06 juillet 2010
Alma s'en va (suite)
(Nouvelle en mini-feuilleton)
Résumé des épisodes précédents
Une épave mystérieuse vient d'échouer sur la plage. Le major, un officier taciturne, enquête auprès d'un écrivain retiré, témoin d'un étrange phénomène et détenteur d'un objet convoité.
7
Pourquoi ai-je raconté cette histoire au major ? Les hasards de la conversation. J'y repense cette nuit en entendant gronder la mer. Quand dormirai-je enfin ? Et cette odeur ? Je fume trop. Le tabac doit me pervertir l'odorat. Nous sommes en plein hiver... Aucun arbre en fleur. J'ai soif. Se lever, ouvrir le réfrigérateur, boire. Écrire: " ce temps aujourd'hui plus précieux que l'or et que les négriers des distances abolies cherchent désormais à soustraire à ceux qui, toujours dépossédés, avaient trouvé dans ses replis leur imprévue richesse : la gourmandise du veilleur, la provision du matinal..."
Ermé. Ermé... Gildo. Est-ce possible? ? Ermenegildo ?...
8
« Puis-je parler au major ?
— Il s'est absenté, monsieur. Voulez-vous laisser un message ? »
La secrétaire a déjà saisi son bloc et son crayon. J'aperçois Gildo entre deux portes. Il marque un temps d'arrêt et me lance un regard lourd.
« Inutile. Je reviendrai. »
9
« J'ignorais votre goût pour le scrabble » dis-je au major.
— Nous sommes trois et je soupçonne Gildo des meilleures dispositions pour ce jeu. Cela promet une belle partie. Allons, détendez-vous Gildo. La soirée ne fait que commencer et après cet excellent repas, cela nous dégourdira l'esprit. »
En disposant le jeu sur la table, j'observe les deux officiers engoncés dans leurs uniformes. La partie commence. Le major joue vite. Gildo aussi.
« Pour un littéraire, il vous faut du temps, plaisante le major.
— Nous devrions fumer. Cela m'aiderait. »
Gildo sort un paquet de cigarettes. Je saute sur l'occasion.
« Attendez, j'ai quelques havanes dans la boîte, sur le buffet, à votre gauche Ermé ! »
Gildo attrape la boîte et la pose sur la table. Nous y voilà. Il pâlit et ses mains restent pétrifiées sur la boîte.
« Eh bien, Gildo, vous nous les donnez ces cigares ? » s'exclame le major. Absorbé par le jeu, il n'a pas relevé.
« Ce qui vous manque, c'est la concentration » ajoute-t-il en coupant le bout de son havane.
(À suivre...)
© Éditions Orage-lagune-Express
La version intégrale de cette nouvelle que j'ai écrite à la fin des années 1990 est parue en deux épisodes dans le n° 16 (janvier 2000) et le n° 17 (avril 2000) de la revue Le Jardin d'essai et aux éditions Orage-Lagune-Express qui en conservent l'entier copyright. Tous droits réservés.
00:41 Publié dans Mini-feuilleton | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : feuilleton, soldat, mer, alma, alma s'en va, éditions orage-lagune-express, nouvelle, jardin d'essai, revue, christian cottet-emard, plage, épave, jeep
Commentaires
odeurs, langueur, regards lourds, tout cela est très sensuel. Est-ce qu'on se dirige vers une fable homosexuelle, cigare au bec?
Comme Jacki, je me garderai bien de chercher le livre dans ma bibliothèque.
Écrit par : marie-ella | 06 juillet 2010
La fin de la nouvelle révélera une histoire d'amour hors-norme mais pas homosexuelle car malgré les personnages tous masculins, c'est une figure féminine qui domine dans cette histoire.
Écrit par : Christian Cottet-Emard | 06 juillet 2010
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