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25 mars 2024

L'avis de Jacki Maréchal à propos de mes deux derniers livres (disponibles à la librairie Buffet pour les personnes d'Oyonnax et sa région) :

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« Imaginez notre Christian Cottet-Emard tout petit, ayant raconté à son coiffeur (Malartre, avenue Jean Jaurès, pour les anciens Oyonnaxiens : à la fin de la coupe ce coiffeur tournait comme une abeille autour de votre nuque avec une poire à eau de Cologne dont il était vraiment peu avare : pchiii pchiii pchiii ! souvenez vous !), Christian enfant, avait raconté donc, que ses parents étaient en réalité des espions. Mais où va-t-il chercher tout ça ? Mais où va-t-il chercher tout ça, demandait aux parents le coiffeur impressionné ! Oui, on se le demande encore et toujours…
 
Deux livres pratiquement coup sur coup, ont été publiés sous sa signature. Le premier, une romance autant amoureuse que loufoque vous entrainera de la France au Portugal à la recherche de la bien-aimée, décampée sur un coup de tête suite à un malheureux quiproquo verbal sorti de la bien innocente manche de notre protagoniste (qui, entre nous, est le portrait quelque peu symétrique de son auteur lorsqu’il porte avec humour son endroit à l’envers). Le titre : « Une folle nuit d'amour ou un bon dîner chez Lapin ? ». Cela annonce dès la couverture la coloration des pérégrinations insensées d’un amoureux voyageur – "chez Lapin" étant réellement une adresse de restaurant très connu à Porto… Bref n’en disons pas davantage, voici un livre à lire en toute décontraction au coin du feu mais aussi à la plage, dans une salle d’attente, dans les transports en commun où autres lieux aussi badins que l’ouvrage ! Vous en sortirez ravi et sans souci !
 
« Les fantômes de ma tante » est un ouvrage d’une autre consistance tout en étant aussi saugrenu. Le personnage principal, un être dont les attachantes diverses faiblesses, autant sociales que cérébrales, l’amènent à vivre aux dépens d’une vieille tante châtelaine, autoritaire, sèche et pingre. Il deviendra gardien du château et de son chat durant l’absence de celle-ci pour cause de voyage autour du monde. Ce qui semble une aubaine pour lui se compliquera en premier lieu avec ce chartreux amateur de sardines en conserve d'une seule et unique marque, ce qui décidément le rend bien capricieux, et surtout avec l’apparition fantomatique d’un ancien valet de chambre et d’une cuisinière, tous deux en service du temps de la grandeur matérielle du lieu. L’humour se mêle allégrement au fantastique dans cette jubilation romanesque où un nouveau personnage, une Fée Clochette, rencontrée durant le défilé de la fête de l’hiver en notre petite ville, viendra encore ajouter de ses gais baisers insolites, une pincée de sel d’un amour à la fantaisie charmante.
 
Deux livres que l’on referme avec un sourire de satisfaction et de légèreté, et qui nous permettent une évasion salutaire de notre actualité inquiète. La bonne compagnie de Christian Cottet-Emard est décidément bien séduisante et imprévisible. Deux livres disponibles chez notre bien sympathique librairie Buffet entre autres. »
 
- Ouvrages également disponibles au kiosque de l'hôpital d'Oyonnax et aussi par correspondance ou en envoyant un mail à contact.ccottetemard@yahoo.fr

04 décembre 2023

Une folle nuit d'amour ou un bon dîner chez Lapin ? (Extrait)

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Porto depuis le Pont Luís. Photo Ch. Cottet-Emard

La matinée était déjà bien entamée mais d’ici vingt heures, j’avais largement le temps de tenter une nouvelle visite au domicile de Béatrice Domenc. Je franchis donc de nouveau le Pont Luís en direction de Vila Nova de Gaia. Depuis la rambarde, la vue vertigineuse sur Porto et le Douro transforma mon anxiété diffuse en angoisse. Que faisais-je ici ? Je me sentais comme un rat de laboratoire soumis à des expériences destinées à tester et analyser son comportement. Peut-être avais-je perdu Madeleine et pourquoi ? Pour une simple remarque de travers ? C’était absurde.

L’arrivée devant le petit restaurant de Dona Lucinda me réconforta un peu. J’entrai directement dans la cour, franchis la deuxième porte, gravis l’escalier et fis grésiller le bouton de sonnette. La porte s’ouvrit doucement. Bonjour madame Domenc, je suis le mari de Madeleine. Puis-je entrer ? Béatrice Domenc sourit et me céda le passage d’un geste de la main. Madeleine m’avait dit qu’elles avaient le même âge mais je notai que son amie affichait un style complètement différent. Sa chevelure grise encadrait un visage à l’expression un peu molle. Elle referma la porte et m’indiqua un fauteuil maigrichon en rotin qui émit d’inquiétants craquements lorsqu’il recueillit mes quatre-vingt-cinq kilos. Voulez-vous boire quelque chose ? proposa-t-elle en ajustant l’ample robe imprimée dans laquelle flottait sa silhouette frêle.

L'appartement où il me semblait détecter une trace du parfum de Madeleine était constitué d’une grande pièce avec deux fenêtres protégées de rideaux occultants. On devinait dans le fond une alcôve ainsi qu’une kitchenette aménagée dans un renfoncement qu’une porte accordéon en plastique marron était censée dissimuler. La décoration du séjour sortait tout droit des années soixante-dix avec des arbres de vie tendus sur les murs, des foulards indiens posés sur des abat-jours, un canapé deux places et un fauteuil crapaud.

Béatrice Domenc apporta une infusion qu’elle mit une éternité à servir avec des gestes savants dans de petits bols qu’elle disposa sur un plateau métallique oriental en équilibre sur un pouf en cuir puis s’assit en face de moi sans se départir de son sourire. Boire chaud est préférable quand on veut vraiment se désaltérer énonça-t-elle doctement. Pas convaincu, je portai avec prudence le bol à mes lèvres et le reposai aussitôt en raison de l’odeur de poussière du breuvage et de son goût de vieille betterave oubliée à la cave. Ça vous ennuierait si on se tutoyait ? Parce que j’ai perdu l’habitude de dire vous aux gens depuis que j’ai refait ma vie ici. Non, pas vraiment, répondis-je en pensant que rien ne m’énervait plus que ces gens qui vous tutoient deux minutes après vous avoir rencontré pour la première fois.

Domenc accentua son sourire figé qui m’énervait aussi. Tu as donc fait tout ce voyage parce que tu penses que Madeleine est venue se réfugier chez moi après votre dispute ? On ne s’est pas vraiment disputés, rectifiai-je, il s’agit plutôt d’un malentendu. Domenc hocha la tête d’un air amusé. Ah oui, pardon, ce genre de nuance m’échappe un peu depuis que je suis divorcée. Désolé de vous rappeler de mauvais souvenirs, risquai-je sans céder au tutoiement. Domenc me scrutait avec amusement ou condescendance, de toute façon, j’en étais irrité dans les deux cas. Pendant qu’elle prenait une autre gorgée de sa tisane de poussière, je l’observai à mon tour.

Elle n’était pas trop mal dans son genre, plutôt bien conservée. Je parie que tu es en train de te dire que je suis bien conservée pour une femme de mon âge, pas vrai ? Euh, oui, balbutiai-je, troublé. Et j’ajoutai : oui, vous êtes très bien. Un léger voile effleura son sourire. Pourtant, il manque quelque chose, soupira-t-elle, à quoi je ne pus rien répondre de plus original que : je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Elle se leva, s’approcha, prit brusquement ma main et la plaqua contre sa poitrine. Il m’en manque un, tu sens ? J’étais si abasourdi que je restai pétrifié quelques secondes avant de trouver la répartie : oui, mais l’autre continue de vous avantager. Elle rit et retourna s’asseoir.

Toi au moins, tu ne manques pas d’esprit. Ce n’est pas comme mon mari. Il m’a plaquée juste après mon opération. Il faut croire que pour lui, une femme qui n’a plus qu’un sein n’est plus une femme. C’est ridicule et injuste, dis-je. Elle haussa les épaules. Je t’épargne les détails, la dépression, la rage et tout le reste, et après la vie qui reprend le dessus parce qu’il n’y a pas d’autre choix et enfin ma décision de m’installer ici, dans cet endroit du monde qui me plaît. Ça fait maintenant cinq ans et jamais je ne me suis sentie aussi bien que dans ce petit appartement qui sent la frite mais qui suffit désormais à mon bonheur.

Elle se leva de nouveau et ouvrit les rideaux, dégageant la vue sur les quais animés du Douro. Je crois que pouvoir contempler ça tous les jours grâce à Lucinda qui ne me demande qu’un loyer symbolique a contribué à me redonner une santé. Dans cette nouvelle vie, je n’ai de comptes à rendre à personne mais je dois quand même reconnaître que je n’avais pas prévu de finir célibataire, sans enfants de surcroît.

Le sourire de Béatrice Domenc ne m’irritait plus du tout. Je fus tenté de lui assurer qu’il n’était pas trop tard pour rencontrer un homme digne d’elle mais je jugeai cette remarque stéréotypée indigne de la situation. Je décidai maintenant de la tutoyer. Vous dites, pardon, tu dis que ton appartement sent la frite mais il m’a aussi semblé reconnaître quelque chose d’assez proche du parfum de Madeleine, or c’est une marque plutôt rare. Je serais étonné que tu portes le même… Béatrice hocha la tête. Tu as non seulement de l’esprit mais du nez. Madeleine est passée me voir ce matin puisque c’est cela que tu veux savoir mais elle est repartie avec son amie.

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Pour les personnes d'Oyonnax et de sa région, ce roman est en vente au kiosque de l'hôpital d'Oyonnax au prix de 10 € (format poche).

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06 janvier 2023

Sur les quais du Douro à Vila Nova de Gaia

Avant la publication prochaine de mon nouveau roman, j’ai décidé de l’enregistrer préalablement en intégralité, couverture comprise, sur la plateforme Amazon avant sa sortie officielle afin de pouvoir en donner sur mon blog quelques extraits en toute sécurité. Cette manière de procéder équivaut à un dépôt qui s’ajoute aux autres plus classiques (SGDL, office notarial, dépôts électroniques, etc…) tous destinés à la protection des ouvrages.

Extrait

Sur les quais du Douro à Vila Nova de Gaia

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Photo © Christian Cottet-Emard

    … Une fille à la longue chevelure blonde descendant jusqu’à la fermeture dorsale de sa robe marchait devant moi sur les quais du Douro. J’avais entendu dire qu’en longeant les enfilades d’entrepôts de stockage des fûts de porto et en continuant le temps qu’il fallait, bien après les quais, en arpentant des rues pavées désertes, je pouvais arriver à un village de pêcheurs « qui méritait le détour » . Cette fille à la jolie silhouette méritait-elle le détour elle aussi ? Je ne vais quand même pas changer mon projet élaboré le matin à l’hôtel pour un village de pêcheur ou pour le dos d’une inconnue. Le mieux était de la dépasser, d’allonger le pas puis, arrivé à bonne distance, de me retourner pour voir son visage. Dans ma progression, je repérai un banc public où m’assoir pour la dévisager en toute discrétion. C’était un vieux banc aux armatures rouillées et au bois tout gris qui finissait sa carrière dans le mobilier urbain au milieu d’un tapis de feuilles sèches tombées de je ne sais quel arbre malingre. Maintenant que j’étais assis sur ce banc, je réalisai qu’une fois de plus, j’étais prêt à me laisser distraire d’un projet pour trois fois rien. Il en était toujours ainsi dans ma vie.

La fille s’approchait et lorsque je finis par distinguer ses traits, je découvris un visage dur, marqué, sans harmonie, à l’expression vulgaire, presque grimaçante, le tout en contraste radical avec la silhouette mince et trompeusement juvénile qui m’avait leurré tout comme l’abondante chevelure blonde. Voilà une banale déconvenue et c’est encore pire lorsque c’est le faciès d’un homme qui se révèle ainsi. Un homme, justement, qui se dirigeait dans la direction opposée, salua la fille avec désinvolture en lui criant lorsqu’il arriva à sa hauteur : eh, la poésie, ça roule ma cocotte ? 

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Photo © Christian Cottet-Emard

Il était temps de retourner à mon projet du matin qui consistait en une visite à la cave à cigares du Corte Inglés sur les hauteurs de Vila Nova de Gaia. Il me suffisait de rebrousser chemin en direction du Pont Dom-Luís que j’avais traversé un quart d’heure avant et de gravir les petites rues vieillottes menant à l’immeuble imposant du centre commercial mais à ma grande surprise, la fille s’assit à côté de moi. À ce moment, un autre type passa devant nous et s’écria en riant : hola, la poésie ! Encore au boulot ?

La fille haussa les épaules et sortit une cigarette d’un vilain étuis clinquant. En la voyant peiner avec son briquet vide ou détraqué, je sortis le mien et lui offrit du feu. Pendant qu’elle tirait sur sa cigarette, je remarquai l’excès de rouge à lèvres, et, en baissant les yeux, la robe serrée qui lui remontait trop haut sur les cuisses maintenant qu’elle était assise. Je constatai qu’elle était beaucoup plus âgée malgré sa sveltesse et, il faut le reconnaître, d’assez belles jambes. Elle me toisa sans un merci. Si tu veux les toucher et faire ta petite affaire avec le reste, c’est cent cinquante euros, chéri.

Je ne m’attendais pas à cette sortie mais ma réponse vint par réflexe : merci, je n’en suis pas encore à payer pour ça. Dites-moi, si vous me permettez, pourquoi ces deux types vous ont-ils appelée la poésie ? La fille tapota sa cigarette pour évacuer la cendre. Parce que c’est moi, la poésie, répondit-elle en détournant la tête, et j’ai été danseuse aussi. Et toi, je parie que tu es poète, je me trompe ? ajouta-t-elle. Je pense qu’un poète ne peut se définir lui-même comme poète, dis-je, c’est aux autres d’en décider. La fille ricana. En plus, elle avait une voix rauque, vraiment désagréable. Voyez-vous ça ! Eh bien j’en connais un paquet qui ne se privent pas de se prendre pour des poètes et pour des bons ! Et toi bien sûr, tu serais une exception ?

Un peu piqué au vif quand même, je tentai d’esquiver : alors comme ça, vous seriez une incarnation de la poésie ? La fille se racla la gorge. Une incarnation ? Tu as de ces mots ! Et elle ricana de nouveau en ajoutant : tu dois être un poète néo-romantique ou quelque chose de ce genre, je l’aurais parié ! J’en connais plein, ce sont de très mauvais coups !

Las de cette conversation absurde, je me levai et ne trouvai rien d’autre à dire que : je dois partir, je vous souhaite une bonne journée. 

En réalité, je m’aperçus que je parlais dans le vide, il n’y avait personne sur le banc et je me sentais abruti, vaguement endolori. C’était sûrement la séance de dégustation de porto en fin de matinée à la maison Adriano Ramos-Pinto, suivie d’un cigare. J’aurais dû aller manger quelque chose juste après. Je m’étirai et fis demi-tour pour reprendre la direction du Corte Inglés. Le village de pêcheur « qui valait le détour » , ce serait pour une autre fois.

Un de ces bateaux qui transportent des touristes en croisières fluviales glissait sur le Douro. Je ne sais pourquoi, son sillage ramena la poésie à mon esprit. Un jour, la poésie s’est penchée sur mon berceau telle une fée et m’a offert ce cadeau, cette faculté de pouvoir regarder le monde sous un angle légèrement différent, disons (peut-être) plus personnel, par exemple une facilité à me réjouir d’un nuage lenticulaire immobile plusieurs heures dans le ciel ou de la lune du matin qui rend liquides et timidement parfumés certains jours du premier printemps. Un jour je pense cela et puis un autre jour, je me lève et je trouve que la poésie m’a moins donné qu’une vieille pute amère et goguenarde qui se prend pour une danseuse et à qui je dis tout net : ah oui, une danseuse, tu parles ! Une danseuse du genre de celles qu’entretenaient les bourgeois grassouillets du dix-neuvième siècle dans leurs garçonnières ! Danseuse ou prostituée, la poésie, c’est selon mon humeur, chérie !

 

© Blog littéraire de Christian Cottet-Emard, ISSN 2266-3959, 2023.