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25 février 2010

Des salons et résidences

Retrouvant le MacBook après une brève escapade en forêt, j'ouvre un mail de relance à la suite d’une « invitation » à participer (bénévolement, cela va sans dire) à diverses rencontres autour du livre ainsi qu’à un salon qui avait déjà eu lieu l’an dernier. Sans en être, j’avais suivi attentivement la couverture de presse déplorable de cet événement, ce qui aujourd’hui encore me laisse perplexe sur les bénéfices que les auteurs ainsi « invités » peuvent espérer d’une telle initiative.

Je ne parle pas, dans le même ordre d’idée, de ces résidences d’auteurs qui s’ouvrent un peu partout de nos jours et à propos desquelles j’avais ironisé sur ce blog et dans Le Magazine des Livres. À l’époque où l’idée de participer à une de ces résidences m’avait effleuré, j’avais découvert, liste en mains, que la plupart étaient complètement en rupture avec le projet d’origine qui consiste à loger un écrivain et à le rémunérer sur une durée déterminée pour l’aider à apporter le point final à un livre. De nos jours, ce type de résidence devient très rare et l’on demande désormais à l’auteur de fournir (sans le salaire correspondant) un travail d’animation (interventions en milieux scolaire, pénitentiaire, organisation d’ateliers d’écriture et, dans le meilleur des cas, rédaction de textes destinés à valoriser un terroir, une tradition et que sais-je encore...) D’après ce que j’ai pu lire de telles productions, je pense que la littérature n’y gagne rien. De plus, un écrivain n’est ni un animateur social, ni un éducateur de quartier ni un agent du patrimoine. Dans un tel contexte, je considère que la meilleure résidence d’auteur est ma maison.

22 février 2010

Carnet du redoux

P1000633.JPGL’infatigable nature joue son grand théâtre d’hiver derrière mes fenêtres. Le vent du redoux a redressé les frênes alourdis de neige et de glace. La semaine dernière, j’ai creusé à grand-peine, tout au bout de la propriété, dans un sol gelé, la tombe du rat que j’avais pris en pension et qui a finalement mené une grande partie de sa vie dans une cage installée dans mon bureau. Hier, une matinée de soleil a réveillé des couleurs de printemps dans les frênes déjà piquetés de leurs bourgeons noirs qui sont en réalité violets si on les observe de près. En fin d’après-midi, j’ai profité de cette accalmie pour me ravitailler en petit bois. Je n’ai qu’à tendre la main sous les frênes pour me servir. Le vent secoue leurs ramures cassantes et il ne reste plus qu’à faire un bon fagot. Ma récolte a crépité sous des bûches de charme et de foyard héritées des dernières coupes affouagères de mon père. Je veux lire un salut de sa part dans les bonnes flammes du foyer. Dehors, de nouvelles bourrasques préparent mes prochains fagots. Le moment est propice à l’écoute de Scenes from the Bavarian highlands d’Edward Elgar (1857-1934) 599px-Edward_Elgar.jpginterprétées par the Cambridge University Chamber Choir dirigé par Christopher Robinson avec Iain Farrington au piano (disque Naxos 8.570541). À l’autre bout du séjour, derrière la baie vitrée, je distingue le chat qui me fixe avec perplexité et dresse les oreilles au moindre de mes mouvements. Avant le repas, lecture de quelques pages de9782809700909.jpg La Brocante Nakano de Kawakami Hiromi (éditions Picquier poche) et du dernier chapitre du roman de878511464.jpg Raymond Alcovère, Le Bonheur est un drôle de serpent (éditions Lucie). Pas de digestif car j’ai bu un Isle of Jura « Superstition » (le seul tourbé de la gamme) à l’apéritif, mais un petit Havane tout de même, fumé sous la lanterne de la porte d’entrée, à l’abri du vent qui est l’ennemi du cigare. Je vais encore me coucher trop tard et j’aurai demain la tête dans le sac au moment de travailler au tapuscrit définitif du livre à paraître aux beaux jours.

Photo d'Edward Elgar prise ici.

Photo : promenade en raquettes dans un sous-bois d'épicéa.

11 février 2010

Carnet de l’espace et du temps

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Espace / temps 1
« Halte à la France moche ! » lit-on en gros titre de Télérama cette semaine avec une couverture illustrant « comment les villes françaises sont devenues laides. » On devrait se réjouir de ce cri d’alarme et espérer des mesures pour réduire cette laideur évoquée par Milan Kundera dans son roman La Lenteur (Folio). Mais ce serait oublier que la même alerte avait été lancée à la télévision dans les années soixante-dix du vingtième siècle dans une émission hebdomadaire intitulée La France défigurée, animée par le journaliste Michel Péricard. Quarante ans après, nous en sommes toujours au stade du constat, avec ces zones industrielles et commerciales et cet habitat péri-urbain que Kundera qualifie d’« étendue de laideur » . Alors, rendez-vous dans un demi-siècle pour le même constat ? Au train où vont les sœurs jumelles politique et économie, j’en ai bien peur.

Espace / temps 2
Dans Télérama encore, ces quelques lignes d’un certain Stéphane Jarno qui, à l’occasion d’un reportage sur le tournage à Nantua du film Quartier lointain, décrit ainsi la petite cité haut-bugiste :

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« À Nantua, le tournage de Quartier lointain, c’est l’événement des dix (quinze ?) dernières années. Dans cette petite ville de l’Ain, célèbre pour son lac et ses quenelles, le temps semble s’être arrêté, comme écrasé par les montagnes avoisinantes. N’étaient les nombreux poids lourds et les femmes voilées qui passent hors champ, on pourrait se croire dans la France de Catherine Langeais et du petit Nicolas... »

Quelle prose remarquablement typique de ce que peut sécréter le journaliste urbain aux champs ! Ah, ce « temps arrêté » , ce temps « écrasé » ! Et ces montagnes  : « avoisinantes » ! Oh, ce précieux « n’étaient » ! Et puis ce rapprochement hardi (je n’ose dire ce télescopage) entre ces femmes voilées et ces poids lourds puissamment qualifiés de « nombreux » !
Bien que je sois encore sous le charme de ce style somptueux, j’aurais tout de même une légère réserve  à exprimer à propos du temps qui serait censé s’arrêter dans les petites villes de province. Moi qui vis près d’un village, plus près encore de la forêt, je pense que dans les grandes villes, le temps aurait plutôt tendance à s’emballer... Comme cette machine à produire du cliché qu’est le journalisme.

Quand je pense que moi aussi, j’ai fait ce métier pendant dix ans, je n'en suis vraiment pas fier.

Photo: Nantua vue de la falaise (Photo MCC)