrages autobiographiques, notamment ses mémoires En marge) et Antonio Tabucchi (toute son œuvre notamment Requiem, La tête perdue de Damasceno Monteiro, Pereira prétend, y compris les essais). 
Harrison et Tabucchi ont beau ne pas vivre dans le même monde, leurs thématiques et leurs styles respectifs radicalement éloignés me sont pourtant une véritable nourriture. Je ne m’intéresse ni à la pêche ni à la chasse (Harrison) et ne partage pas les idées politiques de Tabucchi. C'est ainsi.

05 octobre 2023

Carnet / Ni tout à fait la même ni tout à fait une autre *

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Plaire est agréable mais déplaire est amusant. Voilà pourquoi j’aime déclarer au milieu d’une assemblée d’adeptes du mouvement et du changement à tout prix, autrement dit de la gesticulation stérile, le mantra de notre époque, que lorsque les choses changent, c’est rarement en bien. 

Divertissez-vous en sortant ça en pleine réunion au travail (de préférence à un mois de la retraite, c’est plus prudent) et vous pourrez savourer votre effet sur tout représentant de n’importe quelle élite dirigeante qui pratique probablement le « gattopardisme » (il faut que tout change pour que rien ne change) comme monsieur Jourdain dit de la prose, sans le savoir. De toute façon, le niveau culturel de nos chefs actuels, petits ou grands, nous incite  à douter qu’ils aient lu attentivement Le Guépard (Il Gattopardo) de Giuseppe Tomasi di Lampedusa et Le Bourgeois gentilhomme de Molière. 

On s’accrochait hier aussi désespérément à l’idéal de permanence qu’à celui d’impermanence aujourd’hui mais bien sûr, notre fragile condition humaine oscille entre les deux. 

Je me suis agrippé une grande partie de ma vie comme un naufragé à cette planche de salut qu’est l’obsession de la permanence, celle des propriétés, des maisons, des paysages, des êtres et que sais-je encore mais tout en acceptant de douter des certitudes qui l’accompagnent, je n’ai pas pour autant lâché prise pour me laisser emporter dans le courant de l’illusion de l’impermanence. 

Pour mon confort personnel, je m’en veux d’avoir mis très longtemps à découvrir qu’il existait une troisième voie. La lecture de Paul Verlaine en mon adolescence aurait pourtant dû m’y aider plus tôt : « Ni tout à fait la même ni tout à fait une autre. » Mais oui ! Comme l’eau de la source, la vague sur le sable, la rumeur de la forêt, l’aube après la nuit, la grappe de raisin, la goutte de rosée, le flocon de neige, l’aiguille du mélèze, la feuille et la fleur de l’arbre…

(Extrait de Prairie Journal 2, deuxième tome de mes carnets, coédition Club / Orage-Lagune-Express. En parution programmée sur Amazon, c'est-à-dire enregistré mais non encore disponible au public.)           

* Ni tout à fait la même / Ni tout à fait une autre (extrait de Mon rêve familier, Poèmes saturniens de Paul Verlaine) est aussi le titre d’un roman de Flora Groult.

Photo / Chaque goutte d’eau de la fontaine n’est ni tout à fait la même ni tout à fait une autre. (Détail de la fontaine du Rossio à Lisbonne. Photo Christian Cottet-Emard).